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A Lyon, Juppé comme Guéant, droits dans leurs bottes sarkozystes

A chacun son job au service de Nicolas Sarkozy dans cette campagne de second tour. Alain Juppé est venu dimanche rassurer les centristes et les gaullistes. Lundi, dans l’Est lyonnais, Claude Guéant aidait à séduire les 20% qui, ici, ont voté FN au 1er tour.

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Visite de Claude Guéant à Bordeaux le 28 octobre 2011 avec Alain Juppé – Crédit : maxppp

Pour ce pont du 1er mai, il y en avait pour tous les goûts à l’UMP du Rhône. Dimanche, avant la retransmission du meeting de Nicolas Sarkozy à Toulouse, le ministre des Affaires étrangères a fait une courte apparition dans le très chic palais des Congrès de Lyon tandis que le ministre de l’Intérieur avait choisi une modeste salle municipale de Meyzieu pour porter la bonne parole.

Chacun avait sa mission : à Alain Juppé de rassurer les militants démocrates-chrétiens et gaullistes potentiellement effrayés par le discours très droitier de Sarkozy ; à Claude Guéant de marteler ce discours pour conquérir l’électorat Front National.

 

Sarkozy est-il compatible avec le gaullisme ?

Devant plus de 600 militants, Alain Juppé qui, à plusieurs reprises, a montré sa réticence au sujet de la stratégie de chasse aux électeurs frontistes, s’est posé en caution morale de la droite. Il a attaqué d’entrée par un « Je me sens parfaitement à l’aise avec mes valeurs ». Et pour que les choses soient claires, il a précisé :

« Tout au long de ma vie politique, mes repères ont été les principes du général de Gaulle ».

Il voulait surtout assurer que « cette morale de l’action » qu’est le gaullisme, comme il le définit lui-même, est à l’œuvre chez Nicolas Sarkozy.
Sur deux points fondamentaux, il s’y retrouve.

En écho à ce qu’allait déclarer le président-candidat à Toulouse quelques minutes après lui, il a considéré que le président candidat partageait avec de Gaulle une « certaine idée de la France », qui rejette le « nationalisme », mais qui défend le « patriotisme ».

 

Alain Juppé présente donc ce patriotisme comme « l’amour de soi et de la terre de nos pères » :

« Rester fidèle à cette idée, c’est vouloir construire une France forte. Une France qui a les moyens de son indépendance politique, c’est-à-dire qui ne dépend pas de bailleurs de fond extérieurs. Une France qui ne vit pas au-dessus de ses moyens ».

Voilà pour « la France forte » qui devient un slogan gaulliste et non plus un emprunt à Valéry Giscard d’Estaing.

Mais il va plus loin dans l’assimilation du sarkozysme au gaullisme. Selon Juppé, la « certaine idée de l’homme » que défendait le général se retrouve chez l’actuel président. Un « humanisme qui fait du respect de la personne humaine sans discrimination le cœur du projet politique ». Le maire de Bordeaux met à la sauce Sarkozy la devise de la République :

  • « La liberté qui est inséparable de la sécurité »
  • « L’égalité qui donne à chacun les mêmes droits et, indissociablement, les mêmes devoirs »
  • « La fraternité qui est incompatible avec l’assistanat et qui repose sur la responsabilité des individus ».

Pour réussir ce numéro d’équilibriste idéologique, Alain Juppé a laissé de côté les propositions de Sarkozy en matière d’immigration et de sécurité, qui sont pourtant les deux thématiques les plus rabâchées pour séduire les électeurs de Marine Le Pen.
Claude Guéant, lui, n’a évidemment pas eu cette pudeur.

 

« Nous voulons que la France reste la France »

A Meyzieu, dans la 13e circonscription du Rhône, là où Marine Le Pen a fait l’un des meilleurs score du Rhône (20,27%), Claude Guéant a déroulé son discours habituel devant 400 personnes, dont de nombreux parlementaires et le maire Michel Forissier.

Il a agité, sans la nommer, la « menace islamiste » :

« Nous voulons conserver les modes de vie qui sont les nôtres. Nous voulons que la France reste la France. Ils doivent accepter nos règles. C’est à eux de s’adapter. (…) C’est pourquoi par exemple, j’ai interdit les prières de rue et le port du voile intégral ».

Derrière ce « ils », une nouvelle fois, les musulmans. Heureusement, Alain Juppé n’était pas dans la salle, lui qui se prononçait la veille contre toute forme de « stigmatisation ».

Claude Guéant a naturellement enchaîné avec un couplet sur le droit de vote des étrangers aux élections locales que défend François Hollande. Lequel droit de vote conduirait nécessairement au « communautarisme ». Il n’a pas développé davantage. Il faut dire qu’avant lui, son hôte, le député de la 13e circo, Philippe Meunier, cofondateur de la Droite populaire, avait fait le boulot en convoquant la nostalgie de l’Algérie française :

« Séparer le droit de vote de la nationalité, c’est mettre les maires sous la menace des puissances étrangères dans de nombreuses communes. Nous n’avons pas le droit d’abandonner nos compatriotes qui habitent à Vaulx-en-Velin, Saint-Priest, Vénissieux ou Rillieux. Notre devoir est de les protéger de ceux qui veulent leur imposer un mode de vie qui n’est pas le nôtre. Je ne veux pas revivre ce qu’ont vécu nos compatriotes en Algérie lorsqu’ils n’ont pas eu d’autres choix que de quitter la terre qui les a vus naître ».

Le ministre de l’Intérieur s’est félicité de l’augmentation continue des expulsions d’étrangers. Il a annoncé que « plus de 10 000 clandestins ont été reconduits à la frontières » au premier trimestre 2012. et que « nous allons vers 40 000 fin 2012 » alors que 33 000 personnes ont été expulsées en 2011.

A propos de sécurité, le supposé angélisme de la gauche a une nouvelle fois été invoquée alors que la droite est, elle, du côté des victimes :

« Pour nous les victimes sont ceux qui se font voler ou agresser. La gauche dit que les auteurs de violences sont les victimes de la société. Dans ces conditions, comment voulez-vous être efficace ? »

 

« Il y a manifestement une intention de nuire »

Claude Guéant a voulu également aborder la question de la « morale en politique ». Il a surtout parlé des affaires. A propos du document produit par Mediapart sur l’intention du dictateur libyen Khadafi de financer la campagne de Sarkozy de 2007 à hauteur de 50 millions d’euros, le ministre de l’intérieur a plaidé la manipulation :

« On sait que c’est un faux. Ce qui serait intéressant c’est de savoir qui a fabriqué ce faux et pourquoi le faux est produit quelques jours avant le premier tour de l’élection présidentielle. Qu’on ne me dise pas que c’est le hasard. Il y a manifestement une intention de nuire. »

On savait que dès le soir du premier tour, dans les fameux éléments de langage, consigne était donnée de s’en prendre aux journalistes. Le message est visiblement très bien passé. Les charges les plus sévères ne sont pas venues des ministres mais des députés qui ont introduit les débats.

Surtout de Philippe Meunier qui a repris le discours anti-élite :

« Cette caste constituée de journalistes bien-pensants et de socialistes bon teint a fait le choix de manipuler et de mentir au peuple matin, midi et soir. (…) Ils sont capables de pire, sortir un faux . Honte à ces pseudo-journalistes de Mediapart et à tous ceux qui colportent bassement ces mensonges. Ce sont les dignes successeurs de la Pravda. »

Le dimanche, en introduction du discours d’Alain Juppé, le député de Caluire Philippe Cochet, avait galvanisé ses troupes sur le même thème du peuple contre les élites :

« Il y en a assez de ces experts. Les médias ont tout faux. Ces médias, nous allons les faire mentir ».


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