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Livre : sea, sex and… sex

Les livres pour bien vivre sa sexualité sont légion. L’éditeur lyonnais Stéphane Bachès tente de tirer son épingle du jeu avec « Sexualité sans tabou », un guide pratique, mais pas que, dont il a confié la rédaction à une journaliste confirmée. Aussi à l’aise (jadis) sur France 3 qu’en presse spécialisée, Isabelle Rocher, pour son premier livre, a décidé de s’attaquer aux préjugés.

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Rue89Lyon : Quel était le postulat de départ pour ne pas écrire un énième livre sur la sexualité ?

Isabelle Rocher : Je ne voulais pas faire la vie sexuelle d’Isabelle Rocher…

 

C’eût été trop court comme livre ?

(Rires) C’est ce que je me suis dit… Je m’étais bien mise d’accord avec mon éditeur. Si j’écrivais un livre sur la sexualité, il était bien question de faire une enquête poussée, un vrai travail d’investigation avec des témoignages. Des témoignages surtout d’experts, comme Martin Teboul, un psychothérapeute de couple, plusieurs sociologues dont Michel Bozon qui est un des rares auteurs à signer des enquêtes sur le sujet. J’avais aussi envie de faire un état des lieux, pas avec un regard de sociologue, mais avec celui d’une journaliste.

 

Vous vous êtes donc appuyée sur vos expériences de journaliste…

J’avais déjà quelques connaissances du milieu libertin. J’ai écrit pendant six ou sept ans dans un magazine de sexualité récréative. J’avais une idée de ce qu’on pouvait trouver dans la réalité et j’avais envie de la retransmettre. Le plus dur ça a été de faire du grand public sans rentrer dans la sexualité trop extrême. Je voulais que ce soit didactique, car on est dans une collection de guides pratiques, il fallait donc expliquer des choses. Je me suis vraiment appuyée sur des témoignages d’adeptes de certaines pratiques qui m’ont donné des conseils avisés tout en soulignant les risques potentiels… Quand ils existent.


Le livre débute par un long historique avant de rentrer dans le vif du sujet. Ne craignez-vous pas d’avoir un peu abusé des préliminaires ?

C’était pour moi important de faire cette partie théorique pour ne pas faire un livre comme on en trouve partout sur la sexualité, à savoir, comment faire ci ou comment faire ça. Moi, avant de commencer, j’en ai lu beaucoup des livres sur la sexualité. Ca m’a conforté dans l’idée de faire un état des lieux objectif, réel, avec des moyens de combattre les préjugés. Si on n’est pas dans certains réseaux, il y a beaucoup de pratiques fantasmées, avec des choses que l’on imagine à tort. Les livres pointus s’adressent aux adeptes des pratiques, aux initiés. Alors que d’autres sont plutôt réservés au grand public et sont souvent écrits par des psys ou des médecins. Ils n’apportent pas grand-chose aux gens curieux qui voudrait juste en savoir un peu plus.

 

On sent un point de vue féminin très fort.

Je suis une fille, je vous l’avoue.

 

Non mais on dirait que vous vous adressez plutôt aux femmes…

Les préjugés, ce sont plus les femmes qui les subissent. Dans le milieu libertin par exemple, quand tu parles à des gens qui n’y connaissent pas grand chose, ils vont te dire que la femme, dans ce milieu là, est soumise, qu’on la troque, qu’elle y est aliénée… Et moi, la première chose que j’ai pu vérifier dans un club échangiste, c’est qu’il n’y a pas de sentiment d’insécurité pour une femme. Tu ne te sens pas objet. J’avais envie de faire passer ce message-là. On ne le retrouve pas si souvent. On pense que ce sont les hommes qui mènent la danse alors que non, je suis sûre que non.

 

A Lyon, la réalité de la vie libertine semble un peu différente : ces soirées ne sont pas exclusivement réservées aux couples et aux femmes et par conséquent les hommes y seraient très (trop) présents.

Quand je travaillais pour la presse pour adulte, Lyon était une ville à part. On ne retrouvait pas tout à fait la philosophie libertine. C’était plus « le sexe pour le sexe ». Mais ça a peut-être changé.

 

Une chose qui semble avoir changé les mentalités dans votre livre, c’est l’apparition du sida.

Un danger mortel est apparu et le port de la capote est devenu obligatoire. Encore aujourd’hui, on n’est pas tous capables de porter ou non un préservatif sans état d’âme. Le sida a changé la donne après toutes les révolutions sexuelles. On ne fait pas l’amour de la même façon que nos parents. C’est une question de génération. Aujourd’hui, nous sommes dans la théâtralisation des rapports. On a « peur » de la contamination. On compense en faisant des choses spectaculaires sans forcément qu’il y ait pénétration, mais avec beaucoup plus d’exhibition.

 

La jeune génération serait-elle plus désinhibée ?

Des comportements comme la fellation sont devenus beaucoup plus courants. Ce sont aujourd’hui des préliminaires. Ca ne l’était pas pour nos parents. Il y a aussi beaucoup plus de filles qui draguent d’autres filles. Je ne sais pas si vous avez remarqué, ces adolescentes qui se tiennent très proches de leur copine, se prennent par la main et s’embrassent ouvertement. On a aussi beaucoup entendu parler des skins parties dernièrement… Mais je ne sais pas si on va coucher si facilement. L’âge du premier rapport n’a pas évolué de façon significative.

 

Cette évolution des mœurs est peut-être le fruit d’un rapport illimité au porno via le net. On est loin du film classé X de Canal + le premier samedi du mois.

Bien entendu, Internet a eu un impact. Et il n’est pas forcément positif. Ce qu’on voit dans un porno, ce n’est pas la réalité. Certains jeunes imitent ce qu’ils peuvent y voir, mais ce n’est pas vraiment une bonne chose. Et particulièrement pour la partenaire car dans ce genre de productions, on retrouve des femmes qui jouissent, mais pas de façon « naturelle ». Pour accéder à l’orgasme, elle a besoin d’autre chose…. De mon avis de femme ! (rires)

 

Autre chose de quel genre ? Les sentiments ?

(Rires) Non, non. On le ressent dans mon livre, je ne prêche pas l’amour romantique. Ca ne fonctionne plus. Pour jouir, une fille n’a pas besoin d’acrobaties comme on peut le voir dans un porno qui joue dans un registre trop mécanique, basé sur la performance. La femme n’est pas souvent mise sur un piédestal. J’ai rencontré plusieurs actrices de X et même si elles aimaient plutôt le métier et n’étaient pas contraintes, dans l’exercice de leur fonction, elles en bavaient. Un film porno, on a beau parfois affirmer le contraire, c’est tout de même essentiellement pour faire bander les mecs.

 

Sexualité sans tabou, par Isabelle Rocher. Editions Stéphane Bachès (10 mai 2012)


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