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Le Grand Lyon se paie une expertise "partisane" sur la gestion de l'eau

Ce devait être l’expertise qui éclaire les élus pour choisir le mode de gestion de l’eau : rester au privé ou passer à une régie publique. Mais pour les partisans de la régie, derrière une apparente neutralité, le rapport transmis aux élus démolit le scénario de la régie publique par petites touches.

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Lundi 12 novembre, Gérard Collomb, président PS du Grand Lyon va proposer au conseil communautaire d’adopter une délibération sur le futur mode de gestion de l’eau. Il va proposer que l’eau continue d’être gérée par le privé, pour les 8 ou 10 prochaines années, comme elle l’a été en totalité durant ces 30 dernières années.

Pour guider les élus dans leur choix, Gérard Collomb avait pris deux décisions :

  • La création d’un groupe politique réunissant des représentants de chaque parti pour examiner les quatre scénarios possibles, mais surtout celui de la régie ou de la délégation de service public (privé).
  • Une mission confiée à des cabinets d’experts qui doivent intervenir en soutien à la maîtrise d’ouvrage, à savoir le Grand Lyon. Il s’agit de Poÿry Environnement, Finance consult et Cabinet Cabanes.

Un rapport de synthèse a été signé par ces trois cabinets d’experts. Il a été transmis d’abord aux membres du groupe politique « eau » puis à la Commission consultative des services publics (CCSPL), où siègent notamment les associations. Nous avons pu le consulter.

Pour les militants de la régie, c’est une chose entendue : ce rapport est tout sauf objectif . Cette « analyse des scénarios » est même jugée « partisane ».
Rien de surprenant pour eux, puisque Collomb a affirmé depuis longtemps qu’il souhaitait continuer avec une gestion déléguée comme aujourd’hui à Suez et surtout Veolia.

Le représentant d’Europe Ecologie/Les Verts (EELV) au Grand Lyon, Paul Coste, considère notamment que la délégation de service public apparaît dans ce rapport comme la solution de facilité.

 

Quelle indépendance des bureaux d’étude ?

Elu EELV au conseil régional d’Ile-de-France et directeur « Eau » de la fondation Danielle Mitterrand, Jean-Luc Touly appuie son collègue lyonnais :

« Le choix de ces trois cabinets n’est pas le fruit du hasard. Que ce soit au Syndicat des Eaux d’Ile de France (Sedif ) ou à Marseille, à chaque fois qu’il a fallu conforter le choix de la gestion à Veolia, les responsables politiques ont fait appel à ces mêmes cabinets ».

Le directeur général des services du Grand Lyon, Benoît Quignon réfute totalement cette accusation, en soulignant que « ces trois bureaux d’études sont complètement indépendants des groupes exploitants » :

« Ils travaillent avec de nombreuses collectivités qui ont soit fait le choix de la régie, soit de la délégation de service public (DSP, ndlr). Ils sont par exemple intervenus sur le dossier assainissement de Bordeaux. Il paraît donc difficile d’affirmer que le groupement soit orienté vers tel ou tel mode de gestion ».

Benoît Quignon affirme :

« L’ensemble des scénarios (4 au total) a été analysé et traité de manière identique sans volonté de vouloir faire apparaître un scénario plus que l’autre. C’est l’analyse objective et les enjeux définis par le groupe de travail qui ont permis d’aboutir au résultat qui sera présenté le 12 novembre en conseil communautaire. ».

Dans le document, il est en effet écrit qu’ »aucun scénario ne se dégage ». La régie et la gestion déléguée au privé coûterait le même prix par an (100 million d’euros avec un investissement de 33 millions d’euros).
Mais pour parvenir à cette conclusion, le rapport utilise trois arguments discutables, en majorant les coûts de la régie et en minorant, au contraire, les coût d’une gestion privée.

 

Faudrait-il plus de personnel en régie ?

Le rapport de synthèse expose qu’il serait nécessaire d’avoir entre 352 et 394 salariés pour la régie compte tenu d’un « coefficient d’effet structurel de 1,15 dû aux spécificités du Grand Lyon (temps de travail, congés, absentéisme…) ».

En d’autres termes, s’il l’on compare avec une entreprise privée comme Veolia qui aurait le marché de l’eau, il faudrait 15% d’employés en plus pour une régie.

« Mensonge », répondent les partisans de la régie publique. Jean-Louis Linossier, de l’association des consommateurs d’eau du Rhône (ACER) :

« On nous dit que les avantages des personnels de la régie seraient 15% plus chers que ceux de la délégation de service public. C’est idiot puisque justement, tous ces personnels auront des statuts de droit privé, en régie comme en DSP, sous le même statut juridique ».

Selon lui, ces personnels de la régie ne seraient donc pas fonctionnaires, contrairement à ce qu’affirmait Gérard Collomb en conférence de presse. Mais ils auraient un statut voisin de celui qu’ils ont chez Veolia. Jean-Luc Touly, par ailleurs ancien cadre chez Veolia, affirme même que la convention collective y est déjà avantageuse, « avec 36 jours ouvrés de vacances contre 30 jours dans le code du travail ».

Au passage, par déduction à la lecture de ce rapport, Jean-Louis Linossier, de l’association des consommateurs d’eau du Rhône (ACER) pointe des emplois surnuméraires chez Veolia et Suez. Il s’interroge :

« 382 équivalents temps plein sont aujourd’hui facturés par Véolia et Suez au titre de la mutualisation de la gestion des contrats. Si l’on peut tomber à 322, c’est qu’actuellement 59 « équivalents temps plein » sont en trop. Est-ce que ces 59 équivalents temps pleins travaillent réellement dans le cadre des contrats du Grand Lyon ? Si oui, comment va-t-on pouvoir se passer d’eux ? Sinon, que feront-ils ? »

 

La rentabilité de Veolia et Suez qui ne serait « que » de 5% ?

Veolia gère la majorité de l’eau du Grand Lyon depuis 1986. L’ex-Générale des Eaux dégage une rentabilité de 12,1% affichée (chiffres 2010), contrairement aux engagements qui avaient été pris de baisser cette rentabilité lors de la dernière révision du contrat.

Or dans le rapport d’expertise, il est affirmé, sans plus d’arguments, que « les simulations ont été réalisées sur la base d’un taux de marge estimée à 5% du chiffre d’affaire du contrat, avant impôts ».

En minorant les bénéfices du privé, la régie apparaît moins intéressante. Par définition, elle n’a pas de rentabilité à dégager puisque publique. Les partisans de la régie considèrent alors comme fantaisistes ce taux de marge. Jean-Luc Touly explique :

« C’est une déclaration de principe. Mais partout, Veolia comme Suez pratiquent des taux de marge de 10% en moyenne ».

Et encore, précise-t-il, il s’agit de la rentabilité affichée :

« Nombreux des salariés de Suez ou Veolia travaillent pour plusieurs contrats dans une même région. Ces entreprises peuvent donc gonfler les frais de personnel pour diminuer les bénéfices ».

 

La régie pourrait-elle être prête en 2015 ?

Au 3 février 2015, s’arrête le contrat de 30 ans de la gestion de l’eau de Lyon. Dans la conclusion de l’expertise, les trois cabinets notent que, parmi les risques majeurs du scénario régie, il y a « le risque de ne pas être opérationnel » à cette date là, du fait notamment des problèmes liés à la reprise du personnel travaillant jusque là chez Veolia et Suez.

Jean-Michel Drevon qui anime le collectif lyonnais de syndicats, partis et associations qui militent pour le retour à une régie publique ne nie pas ces difficultés. Mais il explique, en reprenant l’argumentaire des élus écolos que rien n’empêche Gérard Collomb de prolonger le contrat actuel de quelques années pour préparer, si besoin, le passage en régie.

Dans une tribune, le groupe EELV du Grand Lyon réaffirme qu’il votera contre notamment parce que la question du temps n’est pas un argument recevable, en prenant l’exemple du passage en régie de Bordeaux :

« Si quatre ans minimum sont nécessaires, pourquoi ne pas proposer une nouvelle délégation « de transition » de quatre ou cinq ans. C’est d’ailleurs ce que met en œuvre la communauté urbaine de Bordeaux qui prépare un retour en régie de son assainissement avec une délégation de transition. »

Au final, le rapport d’expertise plombe le scénario régie : « une opération lourde et longue ». Quand la gestion par le privé est, elle, envisagée comme le « scénario qui présente la transition la moins complexe ». Même si, rappelons-le, le rapport se défend de vouloir privilégier un scénario plutôt qu’un autre.

 

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