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La réforme territoriale ira-t-elle jusqu’au bout?

Présidée par le préfet du Rhône, la commission tenant les ciseaux du redécoupages des intercommunalités a rendu sa copie le 6 décembre. Les collectivités doivent maintenant se prononcer, et le préfet tranchera avant juin 2013. Entretemps, les élections auront eu lieu et la gauche n’a jamais caché son intention de faire un sort à la réforme territoriale, dont ces regroupement constituent la première pierre…

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La préfecture du Rhône a publié le 6 décembre la carte issue des propositions de la CDCI (commission départementale de coopération intercommunale): PDF ci-joint.

Les collectivités doivent maintenant se prononcer sur cette proposition de redécoupage, qui fait passer les EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) du département de 23 à 15.

Sans pour autant revenir sur les débats qui ont marqué les travaux de la CDCI, on peut remarquer que Quincieux rejoint la Courly (communauté urbaine de Lyon), qu’Amplepuis-Thizy fusionne avec le Haut-Beaujolais et la haute vallée de l’Azergues, mais qu’en revanche la communauté de communes du Pays de L’Arbresle reste inchangée. D’ailleurs, les ciseaux de la CDCI épargnent le flanc sud-ouest du département.

Le Beaujolais intercommunal nouveau est arrivé…

Le remodelage le plus marqué concerne les secteurs de Villefranche-sur-Saône et d’Anse. Ces villes se retrouvent au centre de deux ensembles, Beaujolais-Nizerand-Morgon – Beaujolais-Vauxonne, et Beaujolais-Val-d’Azergues -Monts-d’Or-Azergues – Beaujolais-Saône-Pierre-Dorée – Bois-d’Oingt. Le premier empiétant un peu sur le second, au niveau de Jarnioux et Liergues. Il récupère également la commune de Jassans-Riottier, située dans l’Ain.

L’objectif de la réforme est entre autres de boucler la carte de l’intercommunalité. En d’autres termes, faire adhérer les dernières communes « isolées » à un EPCI. C’était l’une des propositions, la N°4, de la commission Balladur, chargée en 2009 de réfléchir à une nouvelle gouvernance des collectivités locales.

Cette carte, et ses alter ego des autres départements, constitue le premier étage de la fusée de la réforme des collectivités locales.

Un super-élu qui surgit du fond de la réforme

Vous avez aimé les discussions sur le redécoupage des EPCI? Vous adorerez celles portant sur le remodelage des cantons. C’est la prochaine étape, et elle a fait pas mal ferrailler la représentation nationale, que ce soit à l’Assemblée ou au Sénat.

Rappelons que ce remodelage sera provoqué par la création du conseiller territorial, super-élu pouvant siéger à la fois au conseil général et au conseil régional. La loi du 16 décembre 2010, consolidée au 28 juillet 2011 (détails ici), prévoit leur attribution au prorata de la population de chaque département, avec un plancher de 18 élus, ce qui correspond à l’effectif actuel du conseil général du Territoire-de-Belfort.

Au delà de l’institutionnalisation du cumul des mandats, sur laquelle on peut légitimement s’interroger, cette mesure va faire grincer pas mal de dents. Cartes à l’appui.

Un nouveau carroyage des départements?

Nombres d'élus au conseil général après la réforme, par rapport à la situation actuelle (base 100). Source: Journal officiel

La carte ci-dessus compare le nombre de conseillers territoriaux, prévus par la loi, à celui des conseillers généraux actuels. Elle reflète le système que le gouvernement a voulu mettre en place: des circonscriptions électorales définies non plus de façon géographique, comme les cantons ruraux actuels, mais démographique. Si on va jusqu’au bout de cette logique, même la Loire, qui élira exactement le même nombre de conseillers qu’avant la réforme (notre base 100), devrait être redécoupée.

Rien n’est moins sûr, tant l’exercice s’annonce difficile et conflictuel. A côté, les arbitrages quelquefois douloureux sur les EPCI passeront pour d’aimables discussions. Il s’attirera inévitablement les critiques des élus des départements les moins peuplés, comme l’Ardèche, la Savoie, la Drôme et l’Ain, mais aussi de l’Isère. Abritant pourtant moins d’habitants, la Haute-Savoie gagne cinq élus, ce qui s’explique par la superficie importante de certains de ses cantons (Chamonix-Mont-Blanc, Thônes…). Exigu et densément peuplé, le Rhône gagne logiquement 14 sièges.

A la lecture de cette carte, on peut aussi soupçonner l’entourloupe partisane. D’autant plus que la distribution des sièges par département est une véritable coproduction gouvernement-UMP, comme le reconnaissaient François Fillon et Jean-François Copé en mai 2010 (Le Figaro). En effet, tous les départements ayant un conseil général à gauche voient leur représentativité abaissée.

Mais, si tripatouillage électoral il devait y avoir, il serait forcément limité, voire-même contrarié. La logique démographique (si elle est respectée) voudrait que les nouvelles circonscriptions soient taillées en zone urbaine. Souvent une aubaine pour la gauche, comme l’ont démontré une bonne partie des créations de cantons dans le Rhône sous la Ve République: Bron, Lyon XIII, Villeurbanne Nord et Sud en 1964, Meyzieu et Saint-Symphorien-d’Ozon en 1970, Rillieu-la-Pape en 1973, Oullins en 1976, Décines-Charpieu, Vénissieux Nord et Sud, et Villeurbanne-Centre en 1982, Saint-Fons en 1985, Lyon XIV en 2001. Le dernier exemple en date restant celui des Bouches-du-Rhône, sur lesquels la droite pensait, en vain, mettre la main en 2004 après le redécoupage des cantons de Marseille et d’Aubagne.

Bref, respecter l’esprit et la lettre de cette réforme, c’est imposer un nouveau carroyage des départements, un peu comme ce qui a été fait entre la Révolution et l’Empire.

Déménager ou pousser les murs?

Nombres d'élus au conseil régional après la réforme, par rapport à la situation actuelle (base 100). Source: Journal officiel

Cette seconde carte reprend le même principe que la première, cette fois par rapport au conseil régional. On est cette fois dans l’inflation, même si à peu près les mêmes disparités sont constatées.

Elle semble démontrer que la droite donne à la gauche la justification du déménagement, réputé coûteux, de l’assemblée régionale de Charbonnières-les-Bains à la presqu’île lyonnaise. Avec 299 conseillers territoriaux siégeant comme élus régionaux, contre actuellement 157 conseillers régionaux il aurait fallu pousser les murs…

L’argument des économies d’échelle en prend donc un sacré coup… en ces temps difficiles, ce n’est pas anodin.

Par ailleurs, ces effectifs démontrent que cette réforme affaiblit de fait les départements au profit des régions. Certes, les élus sont là pour représenter les électeurs, mais ils détiennent également une part de pouvoir exécutif, à travers les vice-présidences et les commissions. La nature ayant horreur du vide, ce différentiel d’effectifs sous-tendra des transferts de compétences. Il est également possible qu’ici et là cette inflation de sièges n’accouche d’armées mexicaines…

Vouloir renforcer les régions est un projet tout à fait respectable et viable, même au détriment des départements. Mais, les tensions entre départementalistes et régionalistes étant ce qu’elles sont, il a fallu arriver à cette cote mal taillée pour satisfaire les deux sensibilités…

L’édifice s’avère donc pas exempt de critiques. Il est surtout fragile. La création de métropoles, qu’il prévoit, pourrait par exemple, de fait, diviser le Rhône en deux parties: le Grand Lyon et le reste… La dentelle territoriale du Beaujolais, évoquée plus haut, ne pèserait alors pas lourd.

Mais le risque le plus sérieux demeure pour lui… la gauche. Le PS n’a jamais caché qu’il ferait un sort à la réforme territoriale s’il gagnait la présidentielle (et les législatives, ne l’oublions pas…) de 2012.

Reste à savoir, s’il tient promesse, s’il en fera table rase, la videra de sa substance ou l’amendera.

 

Emmanuel SAINT-BONNET


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