Nous avions révélé l’existence du projet cet été, dans un entretien accordé par Kamel Kabtane, recteur de la Grande mosquée de Lyon et président de l’Institut français de civilisation musulmane.
Après plusieurs années de négociations, un certificat de « connaissance de la laïcité » et un diplôme d’université en « religion, liberté et laïcité » voient le jour, pilotés par la préfecture du Rhône, l’université catholique de Lyon, l’université Lyon III, l’Institut français de civilisation musulmane et le conseil régional du culte musulman (CRCM).
Fondamentalisme et bancs de la fac
Le premier, certificat de « connaissance de la laïcité » sera délivré à une vingtaine d’imams qui entameront la formation, dès le mois d’octobre prochain, avec des cours de français langue étrangère pour ceux qui ne le maîtriseraient pas, et dès janvier prochain pour ceux en capacité d’attaquer directement par les cours de droit.
Le second, le diplôme d’université, est ouvert aux fonctionnaires, aux agents de service publics, aux associatifs, « à toute personne susceptible de côtoyer des Musulmans », selon les mots de Kamel Kabtane, ayant un niveau bac+2.
Mathilde Philip-Gay, maître de conférence en droit public à Lyon III, donnera des cours sur le droit des religions et des libertés fondamentales, et sur l’histoire de la laïcité. Deux thèmes qui doivent constituer un tronc commun, auquel devront donc assister les imams qui, jusque là, auront reçu leurs enseignements non pas à la fac mais à l’Institut français de civilisation musulmane.
Pour Michel Younès, maître de conférence en théologie à l’université catholique, c’est l’idée novatrice du projet :
« A un moment donné dans leur formation, ils devront tous se retrouver sur les mêmes bancs, et c’est ça la force du projet. »
Aumônier de prison, médecin à l’hôpital…
Des ateliers pratiques, de « mises en situation » devraient alimenter les deux formations. Entrer dans les « cas concrets » de l’aumônier de prison, de l’infirmier en hôpital… Michel Younès est assez enthousiaste sur ce principe pédagogique:
« L’idée est de savoir comment ne pas heurter la sensibilité de l’autre. Comment les éclairer pour qu’ils ne soient pas attachés à des choses de l’ordre du rituel, mal interprétées. Cette session existe pour remédier à un problème auquel nous sommes confrontés, celui du fondamentalisme. »
Pour Mathilde Philip-Gay :
« Il s’agit du vivre ensemble et de l’interculturalité. La différence, cette fois, c’est que ça vient d’eux, pas question de leur voler l’idée. »
Par « eux », il faut donc entendre les instances musulmanes, soit la Grande Mosquée de Lyon et le conseil régional du culte musulman (CRCM).
L’union sacrée
Elles ont en effet dû s’entendre. Cet été, Kamel Kabtane nous avait fait part sans détour de son désaccord avec le fonctionnement du CFCM (conseil français du culte musulman, dont le CRCM est donc la représentation régionale). Dans l’entretien accordé à Rue89Lyon, il n’avait pas fait dans la demi-mesure en allant jusqu’à remettre en cause l’instance dont il avait pourtant été l’un des promoteurs. En résumé : le CFCM serait trop à la colle avec le ministère de l’Intérieur, au point d’en être selon lui « une marionnette », et trop proche des leaders religieux étrangers.
Une coquille vide, remplie des propos que voudraient faire tenir les uns et les autres à une instance musulmane française.
Mais pour que le projet mené avec la préfecture aboutisse, « tout le monde a su travailler ensemble », racontent les différents partenaires, sans s’étendre davantage.
Des entreprises d’agro-alimentaire intéressées par le halal
Pas de bisbilles, l’objectif a été atteint : les budgets ont été bouclés, et la préfecture devrait mettre la main à la poche à hauteur de 80 000 euros.
Pour l’heure, « il y a beaucoup de demandes, beaucoup de gens appellent pour se renseigner », affirme Mathilde Philip-Gay.
L’idée étant de ne pas dépasser au moins sur la première année un nombre de 20 étudiants dans chacun des cursus, « pour des raisons pédagogiques ». A Paris et Strasbourg, les formations d’imams ont connu des problèmes de recrutement d’étudiants. Kamel Kabtane s’est engagé à en assurer la promotion. Du côté des « laïcs » ou en tout cas des personnes qui suivront le DU, c’est encore la grande inconnue. Des entreprises d’agro-alimentaire seraient intéressées par la formation, notamment sur la question du halal. Mathilde Philip-Gay veut montrer la souplesse du concept :
« On adaptera notre formation au public qui s’inscrira, et s’il y a des demandes sur la question du halal, les cours pourront très bien l’aborder. »
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