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Le colloque qui exaspère les prostituées lyonnaises

Tous ceux et toutes celles qui souhaitent la fin de la prostitution ont rendez-vous lundi prochain à Lyon, pour un colloque sur « le système prostitueur ». Il n’en fallait pas plus pour mettre hors d’elles les prostituées lyonnaises.

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Lyon est l’une des places fortes des revendications pour les droits des prostituées. Au cours de l’année écoulée, deux manifestations ont eu lieu : contre la politique d’arrêtés municipaux anti-camionnettes  et, surtout, contre une possible proposition de loi visant à pénaliser les clients des prostituées.
Mais Lyon est aussi une place forte des abolitionnistes : c’est la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, toujours élue locale de la ville, qui a réactivé en juin dernier le projet de pénaliser les clients.
Sans secret, le colloque intitulé « Le système prostitueur : violence machiste archaïque » et programmé ce lundi 8 octobre porte un objectif : continuer précisément le travail de lobbying pour qu’une proposition de loi visant à sanctionner les clients soit déposée dans les prochains mois au parlement.

 

Féministes de droite et féministes de gauche

Au moins depuis le rapport d’information des députés Hélène Bousquet (PS) et Guy Geoffroy (UMP) concluant à la nécessité de la pénalisation des clients de prostituées, nous savons que cette idée a accentué les clivages politiques. Ce colloque en est une nouvelle illustration. Il est organisé par l’association Regards de Femmes dont la présidente est Michèle Vianès, candidate de Debout la République à Caluire aux dernières élections législatives.
Avec son association, elle est surtout connue pour ses combats contre les menus sans viande dans les cantines scolaires ou contre le port des signes religieux dans l’espace public. Elle est notamment l’auteure de deux ouvrages : « Les islamistes en manoeuvre » et « Un voile sur la République ». Autant de positions qui lui ont valu les honneurs du site islamophobe Riposte laïque qui l’avait invité aux « Assises internationales sur l’islamisation », co-organisées avec le Bloc Identitaire en décembre 2010.

Féministe que l’on peut classer à droite, elle a rallié à son colloque des personnalités de gauche : Thérèse Rabatel, adjointe à l’égalité des femmes à la Ville de Lyon (GAEC) Pascale Crozon députée socialiste du Rhône, Cécile Cukierman, sénatrice communiste de la Loire et conseillère régionale déléguée à l’égalité femmes‐hommes. C’est d’ailleurs le conseil régional qui finance ce colloque.
Pour Michèle Vianès, l’axe central du combat pour l’abolition de la prostitution doit reposer sur « l’interdit » :

« Pourquoi y-a-t-il cette permissivité sociale avec cette violence ? Tout le monde considère que le viol est inacceptable. Là, sur cette violence extrême qu’est la prostitution, on dit que ça existe depuis des siècles et qu’on ne peut pas en changer. Cet argument est inacceptable. (…) On a déjà tout un arsenal pour s’attaquer aux proxénètes. Désormais le client doit être au centre des préoccupations ».

 

Faut-il inviter des prostituées à un colloque sur la prostitution ?

Michèle Vianès n’a pas invité de prostituées lyonnaises à son colloque. « On peut être contre l’esclavage, sans être esclave », argue-t-elle. Avant d’ajouter :

« Quand elles font un colloque, elles ne nous invitent pas ».

Michèle Vianès entend ainsi parler au nom du plus grand nombre des prostituées qui se trouveraient donc pour la plupart sous le joug des proxénètes.
Quand Karen a découvert la tenue de ce colloque, son sang n’a fait qu’un tour. Elle qui se réclame porte-parole des « prostituées en camionnettes de Gerland », nous a écrit, sous la forme d’une adresse à ces abolitionnistes :

« Votre discours est une honte, votre parole n’est pas crédible puisque vous parlez à notre place et que nous ne sommes pas d’accord avec vous. A toutes ces coincées du cul qui croient que nous avons un cerveau qui ne sert à rien, Je vous le dis haut et fort : je vous emmerde et je vous interdis de parler pour moi, je vous interdit de me reconvertir en une bonne femme frustrée, je vous interdis de décider de ma sexualité, je vous interdis de vouloir soi-disant nous aider, alors qu’on ne vous a rien demandé ».

 

« La servitude volontaire des prostituées libres »

Michèle Vianès reste droite dans ses bottes :

« Ulla (porte-parole des prostituées lyonnaises dans les années 70, ndlr) aussi disait qu’elle était libre. Des années plus tard, elle a reconnu qu’elle ne l’était pas ».

Elle parle également de « servitude volontaire » pour ces prostituées qui se disent « libres » :

« Ce n’est pas parce que trois ou quatre personnes l’ont vraiment choisi que l’on doit accepter que l’immense majorité soit sous la coupe de proxénètes. Toutes les études qui sont faites en France et à l’étranger disent que les personnes qui entrent dans la prostitution ont, à 90%, subi des violences sexuelles dans leur enfance et n’ont pas le respect de leur propre corps ».

Autant d’arguments réfutés par Laura Garby de Cabiria. Cette association de santé communautaire basée à Lyon et constituée à parité de prostituées et d’acteurs de santé se mobilise fortement contre le projet de pénalisation du client :

« Ces arguments avancés sont faits pour décrédibiliser la parole des personnes prostituées, notamment à travers l’utilisation de chiffres issus d’études qui sont tout sauf fiables ».

Michèle Vianès réplique :

« Ce sont des associations qui vivent grâce au fait que les personnes sont prostituées ».

En réaction à cette rencontres des abolitionnistes, Karen et certaines prostituées de Gerland souhaiteraient organiser dans les prochains mois leur propre colloque qui aborderait les « différentes réalités » liées à la prostitution, pour « casser les préjugés ».

 

> Article modifié le 8 octobre à 13h54, suite au commentaire de Valentine

 


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