mère de famille, expert-comptable. Et militante. Comme elle, des dizaines de parents d’élèves constitués en collectif se mobilisent depuis des mois en faveur des enfants sans logements scolarisés dans leur quartier. En racontant dans des communiqués quotidiens l’histoire et la situation de ces familles, elle a réussi à attirer l’attention des médias et des pouvoirs publics. Retour sur un triste feuilleton.
Une petite fille joue devant le campement de Perrache
« Mardi 3 juillet : Bonsoir, 30ème communiqué = 30 jours minimum pour les enfants dehors !!!! ».
Tous les jours, depuis plus d’un mois, les messages de Véronique Bornarel alertent leurs lecteurs. Inlassablement, cette habitante de Lyon 2ème raconte le drame des dizaines d’enfants scolarisés dans l’arrondissement.
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40 enfants dans un squat
Sans hébergement depuis la fin du plan froid, parfois en attente de régularisation, de nombreuses familles ont dû se résoudre à vivre dans la rue.
Une situation intolérable pour Véronique Bornarel, dont les deux enfants sont scolarisés dans le 2ème arrondissement. « Dans chacune de leurs classes, un enfant est actuellement sans toit », explique-t-elle.
En novembre 2011, elle fonde un collectif avec d’autres parents d’élèves. Depuis, les actions s’enchaînent : rassemblement place d’Ainay, goûters solidaires, dépôts de dossiers à la préfecture, tout est bon pour alerter l’opinion publique et rassembler quelques fonds pour pallier l’urgence.
« Nous avons rassemblé suffisamment d’argent pour pouvoir envoyer les enfants en colonie de vacance cet été ».
De Perrache à Victor Hugo
Pour attirer l’attention des pouvoirs publics, des médias et des autres parents d’élèves, la diffusion journalière d’un communiqué est décidée. Expert-comptable passée par des études de lettre, Véronique Bornarel rédige donc de courts textes décrivant la situation :
« 20ème communiqué : Aujourd’hui, après dépôt d’une demande d’urgence au logement ce lundi pour une famille avec 4 enfants vivant à Perrache, le tribunal a ordonné que la famille doit être logée au plus tôt avec une réponse avant lundi soir. »
Numérotés, ces bulletins quotidiens scandent les semaines, délivrant bonnes et mauvaises nouvelles, remerciant les signataires d’une pétition ou une personne en particulier :
« Nous avons reçu 4 duvets de ma part de M. Wilson, merci, les enfants en ont vraiment besoin. »
Les mots oscillent entre exaspération devant l’immobilisme des pouvoirs publics et volonté de toucher l’opinion. Au milieu se glissent parfois quelques vers du poème « Les enfants pauvres » de Victor Hugo.
« Aucun retour des politiques »
Après plusieurs mois de mobilisation, le résultat est bien maigre. Certes, quelques familles ont été relogées, mais aucune solution globale n’a été envisagée. Fin juin, 58 dossiers de demande de régularisation ont été déposés à la préfecture par le biais du Réseau Education Sans Frontière (RESF), mais les réponses ne sont pas attendues avant le 15 juillet.
Du côté des élus locaux, le bilan n’est guère plus positif. Les rares contacts avec le personnel politique ont laissé un goût amer à Véronique Bornarel :
« Denis Broliquier, le maire du 2ème, nous a rencontré le 7 juin, juste avant le premier tour des législatives. Depuis, nous n’avons plus eu de nouvelles ».
Alors, pour faire bouger les choses, le collectif veut viser plus haut :
« Nous allons envoyer l’ensemble des communiqués à François Hollande et à Cécile Duflot, la ministre du Logement, nous espérons une réponse concrète et rapide ».
Quatre mètres carrés pour une famille
80 personnes, dont 40 enfants, se sont installés entre la gare et le centre d’échanges de Perrache
En attendant de trouver un hébergement, enfants et parents ont trouvé refuge dans des squats comme celui installé à côté du centre d’échange de Perrache, où vivent près de 80 personnes, dont 40 enfants.
Zarif a 50 ans et vient de Macédoine. Il dort depuis six mois dans une tente entourée de barrières métalliques. Un carré de deux mètres de côté recouvert de couvertures qu’il partage avec sa femme et ses deux fils de 19 et 20 ans. « Nous n’avons pas d’eau, pas de toilettes, à peine de quoi manger », explique-t-il. La cuisine se fait sur un petit réchaud « quand il y a du gaz ».
Mais plus encore que les difficultés matérielles, c’est l’attente qui use les familles, ajoute l’aîné de la famille :
« La police nous laisse tranquilles, mais rien ne bouge. Nous en sommes au même point qu’il y a six mois »
Un peu plus loin, Senad Kurtesi fait l’interprète. A 13 ans, cet adolescent originaire du Kosovo a déjà passé deux ans en France, dont six mois à Perrache. Scolarisé dans un collège de Villeurbanne, il détaille le quotidien des sept membres de la famille :
« On fait des allers-retours à la Croix Rouge dans le 3ème, au Forum réfugié à Garibaldi, au Secours Populaire à Villeurbanne ou à la Maison du Rhône dans le 2ème, tout ça prend beaucoup de temps. »
« Une expulsion humaine », la grande illusion
C’est parce que leurs enfants côtoyaient des élèves comme Senad que Véronique Bornarel et les autres se sont décidés à agir. « Mon fils de 8 ans est très engagé dans ce combat » se réjouit-elle, « s’il pouvait, il hébergerait tous ses copains de classe chez nous ».
Mais les vacances d’été approchant, Véronique se dit inquiète. Aucun relogement n’est prévu pour le moment et, l’école fermant ses portes, le contact avec les familles risque d’être plus difficile à établir.
Le campement est expulsable à tout moment, depuis une décision du tribunal d’instance saisie par le propriétaire des lieux (Le Grand Lyon). Et le préfet Jean-François Carenco, qui considère que le « droit au logement inconditionnel n’existe pas » étudierait actuellement « les conditions d’une expulsion humaine ». Une expression qui laisse Véronique Bornarel perplexe :
« Le peu d’espace privé et de vie collective qui restaient à ces familles vont être détruits, je ne vois pas comment cette évacuation pourrait être humaine.»
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