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Antoine, traumatisé crânien : "ne nous maternez pas"

Antoine, 39 ans, traumatisé cérébral depuis 2001, a accepté de parler de ses crises de rires incontrôlées qui peuvent décontenancer, son invalidité plus globalement, 

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afin de prouver « aux gens de l’extérieur » que vivre avec un handicap n’a rien d’une fatalité.

Handicapés par un mal aux symptômes invisibles, les traumatisés crâniens et cébrolésés ont longtemps été ignorés. Depuis les années 80, de nombreuses structures d’accueil adaptées à leur pathologie ont vu le jour. C’est par exemple le cas du groupe d’entraide mutuelle (GEM) d’Échirolles, qui propose d’accompagner au quotidien les malades et qui a ouvert ses portes fin septembre.

La Grenobloise : Qu’est-ce qui vous a intéressé le groupe d’entraide mutuelle d’Échirolles ?

Antoine Jourde: Le GEM me permet de ne pas rester enfermé entre mes quatre murs quand je ne travaille pas. Ici, je peux rencontrer de nouvelles personnes, faire des activités que je n’aurais pas eu l’idée de faire avant. Et c’est stimulant d’être en groupe, ça me permet de retenir davantage les choses et de reprendre peu à peu confiance en moi. Avant j’étais pâtissier. Cela m’a fait beaucoup souffrir de ne plus pouvoir exercer. Mais ici, je compense ce manque en cuisinant pour l’association tous les mardis pour notre repas commun, et j’y prends beaucoup de plaisir.

Votre accident vous a contraint à abandonner votre métier. Que s’est-il passé exactement ?

Je suis allé travailler en Argentine, et là-bas, j’ai été renversé par un autobus. Le chauffeur était ivre. J’avais 27 ans. Je suis resté douze jours dans un coma profond, six mois dans un coma semi-éveillé, et deux ans et demi dans un fauteuil roulant. Aujourd’hui, je marche avec une canne, mais le fait que je puisse tenir debout sur mes deux jambes n’a pas de prix.
En tout, il m’a fallu trois ans et demi pour commencer ce que j’appelle ma deuxième vie, mais il me reste quand même certaines séquelles : ma jambe gauche est paralysée, j’ai des problèmes de mémoire, de coordination, je suis épileptique passif, et j’ai des accès d’hilarité spasmodique. Il m’arrive alors de rire sans pouvoir m’arrêter, particulièrement quand on m’annonce une mauvaise nouvelle.

Votre vie a été totalement chamboulée, à quoi ressemble votre quotidien à présent ?

Le regard des gens de mon entourage a changé. Celui de certains membres de ma famille par exemple. Ils ont une forte tendance à me mettre dans un coin, à ne rien me demander, et à m’infantiliser. Ils pensent me rendre service, mais c’est tout le contraire. Parce qu’aujourd’hui, malgré mon handicap, je suis très autonome. Je vis seul, et j’ai même réussi à trouver un travail à la patinoire de Grenoble.

Quel regard portez-vous sur la vie maintenant ?

Cet accident a totalement bousculé ma vision de la vie et ma vie en général. J’ai dû changer de métier, arrêter le rugby et le squash, apprendre à vivre une seconde fois. Et même si je suis autonome aujourd’hui, j’ai quand même besoin des services d’une aide à domicile.
Depuis que j’ai vu la mort de près, je relativise aussi beaucoup plus quand je me retrouve confronté à une situation déplaisante. Comme je dis, je préfère être le plus pauvre des vivants que le plus riche au cimetière.
Ma personnalité a changé aussi. Je suis plus direct, et surtout, je vis au jour le jour, sans avoir de projets particulier en tête. Même si à terme, je souhaite réussir à fonder ma propre famille.

 Est-ce qu’il vous arrive d’imaginer ce à quoi votre vie aurait ressemblé si vous n’aviez pas été renversé par ce bus ?

J’aurais probablement fondé ma propre entreprise et j’occuperais une place en or. Je me serais bien vu chef pâtissier sur un bateau ou dans un restaurant de luxe. Mais bizarrement, je n’y pense pas plus que cela parce que j’ai une vie qui me plaît. Je suis heureux, et j’ai un travail qui me permet de ne pas me retrouver seul face à la maladie. Ce n’est peut-être pas un boulot très valorisant au sein de la société, mais pour nous autres, c’est très important de travailler. Il n’y a pas beaucoup de métiers que l’on nous laisse exercer. Et c’est dommage, parce que le travail nous permet de nous réinsérer, et de retrouver une place dans la société.

Quels conseils donneriez-vous aux familles et aux traumatisés crâniens qui n’arrivent pas à surmonter le handicap ?

Aux personnes souffrant de handicap, je leur conseillerais de prendre contact avec des associations comme le GEM, qui nous permettent de nous re-socialiser, une étape fondamentale dans notre convalescence.
Aux familles, je leur dirais qu’il ne faut surtout pas trop nous materner. Il est primordial de nous laisser la liberté de faire les choses tout seul. Nous sommes aussi capables que les autres de réaliser certaines tâches. C’est juste que nous les réaliserons à notre rythme et d’une manière qui vous semblera sans doute maladroite, mais à la fin, le résultat obtenu sera identique au vôtre.

 

 Propos recueillis par Amandine Bourgoin

 


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