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Prostitution : "une pratique archaïque relookée en job branché"

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Dérision, accusation de « puritanisme », propos outranciers… La levée de bouclier contre les abolitionnistes de la prostitution est à la mesure de l’enjeu : le « droit » séculaire que s’octroient certains hommes de se payer une femme – ou un homme – quand l’envie leur en prend.
Que ce prétendu droit, soi-disant le plus vieux du monde, entraîne une traite des femmes sans précédent et l’explosion d’un « marché » qui dote les proxénètes d’un pouvoir croissant, eux qui sont désormais promus au rang de chefs d’entreprise dans une partie de l’Europe, serait indifférent. Tout comme l’assignation des femmes au sempiternel statut de « putain » (encore dite « matériel » ou « matos ») avec les violences – insultes, agressions, viols – qui en sont inséparables. Surtout ne toucher à rien !

Vouloir faire reculer cette pratique archaïque relookée en job branché par le capitalisme libéral serait une « utopie » ; nous voudrions « éradiquer » la prostitution ; des termes aux relents assassins. Lutter contre le racisme ou la torture est aussi une utopie permanente et personne n’y trouve à redire. Eradiquer ? Non, abolir. L’esclavage n’a pas été éradiqué mais il a bel et bien été aboli. Aucun Etat n’oserait plus le justifier, l’organiser ou le laisser prospérer. Le même choix pour la prostitution serait une avancée de civilisation.
On nous oppose la liberté. Liberté, oui, mais liberté de qui ? « Je paye et tu t’exécutes. » Sous les emballages subversifs, le système prostitueur est un système fortement conservateur, une concession à l’ordre ancien où l’homme dispose face à une femme – plus rarement un homme – qu’il prive, en froissant un billet, de la liberté de lui tenir tête et de dire non.

Ce mot magique, liberté, brandi bien haut par les défenseurs de l’industrie du sexe (et de ses hyper profits), est censé nous faire taire. Mais il y a méprise : ce que nous combattons n’est pas le libertinage mais bien l’exploitation sexuelle ; pas la vie privée, mais le commerce de la sexualité.

Quant à l’argument de la clandestinité, répété en boucle, il tombe à plat. C’est bien dans les pays qui ont prétendu « légaliser » la prostitution – en réalité le proxénétisme – qu’elle est devenue considérable. En Allemagne et aux Pays-Bas, les prostituées, qui refusent de porter l’étiquette de « travailleuses du sexe » et de payer des impôts, sont de fait condamnées à la clandestinité et en tant que telles pourchassées par la police. Ce qui n’est pas le cas en Suède, pays où les clients sont pénalisés, puisque les prostituées ne sont pas poursuivies.

Cette inversion de la charge pénale, mise en œuvre en Suède en 1999, ne prend son sens qu’à l’intérieur d’une panoplie de mesures concrètes et n’est pas envisageable sans elles : fin de la répression qui pèse sur les personnes prostituées, mise en œuvre d’un véritable plan social d’accompagnement à la sortie de la prostitution (vécue neuf fois sur dix comme une voie sans issue), lutte réelle contre toutes les formes de proxénétisme, mesures de prévention et d’éducation à une sexualité non sexiste et respectueuse de l’autre…

Et politique volontariste et transversale pour parvenir à l’égalité entre les femmes et les hommes.
L’interdiction d’acheter un acte sexuel ne relève pas d’une lubie répressive mais d’un choix politique dicté par les textes internationaux qui mettent désormais en exergue la « demande » comme facteur essentiel dans la traite des êtres humains : Protocole de Palerme visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (2000), Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, dite « de Varsovie » (2005) appelant à des « mesures législatives, administratives, éducatives, sociales, culturelles ou autres » « afin de décourager la demande ».
Il ne s’agit pas de mettre des hommes en prison – de plus en plus d’hommes sont à nos côtés dans le combat abolitionniste – mais de poser une nouvelle façon de vivre en société. De même que l’on ne vole pas, on n’achète pas le corps d’autrui. En Suède, les petits garçons grandissent avec l’idée que les filles ne sont pas des objets de défoulement ; que la sexualité est une affaire de désir partagé, hors de toute contrainte économique.

Nous défendons un projet de société, une Europe des droits humains et non une Europe du profit et de la marchandise. Mais aussi une certaine idée de la liberté sexuelle, qu’il est temps de commencer à décliner aussi au féminin. Soyons clairs : une société sans prostitution n’enlèverait rien à la liberté individuelle en matière de sexualité, qu’elle soit hétéro ou homo. Bien au contraire. Cessant d’être imposé par l’argent – de même que par la violence –, un rapport sexuel serait l’expression d’une sexualité libre, y compris pour les plus précarisé-es. C’est ce qu’a magnifiquement compris notre courageuse ministre, Najat Vallaud-Belkacem, en s’engageant clairement en faveur de l’abolition.

 


Sylviane Agacinsky, philosophe; Claudine Blasco, Attac; Danièle Bousquet, ancienne députée, présidente de l’Assemblée des femmes; Thalia Breton, porte-parole d’Osez le féminisme; Nicole Castioni, femme politique franco-suisse, ancienne prostituée; Sandrine Goldschmidt, A dire d’elles; Patric Jean, réalisateur; Claudine Legardinier, journaliste; Malka Marcovich, Coalition Against Trafficking in Women; Anny Poursinoff, ancienne députée EELV; Claire Quidet, porte-parole du Mouvement du Nid; Frédéric Robert, membre fondateur du réseau Zéro Macho; Maurice Ronai, chercheur; Laurence Rossignol, sénatrice, vice-présidente de la région Picardie; Romain Sabathier, militant féministe; Coline Serreau, cinéaste.

Commentaire posté par Ivan

 


#Najat Vallaud-Belkacem

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