Le calendrier que s’est fixé François Hollande pour ouvrir le mariage et l’adoption aux couples homosexuels («avant le printemps 2013») a déçu de nombreux militants…
J’ai été heureuse de voir le Parti socialiste (PS) adopter des positions très claires sur l’ouverture du mariage à tous les couples et sur l’homoparentalité. Je pense que les choses iront plus vite que cela n’a été annoncé. N’ayez aucun doute sur l’engagement profond de François Hollande au service de l’égalité. Il a proposé cette date du printemps 2013 pour se donner de la marge, mais l’ouverture du mariage passera par l’adoption d’une grande loi sur l’égalité en général. Nombreux sont les Français qui l’attendent, et pas seulement sur la question de l’orientation sexuelle. De plus, cette loi ne coûtera rien aux finances publiques. Ce qui prendra du temps, ce sont les questions juridiques, comme le renforcement du Pacs et tous les droits tournant autour de l’homoparentalité. Il faut donc considérer 2013 comme une deadline maximale pour que les objectifs soient atteints.
Ces prises de position en faveur des droits LGBT ne risquent-t-elles pas de rendre François Hollande impopulaire auprès d’un certain électorat ?
Il y a évidemment des gens qui s’inquiètent d’une trop grande libéralisation des mœurs. Du moins, c’est ainsi qu’ils la dénoncent, mais ce n’est pas comme cela que je vois les choses. On trouve aujourd’hui, dans les religions notamment, ou dans un certain nombre de partis conservateurs, des résistances qui me semblent assez déconnectées de ce que dit la société, qui a conscience qu’il existe aujourd’hui différents types de sexualité et de familles. En réalité, on sera surpris de voir que c’est le type de mesure qui pourra apporter une adhésion supplémentaire à François Hollande s’il est élu et lui donnera du souffle. Dans cette campagne présidentielle, on a le sentiment que l’air est très lourd. Il y a la crise économique, les gens souffrent, on parle de sujets très sérieux, très techniques : l’économie, l’Europe, la finance, les banques… Une mesure comme celle-ci donnera l’occasion de respirer, de rêver aussi.
Sur 204 députés socialistes, comment se fait-il qu’il y en ait aucun ouvertement gay ?
Peut-être qu’il y en a qui ne le disent pas. D’une façon générale, je ne trouve pas que l’Assemblée nationale soit particulièrement représentative de la société française, que ce soit en termes de diversité culturelle, sociale, ou ethnique. Prenez l’exemple de quelqu’un comme Bertrand Delanoë, un grand élu qui a annoncé très tôt son homosexualité mais n’a jamais particulièrement cherché non plus à la mettre en avant. Ce vers quoi nous devons tendre, c’est l’indifférenciation, la liberté pour chacun de mettre en avant ou non son orientation sexuelle.
Dans une interview au magazine Têtu (avril 2012), François Hollande a déclaré être contre le remboursement intégral du parcours médicalisé des trans, considérant qu’«il n’y a pas de raison de donner une gratuité totale à ce qui est un choix individuel». Considérer la transidentité comme «un choix individuel», n’est-ce pas étonnant pour un candidat qui se veut à la pointe des combats LGBT?
François Hollande n’est en effet pas favorable au remboursement total du parcours médicalisé des trans. Pour autant, il s’est tout de même engagé à ce que de telles opérations, de telles transitions, soient remboursées, même si ce n’est pas intégralement. Ce qui, pour lui, relève d’un «choix individuel», ce n’est évidemment pas la transidentité, mais un certain nombre d’opérations esthétiques qui vont au-delà du changement de sexe, afin de pousser jusqu’à terme, et plus ou moins loin, la transformation physique. Mais l’essentiel de l’opération, celle qui permet de passer d’un sexe à un autre, sera remboursée, qu’elle soit effectuée en France ou à l’étranger, et en laissant au patient le choix du médecin. Il ne faut donc pas se tromper et considérer comme un recul de la part de François Hollande ce qui est une avancée énorme par rapport à ce qui existe aujourd’hui.
Questionné par AIDES sur les franchises médicales, François Hollande a refusé de s’engager à les abolir, comme le demandait l’association. Est-ce bien compatible avec une volonté politique ambitieuse de lutte contre le sida ?
Il faut d’abord mettre en place une enquête nationale sur les questions de santé spécifiques aux personnes LGBT, car il y a un vrai déficit de connaissances en la matière en France. Ensuite, il faut privilégier la prévention à la répression, développer le dépistage du VIH (en particulier auprès des hommes qui ont des relations homosexuelles) et renforcer tous les dispositifs de lutte contre le VIH, en soutenant en particulier les associations locales qui font un travail essentiel.
Privilégier la prévention à la répression, cela vaut-il aussi sur la question de la prostitution ?
Sur ces questions, le PS est dans une logique abolitionniste car il considère qu’il y a bien plus de personnes exploitées par la prostitution que de personnes qui l’ont choisie. S’agissant de la proposition de loi actuellement en discussion au Parlement qui vise à pénaliser les clients (défendue conjointement par un député UMP et une députée socialiste), il ne s’agira pas simplement d’une énième loi de sanction : on cherchera à accompagner les personnes qui vivent de la prostitution pour les aider à s’en sortir. Mais l’objectif du PS est bien d’abolir ce qu’il considère comme un fléau.
Vous êtes personnellement favorable à la légalisation d’une gestation pour autrui (GPA) encadrée. Pourquoi François Hollande y reste t-il opposé ?
Le bureau national du PS a fini par se positionner contre la GPA au terme d’un débat assez nourri et intéressant. Il a estimé que le risque d’instrumentalisation du corps des femmes était trop grand. Personnellement, j’ai le sentiment que fermer les yeux sur une réalité ne suffit pas à résoudre un problème. Je crois en l’altruisme, en la générosité des femmes qui acceptent de venir en aide aux couples homosexuels. Mais de fait, la majorité, dont François Hollande, a décidé qu’il fallait absolument protéger les femmes de toute tentative d’exploitation de leur corps.
Pour lutter contre les violentes persécutions physiques dont sont victimes les personnes LGBTI dans certains pays, le premier ministre britannique David Cameron a récemment émis l’idée de suspendre les aides au développement international versées à des régimes qui ne respecteraient pas les droits humains, dont ceux des minorités sexuelles. François Hollande a déclaré que ce principe lui semblait bon. Le risque ne serait-il pas de prendre en otage des populations souvent miséreuses et pas toujours responsables de la politique des gouvernements, qui pour certains ne sont pas élus démocratiquement ?
Je pense qu’il faut toujours privilégier le dialogue aux mesures de répression. Il y a eu dans certains pays des crimes, des assassinats de personnes en raison de leur sexualité, et la France n’a pas forcément réagi. La diplomatie française devrait s’impliquer davantage qu’elle ne le fait aujourd’hui dans la lutte contre ce type de persécutions. Pour moi, la meilleur façon d’avancer sur ces sujets, c’est de soutenir les associations locales, les ONG qui œuvrent à l’international pour promouvoir l’égalité des droits et lutter contre les préjugés et qui ne sont pas suffisamment soutenues.
La fin des préjugés ne passe-t-elle pas également par l’école ?
Si, c’est même le cœur du sujet. Pour mettre fin aux discriminations, il faut permettre aux associations d’entrer dans l’enceinte de l’école pour sensibiliser les élèves. Il est nécessaire que les cours d’éducation sexuelle prennent en compte les différentes orientations sexuelles, en autorisant par exemple la diffusion de films qui transmettent dès leur plus jeune âge des messages clairs aux enfants afin de normaliser et banaliser l’amour entre personnes du même sexe. Dans les livres scolaires également, il est important de prendre davantage en considération la diversité des sexualités. Quand on étudie à l’école tel ou tel auteur hétérosexuel, on va évoquer sa vie personnelle. À l’inverse, on en fera rarement de même avec un grand auteur dont on sait qu’il était homosexuel. Cela ferait pourtant, selon moi, évoluer les mentalités. La télévision est aussi un vecteur de représentation de la société et aujourd’hui, je ne suis pas persuadée que cette représentation soit très fidèle à la réalité.
Là où l’association SOS Homophobie propose de lancer des programmes de sensibilisation à la diversité sexuelle dès l’école primaire, François Hollande préfère attendre le collège pour cela. N’est-ce-pas trop tard pour des adolescents qui découvrent alors leur orientation sexuelle ?
Je pense que, par «sensibilisation à la diversité sexuelle», François Hollande a compris «éducation sexuelle». Et dans son esprit, celle-ci doit intervenir au collège. Pour autant, il existe des messages, des symboles, des choses très diffuses sur la réalité de la famille qu’on peut faire passer dès le plus jeune âge. D’une part, pour que les enfants issus de familles homoparentales ne soient pas stigmatisés, et d’autre part, pour que leurs camarades puissent comprendre et accepter leur situation familiale.
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