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Roméo et Juliette : un kiff contrarié

BLOG / David Bobée met en scène un Roméo et Juliette pop et gonflé qui s’affranchit des genres (théâtre, danse et cirque) mais qui malheureusement ne tient pas la durée.

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Premières minutes angoissantes : je redoute le métissage toc, le breakdance et l’acrobatie d’ornement, l’actualisation à tout prix. Et pourtant, loin de produire le brouhaha redouté, les signaux multiples – chorégraphiques, lexicaux, lumineux, acoustiques – convergent peu à peu en un faisceau clair et décidé.

L’esthétique résolument pop n’est pas sans rappeler le Roméo + Juliette de Baz Luhrmann avec Claire Danes et Leonardo di Caprio. Mais plus que des gangs luttant pour un territoire, les Capulets et Montaigus sont ici des tribus, des peuples pour qui l’hostilité envers l’ennemi sert de ciment, presque de religion. Une hostilité sans fondement, car de part et d’autre, il y a la même diversité. Les membres des deux clans semblent interchangeables.

Et Romeo et Juliette de se transformer en couple mixte, israëlo-palestinien pourquoi pas, dans un décor oriental tout en arabesques et reflets dorées. La première partie de la pièce est très frontale, comme à l’occasion de ce sublime tableau d’émeute, pendant laquelle les adversaires cessent de se combattre pour nous viser. Cette énergie de face, effrontée, référence assumée aux cultures urbaines, développée dans une scène d’anthologie par Mercutio (Pierre Bolo) et Benvolio (Marc Agbedjidji).

Une battle slamée, grivoise et hilarante, qui dit bien la liberté remarquable dont ont fait preuve Pascal et Antoine Collin dans leur traduction (transposition ?) du texte de Shakespeare. Une traduction dans laquelle on « kiffe » et on « prend cher » pour un texte désacralisé, qui devient un matériau parmi les autres pour raconter l’amour impossible de Roméo et Juliette.

 

« Nos efforts tenteront d’affaiblir nos défauts »

Mais hélas, d’abord joyeusement étourdi, je m’enfonce peu à peu dans l’ennui. La mort de Tybalt et de Mercutio sonne la fin de la récré, le début de la tragédie. Dès lors que le crime est commis, que Roméo est banni, l’audace et le décalage laissent place au premier degré, aux cris. Les quelques pistes esquissées pour ancrer la tragédie dans notre modernité sont oubliées.

Ne restent que Roméo et Juliette qui finalement n’étaient pas les motifs les plus intéressants du tableau. Comme si le ton était impossible à tenir, la vigilance observée jusqu’alors pour échapper au pathos soudain relâchée. La nourrice (Véronique Stas), heureusement, tient jusqu’au bout le fil de la dérision, incarnant une belle humanité tendre et rigolarde.

Le Prince de Vérone (Thierry Mettetal) nous avertissait dans le prologue : « Nos efforts tenteront d’affaiblir nos défauts ». Le traitement de cette deuxième partie sonne comme une capitulation après des partis pris forts et risqués. Et me voilà donc avec un sentiment très partagé : malgré une certaine jouissance devant un traitement de la pièce vif et culotté, je ne peux me débarrasser d’un goût final de déception, d’inachevé.

Pratique

Roméo et Juliette, mise en scène David Bobée

Jusqu’au 22 septembre aux Subsistances, dans le cadre de la Biennale de la danse


#Culture

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