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Encadrement des loyers : à Lyon, du mieux… Mais il reste du chemin à faire

En test à Lyon et dans la métropole depuis 2021, l’encadrement des loyers est mieux respecté. Mais il est mis à mal par des « stratégies de contournement » des propriétaires, comme le démontre l’enquête de la Confédération syndicale des familles (CSF). Avec des chiffres qui s’écartent fortement des résultats de la Métropole. On fait le point.

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Vue de Lyon depuis le jardin des Curiosités (5e). ©Andréa Blanchin/Rue89Lyon
Vue de Lyon depuis le jardin des Curiosités (5e).

Il est toujours aussi difficile et coûteux de se loger à Lyon. Pour pallier au problème, la Métropole de Lyon teste depuis le 1er novembre 2021 le dispositif d’encadrement des loyers. Sauf s’il est prolongé, il prendra fin en novembre 2026.

Trois ans plus tard, le bilan est mitigé.

Une amélioration de l’encadrement des loyers…

Dans sa deuxième enquête sur l’encadrement des loyers et les annonces publiées à Lyon et à Villeurbanne, la Confédération syndicale des familles de la métropole de Lyon et du Rhône (CSF) note que les plafonds de loyers sont mieux respectés. L’association indique que 37 % des loyers sont conformes à l’encadrement. En 2023, elle en décomptait 17,90 %. Une augmentation de 20 points en un an.

En ce sens, la CSF rejoint (très) légèrement la Métropole de Lyon en indiquant une « amélioration » sur certains points. Clairement, cet « accord » s’arrête là, le dispositif n’est encore pas totalement effectif.

…Mais loin des résultats annoncés par la Métropole pour la CSF

« La situation reste insatisfaisante et le rapport de force entre locataires et propriétaires est encore trop déséquilibré », regrette Tennessee Garcia coordinateur de la CSF.

La Métropole de Lyon a elle fait état, lors d’une conférence de presse organisée le 2 octobre, d’un « bilan positif témoignant d’une montée en puissance » du dispositif. Mais, comme l’année dernière, les chiffres communiqués par la collectivité diffèrent de ceux transmis par des associations de défense des locataires comme la CSF.

Dans le détail, la Métropole s’appuie sur les données de la fondation Abbé-Pierre qui indique dans son quatrième baromètre de l’encadrement des loyers un taux de 29 % de non-conformité. C’est tout l’inverse des chiffres données par la CSF. Dans l’enquête, l’association note que seuls 37 % des loyers sont conformes à l’encadrement, soit 63 % de non-conformité !

La différence ? La prise en compte, ou non, des contournements

En cause, des méthodologies différentes. Là où la fondation Abbé Pierre s’est appuyée sur l’intelligence artificielle pour consulter les offres, la CSF a étudié 2 192 annonces de logement à louer, publiées entre le 12 mai et le 12 juin 2024 sur différentes plateformes, par des professionnels ou des particuliers.

La différence entre les résultats vient également de l’augmentation importante du recours au complément de loyer, surtout par les professionnels. La CSF constate une augmentation de 6,5 % par rapport à 2023. Pour Tennesse Garcia, c’est le « point noir » de cette enquête. La CSF ne « s’attendait pas à une telle explosion », lâche-t-il.

Pour résumer, il est considéré comme non conforme par la CSF : les compléments ajoutés à des loyers qui sont déjà au dessus du plafond et ceux ajoutés à une « passoire énergétique » (un logement dont le diagnostic de performance énergétique va de E à G), ce qui est interdit. Mais, l’association ajoute également les loyers qui sont en dessous du plafond, mais… Qui le dépassent après l’ajout de compléments de loyer.

Or, la Métropole ne prend pas en compte ce dernier cas dans les chiffres annoncés. « La loi n’est pas toujours très claire, mais, cela, elle l’écrit noir sur blanc », rappelle Tennesse Garcia. L’article 140 de la loi Elan de novembre 2018 dispose qu’un « complément de loyer ne peut être appliqué à un loyer de base inférieur au loyer de référence majoré ». En clair : il faut que le loyer atteigne le plafond pour pouvoir ajouter des compléments de loyer.

Des compléments parfois « astronomiques »

La question de ces surplus est d’autant plus problématique qu’ils doivent, en temps normal, relever d’un caractère exceptionnel. Toujours selon l’article 140 de la loi Elan : l’ajout d’un complément de loyer doit être justifié par des « caractéristiques de confort ou de situation », par « comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique ».

Pour la CSF, c’est un « point flou de la loi ». Dans son enquête, elle explique qu’il est ainsi possible de considérer qu’avoir une terrasse, un balcon ou un garage est une « caractéristique de confort ».

En plus d’être souvent appliqués à tort, ces compléments peuvent atteindre des « montants astronomiques », déplore la CSF. Elle relève le cas d’un appartement (T5) proposé par un professionnel dans le 4ème arrondissement de Lyon avec un complément de 1 117,76 euros par mois.

Des « propriétaires qui s’organisent pour contourner » l’encadrement des loyers

« On a des propriétaires qui s’organisent pour contourner l’encadrement des loyers autant qu’ils le peuvent », dénonce alors Tennesse Garcia de la CSF.

Autre cas trompeur selon lui : les colocations. Pour respecter le dispositif, c’est le montant global du logement qui ne doit pas dépasser le plafond. Autrement dit, la somme des différents loyers payés par les colocataires. « Ce n’est quasiment jamais respecté », constate Tennessee Garcia. Il est plus difficile de rappeler le propriétaire à l’ordre et de faire appliquer la règle car cela implique que « les colocataires se parlent entre eux pour savoir ce que paient les autres ».

Par ailleurs, pour la CSF, certains contournent l’encadrement des loyers en présentant les logements comme du « coliving », des colocations avec services et aux loyers élevés. Non éligible à l’encadrement des loyers, aucun montant plafond n’est donc à respecter. « Pourtant, les ‘services proposés’ correspondent principalement à des équipements obligatoires pour un logement meublé, comme un canapé, un lit, un matelas, du linge de lit, de la vaisselle et des ustensiles de cuisine », note la CSF.

Encadrement des loyers : faire respecter la loi

Pour la CSF, il faut davantage contester les situations illégales devant les tribunaux. Plus il y aura de décision de justice qui rappellent les propriétaires à l’ordre, « plus ça donnera le courage à d’autres de contester », estime Tennessee Garcia. « On peut gagner dans beaucoup de cas, mais il faut que ça se généralise. Il n’y a que ça qui puisse faire reculer les propriétaires dans leurs pratiques », poursuit-il.

Sur ce point, le coordinateur de l’association dresse un bilan positif du dispositif de l’encadrement des loyers avec le nombre d’actions en justice intentées. Des systèmes de mise en demeure administrative et des amendes sont mis en place après signalement auprès des services de la Métropole de Lyon. Dans certains cas, les locataires peuvent ainsi être remboursés des loyers trop-perçus.

Selon les chiffres communiqués par la Métropole, 184 signalements ont été reçus en deux ans, dont 134 en 2024, 95 % des procédures de mise en demeure administrative ont conduit à une régularisation du bail et à la restitution du trop-perçu aux locataires. En tout, ce sont près de 200 000 euros qui ont été remboursés.

Pour arriver à ces résultats, « les locataires ont besoin d’accompagnement et d’information », conclut Tennessee Garcia. La mission que s’est justement donnée la CSF.


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