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Un deuxième agent du Grand Lyon tente de s’immoler

[Article mis à jour] Un éboueur s’est aspergé d’essence mardi matin, au dépôt de Lyon-Gerland. Il a été empêché de s’immoler par plusieurs personnes qui ont réussi à le maîtriser. Il s’agit de la deuxième tentative d’immolation par le feu en moins de deux mois au sein de la direction de la propreté du Grand Lyon.

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Eboueurs-Gerlan-Lyon

 Camion-benne sortant du dépôt de Lyon-Gerland où un deuxième agent a tenté de s’immoler. Crédit : Pierre Augros/Maxppp.

L’agent du service nettoiement qui s’est mis le feu le 19 juillet, au dépôt de Vénissieux, est toujours à l’hôpital, brûlé à 80%. Un mois et demi après, ce mardi 4 septembre, un éboueur de la même direction de la propreté du Grand Lyon, rattaché quant à lui au dépôt de Lyon-Gerland, a tenté de l’imiter.
Lotfi Ben Khelifa, secrétaire général du syndicat Fnact-CFTC – auxquels les deux agents sont adhérents -, se trouvait à proximité de l’éboueur lorsqu’il a tenté de s’immoler.
Contacté par Rue89Lyon, il raconte la scène :

« Quelques jours après le drame de Vénissieux, il m’avait contacté pour me dire qu’il voulait faire comme cet agent. J’ai averti la direction mais rien n’a bougé. Mardi, à 7 heures, il m’a appelé pour me dire qu’il avait sur lui la bouteille d’essence et le briquet parce qu’il en avait marre d’être pris pour un con ».

Le syndicaliste dit s’être précipité au dépôt de Lyon-Gerland. L’agent n’était pas passé à l’acte, car, selon Lotfi Ben Khelifa, « il attendait le responsable du service » pour s’asperger d’essence et se mettre le feu.
Et quand le responsable de service est apparu, l’agent s’est aspergé d’essence. Il a pu être stoppé dans son geste par le syndicaliste aidé d’autres personnes, juste avant qu’il n’actionne son briquet. L’agent a été toutefois transporté à l’hôpital.

Le Grand Lyon n’a pas la même version. Dans un communiqué délivré en fin d’après-midi, la communauté urbaine écrit que l’éboueur « a agressé un autre agent avant de tenter d’attenter à ses jours ».
Ce qui est faux selon Lofti Ben Khelifa, qui parle d’ »échanges vifs », sans « rien de plus ».

Dans un communiqué publié mercredi, la CGT (syndicat majoritaire) confirme les propos du représentant de la CFTC en affirmant que la version du Grand Lyon « n’est pas confirmée par [les] délégués syndicaux CGT de terrain présents sur le lieu du drame ce jour là ».

 

Sandrine Frih, vice-présidente du Grand Lyon et présidente du Comité d’Hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) a tenu à réagir aux propos des syndicalistes :

« Le Grand Lyon se base sur les propos de deux agents qui ont déposé plainte : l’agent de maîtrise qui a reçu de l’essence et un autre agent qui a pris un coup de poing ».

La vice-présidente du Grand Lyon précise également que la direction de la propreté a reçu l’agent dès qu’elle a été prévenue qu’il envisageait de s’immoler. « Les services sociaux et le médecin le suivent », a-t-elle ajouté.

 

Une vente de calendriers en cause

A l’origine du geste de cet agent d’une quarantaine d’années, il y aurait une accusation portée fin 2011 sur une vente de calendriers. Vente qui est interdite depuis plusieurs années par le règlement. « Accusation sans preuve », réfute le secrétaire du syndicat Fnact-CFTC :

« Il a été mis à pied pour cette raison pendant trois jours alors qu’il était en maladie. Le médecin du travail l’avait déjà fait arrêter au moins depuis le mois de mars. Il vivait cette accusation comme une injustice ».

Toujours selon Lotfi Ben Khelifa, cet agent a demandé en juin de changer de service :

« La DRH connaissait la fragilité de cet agent. C’est seulement aujourd’hui qu’on nous a dit que cette mobilité allait lui être accordé ».

De retour de vacances, le 3 septembre, il aurait demandé à être affecté à une tournée de ramassage de déchets de centre-ville. Au moins momentanément. Lotfi Ben Khelifa explique qu’on lui aurait accordé le lundi puis refusé le lendemain. Ce qui l’aurait amené à passer à l’acte.

De son côté, la vice-présidente du Grand Lyon, Sandrine Frih, assure  : « La mutation était en cours. Il avait rendez-vous le 17 septembre ».

 

« Un France Telecom bis ? »

Pour le responsable du syndicat CFTC, cette nouvelle tentative d’immolation serait révélatrice de « méthodes managériales » :

« Ce sont des managers qui gèrent des matricules et pas des êtres humains. On est dans la rentabilité et la productivité. »

Plus particulièrement, il pointe « une gestion arbitraire des congés, des heures supplémentaires et des affectations » qui se fait « à la tête du client ».

Il souligne le silence du président du Grand Lyon, Gérard Collomb, qui ne s’est pas exprimé personnellement mais par la voie des services communication sur le premier cas d’immolation :

« On n’a jamais entendu Gérard Collomb. C’est une gestion déplorable des ressources humaines non prises en compte par l’exécutif du Grand Lyon. Qu’est-ce qu’il faut attendre ? Que ça devienne un France Telecom bis ? Si l’objectif est de montrer qu’il y a des fonctionnaires ingérables et qui menacent de se brûler, la stratégie fonctionne ».

Dans son communiqué, la CGT se dit « ému et en colère » :

« Le geste désespéré d’un éboueur mardi 4 septembre à Gerland montre bien qu’il y a un réel et grave malaise au travail au sein de la Propreté. (…) Aujourd’hui, malheureusement plusieurs agents de l’ensemble des services du Grand Lyon, vivent une véritable pression et souffrance dans leur travail. D’autres personnes dans l’ombre doivent souffrir aussi, et ce qui nous fait peur c’est que ces actes de détresse leur servent de détonateur. Rien n’est pris au sérieux par notre collectivité, malgré tous nos courriers dénonçant ces situations ».

Rappelant que la grève de février/mars concernait également les conditions de travail, la CGT constate que « rien n’est pris en compte par la Direction de la Propreté, malgré la promesse [du] Président de prendre en considération la souffrance des agents ». Le directeur de la propreté est plus particulièrement visé par le syndicat qui rappelle qu’un fonctionnaire a été écarté du poste qu’il occupait au sein de la direction de la propreté du Grand Lyon après avoir dénoncé une série de graves dysfonctionnements.

Suite à cette deuxième tentative d’immolation, le Grand Lyon a cependant immédiatement pris des mesures. « La direction de la propreté, la médecine du travail et une assistante sociale se sont rendues sur place et un dispositif d’accompagnement et d’écoute a été mis en place », précise le communiqué de presse qui en profite pour décrire les mesures prises depuis la première immolation :

« Le Comité d’Hygiène et Sécurité sur les Conditions de Travail (CHSCT) où siègent des élus, des membres de l’administration et des représentants du personnel, est donc mobilisé pour mettre en œuvre toutes les dispositions d’analyse et d’expertise nécessaires ».

Suite au premier drame, le CHSCT a mandaté une expertise sur les conditions de travail des agents.

 

Mesures de rétorsion après la grève ?

La souffrance au travail des agents n’est pas seulement en question. Dans un communiqué, le représentant de la CFTC pousse plus loin l’interrogation puisqu’il a l’impression d’être victime d’un règlement de compte post-grève des éboueurs :

« C’est notre deuxième adhérent CFTC qui est pris pour cible et qui tente de s’immoler cet été. J’ai réellement l’impression que ce sont des mesures de rétorsion bien ciblée, après la grève de la direction de la propreté ».

La Fnact-CFTC du Grand-Lyon s’est constituée partie civile dans le cadre des plaintes déposées par la famille de Manuel Gongora qui s’est immolé le 19 juillet dernier.

 

> Article actualisé le 5/09 à 18h22 après la publication du communiqué de la CGT

> et actualisé le 6/09 à 18h25 avec les propos de Sandrine Frih, présidente du CHSCT


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