Les municipales se joueront-elles sur la place Bellecour ? La réflexion pourrait prêter à sourire. N’empêche qu’elle est à prendre au sérieux quand on connaît l’importance historique et symbolique de la place centrale de Lyon. Ce mardi 12 novembre, les exécutifs de la Ville et de la Métropole de Lyon étaient attendus au tournant pour présenter l’œuvre qui va la recouvrir. Objectif : répondre aux attentes formulées dans le cadre du budget participatif.
Résultat : des chevalets, hauts et larges de 6,50 mètres, vont traverser la plus grande place de Lyon pour créer de l’ombre et des lieux de repos. Des brumisateurs seront installés pour rafraîchir les passants durant la période estivale. Cette œuvre monumentale sera intitulée « Tissage urbain », en référence au passé canut lyonnais.
Les habitant·es pourront cheminer sous ces éléments, avec de longs voiles, pour profiter d’un peu d’ombre. « On est sur quasiment 500 mètres de linéaire et 1500 m² de voile, appuie Tristan Israël, architecte du projet. Cela fera à peu près 1500 m d’ombre. Un peu plus avec le soleil couchant… »
À Lyon, une œuvre, mais toujours pas d’arbres sur la place Bellecour
Car l’objectif est bien là : que Bellecour ne soit plus « une place que l’on traverse », pour reprendre le maire, mais où l’on s’arrête. Un défi de taille pour l’une des plus grandes places piétonnes d’Europe, connue pour être une fournaise en été.
L’œuvre éphémère sera installée en juillet 2025. Les équipes de la Métropole (en charge de la place) et de la Ville l’ont joué prudent. Ce projet ne doit rester que cinq ans, pour l’instant. Il pourrait être démonté et déplacé ensuite, vers d’autres secteurs de la ville. Coût de l’opération : 1,5 millions.
« Ce n’est qu’une première étape », note Grégory Doucet (EELV). À terme, une Voie lyonnaise (piste cyclable élargie), doit passer rue de la Barre (Lyon 2e), au nord de Bellecour. « Le tout s’inscrit dans le projet presqu’île à Vivre, commente Béatrice Vessilier (EELV), vice-présidente pour la Métropole de Lyon, en charge de l’urbanisme. Il viendra avec la plantation de 1000 arbres sur la rive droite.
Quid de la « végétalisation » de la place plébiscitée par les habitant·es dans le budget participatif ? Il faudra attendre un peu. La Ville a lancé une étude pour un projet de végétalisation en « strate basse » au nord de la place, qui sera livrée en 2026. Si ce n’est une « végétalisation » qui va parcourir l’œuvre, la nature n’a pour le moment qu’une place encore réduite dans le projet.
Bellecour : la place qui sera au cœur des débats à Lyon
Sans surprise, le projet a suscité des réactions à droite… comme à gauche. L’ancienne maire du 1er (et ex-adjointe de Grégory Doucet), Nathalie Perrin-Gilbert (Lyon en commun) a regretté ce manque d’arbre et d’ambition. Chez nos confrères de Tribune de Lyon, elle critiquait « un projet qui se substitue à un véritable geste architectural et paysager. »
Celle qui se montre un peu partout à Lyon en ce moment, même à des réunions publiques dans le 8e arrondissement, loin de ses terres, marque encore ses distances avec ses anciens associés écologistes.
C’est cette dernière prise de position qui l’a sans doute forcée à se mettre en retrait de ses groupes politiques à la Ville et à la Métropole (Lyon en commun et Métropole en commun). Alors que plusieurs élus LYEC font toujours partie de l’exécutif avec les Écologistes, les multiples critiques de Nathalie Perrin-Gilbert ont de nouveau fragilisé cette alliance.
À droite, Pierre Oliver (LR) a lui aussi attaqué un projet « déconnecté des Lyonnais », allant même jusqu’à dénoncer une installation qui « [encouragerait] squat et trafic de drogue sous les fenêtres des habitants ». Le leader de la droite lyonnaise a ainsi demandé un débat sur le sujet lors du prochain conseil municipal. Chose qu’a refusé Grégory Doucet. « Le principe même du budget participatif, c’est de donner du pouvoir aux Lyonnais et aux Lyonnaises », a répondu le maire de Lyon.
Pour lui, « refaire le débat », ce serait « trahir ce moyen d’expression démocratique ». Une manière, au passage de mettre en avant sa méthode, se voulant plus proche des habitants. Autant de piques à distance qui devraient alimenter le conseil du jeudi 14 novembre. Notamment. Il est en effet fort à parier que les péripéties autour de l’œuvre du « cœur vibrant de Lyon » alimentent les échanges et les débats jusqu’aux prochaines municipales, en 2026.
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