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A Lyon, les étudiants en galère choisissent des modes de consommation alternatifs

Crise + étudiants = galère totale. Certains ont décidé de ne pas se laisser abattre en inventant d’autres modèles, tels que les épiceries solidaires ou les systèmes d’échanges du type « réparation d’ordinateur contre coupe de cheveux ».

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« Avec 6,5 euros par jour, on mange, c’est tout »

A Lyon, où le prix des loyers explose et prend une place disproportionnée dans les budgets, il reste peu pour vivre à la fin du mois.

Lorsqu’elle est arrivée à Lyon, en septembre 2011, Charlène partait pour la première fois de chez ses parents. Avec ses 378 euros de bourse et ses 210 euros d’APL, une fois payés ses 400 euros de loyer et de charges, elle s’est vite aperçue que « c’était juste ».

« Mes parents ne peuvent pas m’aider. Je voulais travailler mais avec mon emploi du temps changeant on m’a dit que ce n’était pas possible », explique l’étudiante en Master 2.

Depuis un an, elle a le droit de faire 10 euros de courses chaque mois dans l’épicerie solidaire, soit l’équivalent d’un panier de plus de 50 euros dans le commerce.

« Avant, je me débrouillais. Mais avec 6,50 euros par jour, on mange, c’est tout. On ne fait rien à côté. L’Agoraé m’a permis de faire des trucs tout bêtes, comme par exemple me racheter des chaussettes plus chaudes en hiver, ou prendre des cours d’anglais pour avoir le niveau requis dans mon master. »

 

Un yaourt à 4 centimes

C’est au sein du campus de l’université Lyon 1 que se cache le petit local de l’Agoraé, caverne d’Ali baba pour les étudiants fauchés. Yaourt à 4 centimes, paquet de pâtes à 10 centimes, critérium à 9 centimes… Les prix défient toute concurrence. Emanation de Gaélis (Groupement des associations et élus étudiants indépendant et solidaire, regroupant une trentaine d’associations estudiantines lyonnaises), il s’agit de la première épicerie solidaire étudiante :

« On est parti d’un constat sur la précarité étudiante : beaucoup de ceux pour qui les fins de mois sont difficiles, mettent de côté l’aspect alimentaire et la santé, explique Morgan, étudiant en 4ème année de médecine et président de l’association. On a donc voulu agir sur ce terrain et proposer quelque chose aux étudiants à la fois en situation d’isolement et de déficit alimentaire. »

Avec l’appui de la FAGE (Fédération des associations générales étudiantes, à laquelle Gaélis adhère), qui planchait depuis trois ans sur le concept, l’association lyonnaise s’est lancée en octobre 2011. Avant d’être imitée à Nice puis Brest.

« Ici, on est à 10 et 20% des tarifs classiques, en fonction de la provenance des produits, détaille Morgan. Le but c’est d’apporter tous les produits possibles adaptés à la vie étudiante : à la fois de l’alimentaire, des produits d’hygiène et des fournitures scolaires. »

Pour proposer des tarifs pareils, Gaélis sollicite de nombreux partenaires : Banque alimentaire, associations de réinsertion, grandes surfaces, l’Association nationale de développement des épiceries solidaires (Andes), ou encore l’Agence nationale pour les chèques vacances (ANCV) pour permettre aux étudiants bénéficiaires de l’épicerie de partir en vacances à moindre coût.

 

L’épicerie solidaire propose alimentation, produits d’hygiènes et fournitures scolaires. Crédit : Leïla Piazza

 

Les légumes, ce Graal

Un système qui fonctionne mais qui reste cantonné à un petit nombre de personnes : 150 au maximum. Les étudiants demandeurs doivent en effet remplir un dossier qui sera étudié par des assistantes sociales du Crous. En fonction des charges et des revenus de l’étudiant, un « reste à vivre » journalier est calculé. Pour bénéficier de l’aide de l’Agoraé, l’étudiant doit faire partie des personnes qui ont entre 2 euros et 7 euros par jour pour manger.

« 7 euros, parce que c’est la somme nécessaire pour avoir trois repas au Crous, précise Morgan. En dessous de 2 euros, on considère qu’une aide d’urgence est nécessaire dans un premier temps. On redirige l’étudiant vers un Fonds national d’aide d’urgence (FNAU, géré par le Crous). Il pourra refaire une demande par la suite. Mais en cas d’urgence l’Agoraé ne suffira pas. Il faut alors que l’Etat prenne ses responsabilités. »

Charlène fait l’essentiel de ses courses dans l’épicerie. Mais les légumes, il faut qu’elle les trouve ailleurs.

« Vendre des légumes, d’un point de vue pratique, ce serait compliqué, explique Juliette, en service civique à l’Agoraé. On n’a pas les équipements dans l’épicerie. Mais on y réfléchit parce que ce serait en accord avec l’idée d’amélioration de la santé de l’étudiant. Par contre, on a mis en place un partenariat avec un maraîcher, qui propose des paniers de légumes AMAP tous les jeudis soir sur le campus. Et le lendemain, on revend ce qui reste dans l’épicerie. »

 

 

Echange coupe de cheveux contre déménagement

Changement de décor : à l’université Lyon 2, un groupe d’étudiant a également voulu innover. Mais là, ce n’est pas sur le plan alimentaire que l’on cherche à agir. Ici, des étudiants membres de Promess (http://www.promess.asso.fr/site/index.php) (association de promotion de l’économie sociale et solidaire) ont mis en place un système permettant aux étudiants d’échanger savoirs et compétences :

« Un étudiant, lorsqu’il doit faire réparer son ordinateur, ça lui coute extrêmement cher par rapport à son budget. Alors que plein d’autres savent le faire. C’est un peu dommage. C’est comme une coupe de cheveux. Ca coûte 30 euros alors que plein de gens savent le faire. Et puis c’est plus sympa. Cela permet de créer du lien et de la solidarité entre étudiants », explique Edouard, l’un des créateurs du projet Univer’SEL.

 

 

L’idée était simple bien qu’assez ambitieuse : réaliser un Système d’échange local (SEL) au sein d’une université lyonnaise. « Ca existe depuis 30 ans en France. Et plus encore à l’étranger », précise Edouard. Il s’agit en fait d’un système d’échanges de biens et services délimité par un périmètre géographique, et dans lequel la monnaie de substitution est le plus souvent évaluée sur le temps.

« L’intérêt, c’est surtout que ça se passe dans le monde étudiant, explique Edouard. Or, une des problématiques dans les SEL existants est qu’ils sont vieillissants. Peu de jeunes s’impliquent. De plus, cela se fait traditionnellement dans un quartier. Il fallait donc qu’on invente un outil pour adapter ce système à un public jeune et à une université avec deux campus, et non pas une zone géographique délimitée. Alors que la plupart des SEL fonctionnent avec des coupons papiers, notamment à cause du manque de maîtrise des nouvelles technologies des publics concernés, nous on s’est dit que c’était le public idéal pour tester ça sur Internet. »

Une fois inscrites sur le site, les personnes n’ont qu’à préciser leurs compétences, aidées par un catalogue, et à lancer une recherche pour trouver une personne proposant un service les intéressant. Les deux personnes peuvent alors communiquer, d’abord via un système de messagerie interne, puis par mail, pour se mettre d’accord sur les modalités de l’échange. Lorsque ce dernier est réalisé, le bénéficiaire transfère le nombre d’unit

és correspondant au temps passé (1 unité = 1 minute) à celui qui lui a rendu un service.

« On arrive avec un solde de 300 unités sur le site. Et c’est limité. Ca peut aller de 0 à 600, pour obliger à la réciprocité. C’est le principe de toutes façons : une monnaie complémentaire doit circuler vite et ne jamais être stockée », explique Célia, en service civique au sein de l’association.

 

« La valeur des choses »

Pour favoriser le « brassage », le site, lancé en mars 2012, met en avant ceux qui ont réalisé le moins d’échanges. On y trouve différents types de services, comme la réparation d’un ordinateur, des cours de langues, l’apprentissage d’un instrument de musique, un coup de main pour un déménagement, etc. Mais pas de biens.

« Pour ça on organise des trocs, explique Edouard. Ce serait difficile à mettre en place, vu que l’unité d’échange est le temps. Comment estimer la valeur d’un bien ? De plus, on trouve important qu’il y ait des moments de rencontres physiques. »

D’ailleurs, pour Nadia, en service civique également, qui tenait un des trocs organisé sur le campus des quais le 11 septembre dernier, ces moments permettent une nouvelle réflexion.

« Il n’y a pas de règle au troc. On veut pousser les gens à réfléchir par eux même à la valeur des choses. On leur demande seulement d’expliquer pourquoi cet échange leur paraît juste. C’est assez drôle parce qu’on se rend compte qu’en fait il y a plein de critères de valeurs. Pour certains c’est la quantité. D’autres le besoin. Ou encore la rareté. Mais la plupart réfléchissent tout de même en valeur monétaire. En tout cas, on remarque que le fait de laisser l’échange libre fait qu’ils se responsabilisent et n’abusent pas. »

Univer’SEL organise régulièrement des trocs, sur les deux campus de Lyon 2. Crédit : Leïla Piazza

En cette période de rentrée universitaire, Univer’SEL recrute des membres. Et cherche un local sur le campus, « justement pour avoir un lieu de rencontre des membres », explique Edouard. Et le concept fait recette. Des étudiants d’autres universités ont contacté Promess pour lancer le projet sur leur campus. Dans quelques semaines, le campus de l’Université professionnelle internationale-René Cassin (Lyon 9ème)  devrait avoir son propre SEL.

« On essaime mais ça ne peut pas devenir un projet global trop gros. C’est une question de démocratie, affirme Edouard. Quand il y a 100 000 membres elle n’est pas vraiment réelle. Il faut rester local pour ça. Les membres peuvent alors décider d’un certain nombre de choses, notamment les bornes d’unité ou la possibilité d’échanger des biens. Quand on regarde l’exemple de la Macif ou du crédit coopératif, qui sont des grosses structures coopératives, ils veulent un système démocratique mais ils ont beaucoup de mal à faire participer les gens. »

 

 

 


#Économie

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