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A Lyon, les absurdités des « retours humanitaires » de Roumains

Ce mardi, de l’aéroport de Lyon, une centaine de Roumains sont partis pour Bucarest. Ce nouveau vol charter intervient quatre jours après la visite de celui qui organise ces « retours volontaires », le médiatique Arno Klarsfeld, désormais président de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Malgré les absurdités de cette politique du chiffre, Arno Klarsfeld la défend « comme la moins mauvaise des solutions ».  

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Ce mardi matin, 110 Roumains et 16 Kosovars, dont une majorité de Roms, ont été pris en charge dans le cadre de l’« aide au retour humanitaire ». Ce dispositif, piloté par l’OFII (Office Français de l’immigration et de l’intégration), prévoit le versement de 300 euros par adulte et 100 euros par enfant si la personne accepte de rentrer « volontairement » dans son pays.
 Depuis le mois de septembre, c’est au moins le quatrième départ en avion pour Bucarest : une centaine était partie le 20 Septembre et une autre centaine le 14 octobre ; puis 142 le 25 novembre.

A chaque fois, c’est le même scénario. L’OFII donne rendez-vous aux candidats au retour, essentiellement des Roumains, à 7 heures quai Perrache (Lyon 2e), juste avant la bretelle d’accès à l’autoroute pour l’aéroport. Les deux ou trois cars arrivent, les policiers et les employés de l’OFII relèvent les noms. En une heure tout le monde est dans le véhicule qui peut alors partir, escorté par deux motards.

Cette accélération de la politique de distribution de l’ »aide au retour volontaire ou humanitaire » est une volonté du ministre de l’Intérieur Claude Guéant qui, dans une note du 1er septembre 2011, a demandé que « ce dispositif soit mieux utilisé afin d’atteindre le nouvel objectif de 30 000 mesures d’éloignement ».

Il faut le préciser, ces « retours volontaires » sont comptabilisés parmi les chiffres des expulsions que Nicolas Sarkozy ne manquera pas d’afficher comme une victoire sur l’immigration irrégulière au tournant de l’année 2012. Mais ces chiffres auront du mal à cacher un système en réalité absurde, dans lequel les Roumains, ressortissants européens, partent et reviennent dans un éternel cycle.

1/ Ce n’est qu’un au revoir

Depuis sa nomination à la tête de l’OFII en septembre, Arno Klarsfeld est parti en tournée pour défendre la politique de Claude Guéant. Vendredi 16 décembre, il était à Lyon pour affirmer que les « retours volontaires », particulièrement de Roms, constituent « la moins mauvaise des solutions qui est digne » (Sic) :

« la France ne peut accueillir les Roms en les logeant, en leur fournissant tous les avantages sociaux s’ils ne sont pas en situation régulière. Il ne peut pas y avoir de transfert de population d’un pays pauvre vers la France qui est déjà en situation de crise ».

Le problème pour Arno Klarsfeld est que de nombreux Roms, que nous avons rencontrés lors de ces départs en vol charter, promettent de revenir. Ils en ont le droit puisqu’ils sont citoyens européens. Eu égard à leur situation en Roumanie, ils considèrent qu’il y a plus d’opportunités en France, comme cet apiculteur croisé en novembre dernier :

« Je rentre pour les mauvais jours car ici je dors dehors. Mais après je vais retenter le coup ».
Il montre des copies des pages jaunes : « Je vais démarcher toutes ces personnes ».

Arno Klarsfeld n’en a cure. Il promet qu’avec le fichier, nommé « Oscar », qui recense les données biométriques des immigrés qui ont bénéficié de l’ »Aide au retour humanitaire », personne ne peut toucher deux fois l’aide au retour.

 

2/ Effet d’aubaine ?

Ce mardi, alors qu’elles allaient prendre le car pour l’aéroport, nous avons croisé des personnes présentes en France depuis environ un mois. Auparavant, elles étaient à Genève pour toucher les 300 euros. Pourtant, seules les personnes qui sont en France depuis plus de trois mois peuvent prétendre à l’ »aide au retour humanitaire ». Mais cette condition n’est en fait que « déclarative », nous a confié un agent de l’OFII.

Ce sentiment que l’ »Aide au retour humanitaire » est distribuée aveuglément pour remplir les charters, et faire du chiffre, commence à faire son chemin dans le milieu associatif. Même si personne ne veut en parler ouvertement.

Une chose est sûre, à chaque départ, alors qu’ils sont au quotidien dans les squats et bidonvilles, les militants associatifs présents sur place ont expliqué qu’ils ne connaissaient qu’un dixième de ces personnes en partance pour la Roumanie.
Il est difficile, toutefois, de faire la part des choses entre des personnes qui vivent cachées de peur d’être expulsées et des personnes inconnues parce qu’elles ne passent que quelques semaines en France pour toucher les 300 euros.
Interrogé sur le sujet, Arno Klarsfeld considère que le  phénomène est « marginal ».

 

3/ Précariser pour mieux convaincre de l’ »Aide au retour humanitaire »

La dernière absurdité de cette politique du chiffre a été soulevé par les militants associatifs et par le Comité européen des droits sociaux. Cette instance du Conseil de l’Europe a conclu le 10 novembre que ces retours dits « volontaires » ont en pratique déguiser des retours forcés sous la forme d’expulsions collectives :

« L’acceptation notamment d’une aide financière révèle une « situation de grande précarité » ou une « situation de dénuement » où l’absence de liberté économique comporte un danger pour la jouissance effective de la liberté politique d’aller et de venir ».

Arno Klarsfeld balaie d’un geste de la main ce rappel à l’ordre du Conseil de l’Europe :

« C’est une vision partisane des choses. Ce ne sont pas des départs groupés où les gens sont contraints. Ils ont touché 300 euros et repartent sans contrainte, frais d’avion payés vers leur pays natal. Je ne vois pas où ça heurte la morale ».

Puis viennent les arguments-massues du président de l’OFII pour justifier cette politique de « retours volontaires » :

« La plupart n’essaye pas de s’intégrer. Peu mettent leurs enfants à l’école. Ils ont un style de vie qui fait qu’ils vivent en marge.(…) Vous n’allez pas faire passer une partie de l’Europe orientale, en France, pour les loger prioritairement devant les Français ou les étrangers en situation régulière. Ce serait extrêmement mal ressenti ».

Des propos du même tonneau que ceux prononcés, le 3 octobre, à Bucarest et répétés à Tourcoing, quelques semaines plus tard :

« J’ai vu des familles de huit enfants qui vivent dans une pièce. Ce n’est pas bien. On ne fait pas huit enfants quand on n’a qu’une pièce. Après, les chefs des mafias viennent et disent : tu vas m’en donner deux pour aller mendier ou faire le trottoir ».

En 2010, il y a eu 912 « retours volontaires » au départ de Lyon. Pour 2011, il devrait y en avoir bien plus : rien que de septembre à décembre, selon l’OFII, 500 personnes ont été pris en charge par l’ »aide au retour humanitaires » (dont 324 roumains).

 


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