Les réfugiés nucléaires arrivés à Lyon, samedi 13 octobre 2012. Crédit : Victor Guilbert.
Entre deux rangées de barrières, des centaines de réfugiés attendent leur tour pour se faire décontaminer. Deux jours auparavant, un accident s’est produit à la centrale nucléaire du Bugey, à 35 km à l’est de Lyon à vol d’oiseau. Ils ont marché deux jours avant de rejoindre les bords du Rhône sur le quai Augagneur, avec un seul objectif en tête : quitter la zone d’exclusion des 30 kilomètres autour des quatre réacteurs que compte le site.
« Je me sens déracinée. Nous sommes inquiets pour notre santé. J’ai tout laissé chez moi et je ne pourrai sans doute jamais remettre un pied dans ma maison », théâtralise Catherine, 45 ans, habitante d’Ambérieu-en-Bugey.
Une fiction. Le scénario alarmiste préparé par les organisateurs prend forme avec des personnes qui passent sous une « tente de décontamination » puis se dispersent. À certains, un emploi de « liquidateur » est proposé.
Il s’agit pour ces personnes volontaires de participer à une mission spéciale mais dangereuse : colmater les fuites sur les réacteurs et se relayer pour les refroidir. Un travail généreusement récompensé : 3500 euros la journée de travail. Le même salaire que celui qui fût proposé à Fukushima au moment de la catastrophe nucléaire.
Pour les autres, le jeu de rôle se termine. Ils reprennent leur casquette de militants et partent interpeller les passants lyonnais pour les sensibiliser aux risques d’un accident nucléaire dans le Bugey.
Une centrale défaillante
Le choix de la centrale nucléaire du Bugey n’est pas le fruit du hasard. C’est la plus vieille de France après celle de Fessenheim en Alsace, dont la fermeture est programmée en 2016. Les quatre réacteurs ont chacun une capacité de 900 MW.
Elle fait partie, comme les 18 autres centrales françaises, des sites pointés du doigt au début du mois par les tests de résistance nucléaires menés par l’Union européenne et commandés pour tirer les leçons de la catastrophe de Fukushima en mars 2011.
Les réfugiés nucléaires sur les berges du Rhône à Lyon, samedi 13 octobre 2012. Crédit : Victor Guilbert.
Le rapport qui énumère une série de défaillances n’épargne pas le site du Bugey. Il est rappelé que les équipements de secours, comme les groupes électrogènes, ne sont pas assez protégés contre les séismes ou les inondations, contrairement aux réacteurs britanniques, allemands ou belges également passés au crible. Les investissements nécessaires à la sûreté des centrales atteindraient entre 30 millions et 200 millions d’euros par réacteurs.
Si la centrale du Bugey est peu concernée par les risques sismiques, on ne peut pas en dire autant des risques d’inondation. En amont du site nucléaire, sur la rivière d’Ain, l’éventualité d’une rupture du barrage de Vouglans dans le Jura provoquerait une vague qui fait partie des dangers envisagés pour le site du Bugey. C’est d’ailleurs le scénario catastrophe retenu par les organisateurs du rassemblement de la Fosse aux Ours. Un scénario parmi d’autre.
« Avec la proximité de l’aéroport Lyon Saint-Exupéry à seulement 15 kilomètres, de nombreux avions survolent le site nucléaire et on ne peut pas exclure la chute d’un de ces avions, tout comme la possibilité d’une intrusion », prévient Patrick Monnet de l’association Rhône-Alpes sans nucléaire.
Le 2 mai dernier, deux militants de Greenpeace avaient d’ailleurs été arrêtés après le survol et l’atterrissage d’un parapente à moteur sur le site de la centrale nucléaire du Bugey. Cette action avait relancé, à 4 jours du second tour de l’élection présidentielle, le débat sur la sécurité des sites nucléaires français.
« Une menace aux portes de Lyon »
« Ca dépendra d’où vient le vent le jour de l’accident nucléaire. C’est un bassin de population de près de 5 millions d’habitants, de Mâcon à Grenoble et de Lyon à Genève, qu’il faudra évacuer si cela se produit », détaille Alain Cuny, militant de l’association Stop Bugey, l’une des 940 associations du Réseau Sortir du Nucléaire.
PHOTO CARTE
Légende : Lyon est à 35 km de la centrale nucléaire du Bugey. A Fukushima, la zone de contamination s’étend à 40 km.
Un accident à la centrale du Bugey, située sur la rive droite du Rhône contaminerait également les nappes phréatiques alimentant le Grand Lyon. La pollution filerait jusqu’à la méditerranée, transportée par le Rhône.
Impossible, par contre, de savoir comment s’organiserait l’évacuation et l’exode massif dans la région la plus nucléarisée d’Europe. Le plan Orsec en vigueur dans cette situation est classé « secret défense ». La préfecture ne communique pas à ce sujet.
Après les évènements successifs d’avril 2011 au Japon et face à la pression du groupe écologiste, Gérard Collomb avait demandé par un courrier adressé au préfet de Région Jean-François Carenco, le 23 mai dernier, d’associer le Grand Lyon à la politique de prévention puisque l’agglomération est concernée par les zones de confinement définies en cas d’accident.
Cinq mois après, comme le révèle l’hebdomadaire lyonnais les Potins d’Angèle, la demande est restée sans réponse. Un dossier trop technique semblerait-il pour être partagé avec les collectivités territoriales.
Même argument opposé aux organisateurs du rassemblement de Lyon. Une délégation de trois personnes a été reçue dans le milieu d’après-midi à la préfecture alors qu’une chaîne humaine se formait autour du Rhône entre le pont Lafayette et celui de la Guillotière, clin d’œil nostalgique à celle du 11 mars dernier entre Lyon et Avignon, la plus grande jamais organisée en France. Près de 60 000 personnes s’étaient relayées pour réclamer la sortie du nucléaire.
Chargement des commentaires…