Crédit photo : Maxppp // Maraude de la Croix-Rouge (Samu Social) dans les rues de Niort
Trois fois par semaine, trois camions de la Croix-Rouge sillonnent les rues de Lyon et de sa banlieue à la rencontre des sans-abri. Comme ailleurs en France, ce travail de Samu social, entièrement réalisé par des bénévoles, leur apporte des couvertures et leur fournit des repas, et crée aussi du lien social.
Il leur arrive également de signaler aux pompiers ou aux autres partenaires les personnes en grande difficulté, notamment à cause du froid.
Mais ce mardi, la Croix-Rouge ne passera pas. Selon un communiqué de presse délivré lundi 5 mars, des « dysfonctionnements au sein de l’équipe du Samu social », ont amené le président de la Délégation départementale du Rhône, Michel Ducray, à « suspendre » les activités de maraudes. Elles devraient reprendre le 16 mars.
Les besoins augmentent mais la Croix-Rouge est absente
La période est particulièrement mal choisie pour arrêter ces maraudes auprès des SDF. Même si les températures sont plus clémentes, les nuits sont encore très fraîches.
Surtout, la fin du dispositif préfectoral « Grand Froid » à Lyon depuis une semaine a remis à la rue une centaine de personnes. Ce sont des sans-abri qui étaient hébergés à l’hôtel ou dans des foyers, uniquement pour cause de températures négatives.
La préfecture ayant décidé d’arrêter ce dispositif le 27 février, le nombre des personnes sans solution d’hébergement a grimpé, atteignant une centaine de personnes la semaine dernière. Et ce jeudi 8 mars, les 120 place du gymnase de la rue Duplat (Lyon 1er) réquisitionné par la préfecture vont fermer. Soit encore des personnes remises à la rue.
Dans ce contexte, les raisons de la Croix-Rouge doivent être suffisamment importantes pour priver les SDF retournés à la rue de l’aide de leur Samu social. Et de laisser le seul Samu social professionnel (géré par l’association ALYNEA) s’occuper des SDF. Sachant que ces professionnels sont censés s’occuper principalement de la mise à l’abri des SDF et non de la fourniture de nourriture et de couvertures.
Cliquer pour accéder à croixRougeRue89Lyon.pdf
De mystérieux « faits graves »
Dans la lettre envoyée le 2 mars par mail (voir le PDF) aux 90 bénévoles qui se relaient sur les maraudes, le président de la Délégation du Rhône, Michel Ducray, invoque « la gravité des faits communiqués, incompatibles avec la bonne marche de l’association et de son image ».
La responsable des bénévoles, Karine Robert, reste incrédule :
« Deux jours avant de recevoir cette lettre, le 29 février, on était en réunion. On ne nous a rien dit. On reçoit cette lettre le 2 mars. Nous n’avons aucune information. Certes, on a des manières différentes de voir certaines choses, mais je ne vois pas de raison suffisante pour arrêter les maraudes ».
Elle met en avant la fin de plus en plus tardive des maraudes qui a fait l’objet de vifs débats. Elle précise :
« Si on finit vers 2 heures ou 3 heures du matin, c’est parce qu’on n’arrête pas d’être sollicités ou de rencontrer des personnes à la rue ».
Le président départemental, Michel Ducray, reconnaît ce point de friction :
« Les maraudes, c’est de 20h30 à minuit. Après, les bénévoles ne sont plus assurés ».
Un dépassement d’horaires est-il si grave ? Le président départemental ne veut pas livrer à la presse les « faits graves ». Il parle toutefois de personnes qui « n’obéissent pas aux règles » et veut faire signer à chaque bénévole une « charte contenant les règles de bonnes pratiques ».
Indignation et conférence de presse
Les 16 responsables de tournées se sont réunis « en collectif » pour exprimer leur indignation face à ce qu’ils considèrent comme un « abus de pouvoir ». Après avoir reçu, disent-ils, des « dizaines de mails de soutien de la part des bénévoles de base », ils ont même donné rendez-vous pour une conférence de presse, ce lundi. Faits rares dans le monde de la Croix-Rouge.
Ces responsables de tournées considèrent que la Délégation départementale du Rhône n’est pas respectueuse du principe d’ »humanité » inscrit dans les principes de la Croix-Rouge. Karine Robert, responsable des bénévoles, explique :
« On a une responsabilité à l’égard des sans-abri. Ce soir, certains ne vont pas manger ou n’auront pas leur couverture. Ils savent qu’on passe à certaines heures et vont nous attendre ».
La direction a assoupli un peu sa position. Initialement suspendues jusqu’au 16 avril, les maraudes reprendront, selon le communiqué, « au plus tard le 16 mars ».
Ce soir, une vingtaine de bénévoles de la Croix-Rouge ira avec leur véhicule personnel à la rencontre des SDF, pour les avertir de la suspension des maraudes.
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