Chaque hiver, la tension et l’attention grimpent autour des sans-abri. Pour ce Plan Froid 2010/2011, les associations et syndicats engagés dans la cause des sans-abri avaient bon espoir de ne pas voir se reproduire le scénario de l’hiver dernier où très peu de places supplémentaires d’hébergement d’urgence avaient été ouvertes. Résultat, les SDF vivaient au rythme des ouvertures et des fermetures de gymnases. En octobre dernier, le préfet du Rhône, Jean-François Carenco, arrivé depuis un an à Lyon, l’avait en effet annoncé : pas de recours aux gymnases mais l’ouverture de 650 places d’hébergement. Progressivement, avait-il ajouté.
« Toutes les places doivent être ouvertes immédiatement »
Trop progressivement, ont jugé ces associations et syndicats qui, après un rassemblement le 10 novembre, une lettre ouverte* au préfet, et une conférence de presse, claironnent que les 402 places supplémentaires actuellement ouvertes ne suffisent pas. « Il faut ouvrir l’ensemble des 650 places promises car des centaines de personnes dorment à la rue », disent-ils. Pour justifier cette requête, associée à une demande de rendez-vous, ces organisations citent les chiffrent du 115, le numéro à appeler pour trouver un hébergement d’urgence. Le 13 décembre dernier, 376 personnes n’avaient pu trouver de places. Ce sont les « sans solution ».
Réponse du préfet : « je n’irai pas plus loin » pour le moment
Comme à son habitude, à la lecture du Progrès où étaient reproduits de larges extraits de la lettre ouverte, le préfet a vivement réagi, cette fois-ci en envoyant aussi sec un communiqué de presse dans lequel il précise deux éléments :
- « L’ouverture des places supplémentaires s’effectue progressivement (…) alors même qu’il n’y a pas d’obligations légales. La totalité des places supplémentaires sera déployée en début d’année.
- A ce jour, le préfet n’ira pas plus loin car il n’y aucune nécessité. Les appels sans suite au 115 ne sont pas tous en provenance de personnes à la rue. »
Les travailleurs sociaux réagissent aussi vivement que le préfet
Depuis deux ans, les salariés des structures d’hébergement et des maraudes se sont regroupés au sein d’un collectif, le Réseau des professionnels de l’urgence sociale, pour demander l’application du droit à l’hébergement tel qu’énoncé dans la loi MOLLE du 25 mars 2009 qui prévoit que « Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence ».
Contacté par Rue89Lyon, Nasser Nouari, salarié d’une équipe mobile qui va à la rencontre des SDF a tenu à préciser :
« Certes aucune loi n’oblige le préfet à ouvrir des places d’hébergement mais la loi oblige à héberger toute personne qui en fait la demande. C’est cette loi-là qui n’est pas respectée ».
Un autre membre du collectif, Baptiste Meneghin, précise :
« Les personnes « sans solution » du 115 ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Il y a au moins trois fois plus de personnes qui dorment à la rue, en squat ou dans une voiture. Mais découragées, elles ne font même plus appel au 115. Est-ce que, pour le préfet, ça compte comme des solutions d’hébergement dignes ? »
Et puisque le préfet refuse de recevoir les organisations à l’origine de la lettre ouverte, les travailleurs sociaux de l’urgence sociale invitent le préfet à venir avec eux pour lui montrer les personnes qui dorment dans la rue.
*La lettre ouverte au préfet du Rhône a été signée par les organisations suivantes : CGT69, CFDT69, FSU69, Solidaires69, UNSA69, Alpil, CLASSES, Les Enfants de Don Quichotte Lyon, FCPE Gilbert Dru, FCPE Rhône, FNARS Rhône Alpes, Fondation Abbé Pierre, Les Indigné-es, Ligue des Droits de l’Homme Fédération Du Rhône, RESF, Réseau des Professionnels de l’urgence sociale, Réseau Personne Dehors, Resovigi

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