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Chapitre 7 – «Une situation de pré-guerre civile»

Valmont, le 27 mars 2015

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A Valmont, l’avenue de la Coupe-du-Monde n’est plus qu’un vaste chantier. Par intervalles de cent mètres, huit grues s’activent sur son parcours. A une cadence lente mais régulière, elles oscillent leurs palans vers les larges plateformes de camions à grand gabarit pour en tirer d’immenses panneaux de béton. Chaque pièce, haute de huit mètres, est accrochée par un trou au crochet de la grue, puis levée et déposée debout dans une tranchée remplie de béton frais, et clipsée au précédent panneau. L’ensemble ressemble, en plus terrifiant, à une frisette bas de gamme qu’un bricoleur du dimanche poserait à la hâte pour cacher un mur ingrat.

Sur le toit de l’ancienne Maison de la Culture, reconvertie depuis peu en Musée patriotique, une délégation officielle a pris de la hauteur afin d’apprécier l’étendue du chantier.

Domitien a coiffé un casque jaune portant le logo d’une grande société de travaux publics. Il est accompagné du tout nouveau maire de Valmont, Alexandre d’Artagnan. Le plus jeune maire d’une ville de plus de 100 000 habitants en France joue les guides.

«Comme vous le voyez, président, les travaux avancent bien. Cette technologie a été éprouvée sur tout le pourtour de la Cisjordanie. Alors, vous pensez, pour boucler le quartier de La Ville-Nouvelle, ça sera l’affaire de quelques semaines !

— Alexandre, à l’instar de l’illustre héros dont vous portez le nom, vous êtes un bâtisseur et un conquérant ! Je suis fier de vous !»

D’Artagnan se rengorge et prend une pose mussolinienne pour le photographe du Dauphiné qui papillonne autour de la délégation. Il se sent au faîte de sa gloire. En décembre dernier, il a été successivement élu “Homme de l’année” par National Hebdo, Le Point et GQ. Il reprend.

— Voyez-vous, président, désormais, toutes les entrées et sorties du quartier de la Ville-Nouvelle se feront par l’unique checkpoint que vous voyez à droite. Il sera gardé jour et nuit par des policiers municipaux armés. Les bicots qui voudront sortir devront justifier d’un permis de travail à l’extérieur et d’un casier judiciaire vierge. Les fainéants et la racaille resteront donc à l’intérieur.

— Ils n’ont donc plus qu’à trouver un travail par eux-mêmes. Toutes ces structures inutiles pour les assister que sont les Missions locales, les maisons de l’emploi et de la formation n’ont plus le moindre centime dans leur budget 2015 ni de la Région (1), ni de la Ville. Cela libèrera de la place. Puisqu’on en parle, où en êtes-vous de la reprise en main des différents locaux municipaux ?

— Tout est sous contrôle, cher Hubert. Depuis que la police municipale est composée de gens à nous (2), les opérations d’expulsion sont très efficaces. La Maison des enfants a été vidée de ses occupants en une demi-heure, et de son mobilier en une matinée. Une semaine plus tard, les boxes étaient construits, et le refuge SPA a été ouvert dans la foulée. Pour le théâtre, ça a été un peu plus long. Les comédiens s’étaient enfermés dans les loges, et les forces de sécurité on dû sortir les flashballs. Le plus dur a été de les retenir pour qu’ils ne tapent pas trop fort. Ça aurait été mal perçu dans l’opinion. Mais là aussi, tout est rentré dans l’ordre assez vite. Les locaux sont en cours de réaménagement : il reste à livrer les gazinières et les machines à coudre, et le Centre de Formation municipal des Bonnes Epouses (3) ouvrira avant l’été.

— Par-fait, mon jeune ami ! Tout est parfaitement conforme à notre vision de l’intégration. Les Mohammed qui voudront s’intégrer n’auront plus qu’à chercher un travail. Depuis des années, nous demandions de mettre fin à cette idée fumeuse que l’on a appelé la “politique de la ville”, qui ne consistait qu’à saupoudrer des subventions aux associations amies des socialo-écolo-communistes. Le centre social, la MJC qui participent au désoeuvrement de la jeunesse ne sont plus que des vieux souvenirs. Moi, nouveau président de Région, j’ai fait disparaître la ligne budgétaire “politique de la ville” (4). J’ai coupé les vivres aux gauchistes pour investir ainsi dans la construction. Après, qu’on n’aille pas me dire que je ne suis pas constructif, hé, hé, hé.»

Fier de sa saillie, Domitien jette un œil en direction de son “jeune ami” qui manifestement n’a pas compris le trait d’esprit. Peu importe. Lui qui se voit comme un esprit fin de notre temps apprécie malgré tout la compagnie de ces jeunes gens aux manières certes un peu rustres, mais tellement en phase avec ses valeurs. Après tout, se dit-il, un régime nationaliste ne peut vivre qu’avec sa tête et ses bras, avec des esprits flamboyants et des muscles puissants. Il en vibre en regardant le câble de la grue se tendre sous le poids d’une plaque de béton.

« Mais, j’y pense, mon cher Alexandre, quelles sont les nouvelles des émeutiers qui nous harcelaient au début du chantier en sabotant le matériel ?

— Nous les avons intimidés. Là encore, nous n’avons pas tout le champ libre. S’il n’en tenait qu’à moi, ils n’auraient pas eu le temps de sortir une banderole qu’ils seraient déjà au fond du canal avec un parpaing en pendentif. Mais vous savez ce que c’est, il faut faire les choses dans la légalité. Nous utilisons donc des méthodes, disons, plus psychologiques. Je prépare aussi un appel d’offres… Vous connaissez sans doute l’excellente réputation des sociétés privées sud-africaines de maintien de l’ordre?

— Et comment ! Ce sont de vrais hommes. Je ne doute pas que vous trouverez là-bas d’excellents professionnels.

— Fort bien. Dans une situation de guerre civile (5) comme celle que nous vivons, c’est une véritable milice qu’il nous faut constituer, en attendant d’avoir les mains libres au niveau national. A ce moment-là, nous pourrons déclencher de véritables opérations militaires (6) dans tous ces ghettos.»

A suivre…

 

Ceci est une fiction, mais…

1 – Au Conseil Régional de Rhône-Alpes, le FN souhaite la suppression de toutes les politiques en faveur de l’emploi : « A quoi bon dépenser l’argent du contribuable pour la formation et l’aide à la recherche de l’emploi, s’il n’y a pas d’emploi en France ? (…) Renonçons au « projet formation emploi », supprimons les innombrables structures » Sophie Robert, le 21/10/2010.

2 – Selon un rapport parlementaire, à la municipalité de Vitrolles sous la mandature du couple Mégret, «la police municipale se trouvait, dans certaines occasions, placée de facto sous la tutelle de M. Patrick Bunel, chargé de mission à la mairie. (…) celui-ci aurait fait venir des adeptes des méthodes les plus musclées, souvent issus de la mouvance activiste normande et parisienne, avec la bénédiction du maire-adjoint, M. Hubert Fayard. Ces derniers se sont particulièrement mis en évidence à plusieurs reprises à l’occasion d’incidents graves, notamment le 5 novembre 1997, quand un commando de 6 à 10 hommes, casqués et masqués, a matraqué les membres d’un piquet de grève de chauffeurs-routiers.»

3 – Au Conseil régional de Rhône-Alpes, le Front National s’oppose systématiquement aux actions en faveur de l’égalité femmes-hommes pour y opposer une vision où la femme est avant tout mère de famille. « N’est-il pas temps de renforcer les droits spécifiques aux femmes ? Des droits qu’elles tiennent de leur rôle dans la transmission de la vie et l’éducation, où nul ne peut se substituer à elles, reconnaissant ainsi leur rôle si particulier de mère.» Blanche Chaussat, le 04/02/2011.

4 – Au Conseil régional de Rhône-Alpes, le Front National vote systématiquement contre toutes les actions liées à la politique de la ville en invoquant les mêmes raisons que celles expliquées par notre personnage fictif. « Nous pensons qu’il faut y mettre un arrêt définitif [à la politique de la ville] » Marie Favre, le 15/12/2010.

5 – En Rhône-Alpes, le FN considère que « nous sommes aujourd’hui dans une situation de pré-guerre civile » selon les propos tenus par Alexandre Gabriac en assemblée plénière le 21/04/2010.

6 – Les Jeunesses nationalistes d’Alexandre Gabriac exigent le retrait des forces d’Afghanistan et le Bloc Identitaire demande à ce qu’elles soient redéployées dans les banlieues françaises.


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