, après la publication sur Twitter de messages racistes, antisémites et homophobes, la réaction de Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement et ministre du Droit des Femmes, permet de s’interroger sur « la tribune exceptionnelle » qu’offre Internet à une faune d’individus bas de plafond, protégés par leur anonymat.
Moteur et source d’inspiration détestables, l’anonymat peut conduire au pire. Du coup, faire des utilisateurs de Twitter des justiciables comme les autres, c’est-à-dire des gens susceptibles d’être poursuivis pour leurs propos haineux, est devenu l’objectif de la ministre. NVB aurait déjà évoqué le problème avec les responsables du réseau social pour « déterminer un certain nombre de pistes possibles ».
Loin des débordements d’une minorité abrutie, Twitter reste un outil de communication hors pair, un média à par entière avec lequel il faut désormais compter. Aujourd’hui, difficile de passer une journée sans qu’on fasse allusion, sur les ondes ou dans la presse, au dernier tweet d’un ministre outré, d’un people en mal de confidence ou d’un journaliste en croisade, autant de réactions immédiates sur l’actualité, immédiates mais courtes car rédigées en 140 signes maximum.
Anonyme et laborieux
Pourquoi devient-on le follower de telle personnalité plutôt qu’une autre ? Tous les followers de Nadine Morano sont-ils des inconditionnels de la pensée moranesque ou ne se sont-ils abonnés à son compte que pour mieux s’en moquer ? Mais surtout, qui a véritablement besoin de connaitre, à toute heure du jour et de la nuit, les derniers états d’âme d’une brochette d’inconnus ? Car oui, sur Twitter, on en vient souvent à suivre aussi des anonymes.
De tweet en retweet, nous voilà abonné à leur compte, sous prétexte qu’une de leurs saillies nous a fait sourire ou réagir, ou parce qu’ils semblent émettre sur la même longueur d’ondes politique que nous.
Là aussi, tout comme on suit une personnalité sulfureuse pour le plaisir d’être offusqué par ses tweets provocateurs et confirmer la mauvaise opinion qu’on a d’elle, on en vient à suivre, pour mieux les détester, des imbéciles anonymes qui prennent Twitter pour leur petite tribune personnelle, des chroniqueurs à la petite semaine qui s’expriment sur tout et n’importe quoi, et dont l’engagement politique revendiqué sans rire se résume souvent à des calembours et commentaires laborieux.
Humour et réactivité
Mais pas que. Des observations désopilantes de la désormais célèbre Sophie Losophie aux conversations absurdes entre Antoine de Caunes et Alexandre Astier, avec un peu de pratique, Twitter se révèle bel et bien une mine de plaisirs petits et grands, à durée de vie variable, un robinet de découvertes, une fenêtre sur le monde plus efficace et spontanée que Facebook, une source d’infos redoutablement rapide via les tweets des grands médias.
Sa réactivité est cependant une arme à double tranchant car il arrive à la twittosphère de s’enflammer sans mesure ni prudence sur la moindre déclaration publique avec un manque de recul et d’objectivité qui peut parfois faire peur. Lorsque Twitter ne se nourrit pas de l’actualité, c’est Twitter qui produit l’actualité.
Souvenez-vous des quelques mots de Valérie Trierweiller apportant son soutien à Olivier Falorni, concurrent de Ségolène Royal aux législatives 2012, ou cette sortie du rebelle Kassovitz qui tweeta « j’encule le cinéma français » en janvier 2012. A tel point que certains journaux comme Le Journal du Dimanche réservent désormais une rubrique au recensement des tweets les plus marquants, polémiques ou savoureux de la semaine.
Que leur dire ?
A son modeste niveau et avec le temps, le twittos se constitue quant à lui son petit public d’amis et anonymes. Mais que leur dire ? Leur envoyer une photo du bistro où l’on est en train de prendre un café au lieu d’aller au boulot ? Les informer qu’on est devant Koh Lanta et qu’on aimerait bien que Philippe se décide enfin à choisir entre les ex jaunes et les ex rouges ? Leur dire qu’on a mal au crâne? Qu’il fait beau ? Qu’on a oublié de se réveiller ce matin ? Que leur dire ?
On comprend vite que 99% des échanges de tweets n’ont pas plus d’intérêt que les échanges de messages sur Facebook et que dans les deux cas, on se retrouve à communiquer avec un grand nombre d’inconnus, « followers » d’un côté, « amis » de l’autre, mais dont l’immense majorité se fiche bien de savoir que vous avez mangé des huîtres à midi ou que le petit dernier a gerbé son biberon.
Et quand on sait quoi écrire, encore faut-il savoir comment l’écrire. Il est une étape atroce dans la rédaction d’un tweet, lorsqu’après avoir dépassé la barrière fatidique des 140 signes, vient le moment de choisir quelle faute de français, quelle horreur grammaticale ou abréviation improbable on va devoir commettre pour rentrer de nouveau dans les clous sans altérer le sens de notre message.
Vient également le moment de la relecture, quelques heures après, où l’on se rend compte avec horreur que ce qui faisait sens au moment de la rédaction est en fait complètement incompréhensible. Tweeter (du verbe « tweeter », premier groupe, transitif direct) n’est pas chose aisée. Retweeter est si confortable. Ce sont les autres qui planchent et l’on ne devient que le messager de la pensée d’un inconnu plus doué pour s’exprimer, pensée que l’on s’attribue d’une certaine façon en la retweetant, sorte de validation personnelle qui signifie :
« Ouais, je suis d’accord avec ça. Considérez que c’est comme si je vous l’avais dis moi-même (alors que j’en suis incapable). »
Bref, tout cela est rigoureusement superflu mais devient très vite parfaitement indispensable et finalement très ludique. D’où l’importance de débarrasser cet immense terrain de jeux des colporteurs de haine, homophobes et racistes de tout acabit. En cela, on ne peut que souhaiter bonne chance à madame Vallaud-Belkacem pour sa volonté de nettoyage du réseau, même si la tâche est loin d’être aisée.
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