Le Palais de Justice de Lyon ce mardi 18 septembre 2012
“Hitler est un personnage qui a marqué l’histoire de l’Europe. »
Visage angulaire, crâne rasé et veste noire, Patrice se tient droit à la barre, supporté du regard par ses amis assis au fond de la salle d’audience, et tente d’expliquer pourquoi il admire et possède donc un portrait du chef nazi. Quand le président lui explique qu’Adolf Hitler a en effet marqué l’histoire, mais « pas favorablement », Patrice en convient et ajoute :
« Mais je n’ai pas que lui en photo. »
Plombier de profession et ancien fan de l’OL, il comparaissait ce mardi devant le Tribunal de Grande Instance de Lyon, poursuivi pour « provocation à la haine et à la violence raciale ».
Sa femme, alertée par sa belle-mère le 6 juin dernier, découvre sur la page Facebook de son mari une photo de son bébé enroulé dans un drapeau nazi et portant une casquette Acab (All cops are bastards). Elle dépose alors une main courante et quitte le domicile quelques semaines plus tard, le 1er juillet. Le couple est désormais en instance de divorce.
Un salut nazi : “je faisais coucou”
Echarpe “White power”, croix de Malte, têtes de mort, aigles, croix celtiques, des autocollants “la France aux Français” et “zone anti-racaille”, l’attirail que la police trouvera au domicile du couple est complet. Le président Gaucher feuillette le dossier et énumère les pièces trouvées lors de la perquisition : Patrice tenait également un site Internet – aujourd’hui fermé – le “Condat Lugdunum”.
Le président poursuit la lecture et montre à ses assesseurs la photo des tatouages du père de famille :
“Le Dieu Thor avec un marteau et la pucelle d’Orléans.”
Face aux éléments du dossier, le plombier ne nie pas être d’extrême droite mais dit garder ses opinions pour lui. Ce supporter de l’Olympique Lyonnais “depuis 1987” et longtemps membre des “Bad Gone” affirme ne plus aller au stade, « par choix », mais a pourtant été interpellé avec un de ses amis pour avoir fait un salut nazi devant le stade de Gerland. “Je faisais coucou” rétorque-t-il avec aplomb.
“J’aime bien l’histoire, j’ai une attirance pour tout ce qui est mythologique”.
Mais pour le président et ses assesseurs :
“Hitler n’a rien de mythologique, c’est un personnage bien réel.”
Et il suggère au père de famille de couvrir son enfant de draps “avec des bisounours dessus”.
“Une carence dans l’éducation”
Mais le procureur a surtout relevé ce mardi que le bébé n’avait pas été enroulé dans un drapeau nazi mais dans un drapeau impérial de Guillaume 1er. Il a donc requis la relaxe devant l’absence d’éléments solides dans le dossier prouvant l’incitation à la haine et à la violence raciale :
« Cette photo a été publiée sur Facebook et non sur la place publique ».
Malgré ces réquisitions, celui-ci n’a pas manqué de souligner que
“Voir un père de famille entourer son enfant de tels symboles et faire de ce monstre un héros montre une carence dans l’éducation qui pourra jouer dans la procédure de divorce et la garde de l’enfant.”
Après l’audience, Patrice s’est attablé avec ses amis au café le plus proche du tribunal, revoyant le dossier. Il n’a pas souhaité s’adresser à nous. La décision sera rendue le 16 octobre.
> Article modifié le 19 septembre à 16 heures avec des précisions sur les propos tenus par Patrice.
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