C’était un deal qui faisait office de « test » et d’expérimentation. Depuis décembre 2022, la maison du 110 avenue Berthelot (Lyon 7e) était habitée par une trentaine de personnes sans-abri. Or, en mai dernier, ces « squatteurs » avaient trouvé, à Lyon, un accord avec le propriétaire des lieux, ICF Habitat Novédis, une filiale « logement » de la SNCF. Une histoire atypique que nous vous racontions en exclusivité.
Chapeautée par la mairie du 7e, une réunion avait abouti sur l’engagement des squatteurs d’un départ des lieux à la mi-septembre 2024. En échange, le propriétaire assurait, lui, ne pas tenter de les expulser d’ici là. Une initiative qui faisait un joli pied de nez à la loi « Kasbarian-Bergé ».
Ce mardi 17 septembre, les derniers occupants sont donc partis au petit matin, sans résistance. « Les clefs sont chez Habitat et Humanisme », reprend Boris Miachon-Debard (PCF), adjoint à la mairie du 7e, en charge de l’urbanisme.
Avant ce début de semaine, ils étaient encore une douzaine à y vivre. Dans un contexte tendu en terme d’hébergement d’urgence, saturé, l’élu se « félicite » du fait que les propriétaires et habitants aient tenu parole, sans fanfaronner. « Au moins, on a montré que quand il y a de la dignité dans l’échange, tout le monde peut tenir parole », commente-t-il.
À Lyon, des squatteurs sans solution… Tente de trouver un nouveau lieu
Du côté de l’association Droit au logement (Dal) 69, le bilan est plutôt amer. « On va pas cracher dessus, c’était mieux que rien, commente Pierre Delivet, membre du Dal. Mais on a quand même l’impression que l’on se moque un peu de nous ».
Certes, les habitants ont obtenu un répit. Et, contrairement à l’habitude, il n’y a pas eu d’interventions des forces de l’ordre au 110 avenue Berthelot. Tout le monde est parti de son propre chef, sans contrôle de police. Reste que, les occupants se retrouvent de nouveau à la rue.
Pour cette raison, ce départ a été couplé à une nouvelle tentative d’occupation. Une maison appartenant à la mairie, rue Grignard (Lyon 7e), a été rapidement occupée par les habitants. Mais, très vite, la police nationale est intervenue sur place. Les sans-abri ont vite quitté l’endroit.
« Cet édifice est en très mauvais état », veut faire valoir Boris Michadon-Debard (PCF). L’élu met en avant des raisons de sécurité. Il indique également que ce bâtiment devrait devenir avoir une fonction dans le domaine de la « santé », prochainement. Une réponse qui irrite les militants du droit au logement. « À chaque fois, on nous assure qu’il y a un projet social derrière », râle Pierre. N’empêche, avant l’occupation, il observe que les bâtiments sont vides depuis longtemps.
Un « modèle à la lyonnaise »… Qui n’empêche pas d’autres interventions
Le collectif a bien conscience que ces questions ne relèvent pas uniquement de la Ville, ou même de la Métropole. C’est l’État qui est en charge de l’hébergement d’urgence des personnes sans-abri. Néanmoins, le Dal appelle les collectivités locales à réagir.
« On comprend la Ville et la Métropole quand ils disent que l’État ne fait pas son travail. Certes, c’est vrai. Mais, avec un gouvernement se tournant de plus en plus à l’extrême droite, on peut être sûr qu’il ne le fera pas non plus demain, lâche-t-il lucide. Il faut choisir son camp. Il y a quand même des choses à faire. »
Côté Ville, on remet en avant l’éternel jeu des « compétences ». « On n’a juste pas le budget pour ça », rappelle l’élu. Malgré les difficultés, il se félicite d’un premier « deal » qu’il espère voir se reconduire.
« On a fait un modèle lyonnais, avec un caractère humain », note-t-il, paraphrasant (de façon adaptée) les mots de l’ancien maire de Lyon, Gérard Collomb. À l’heure de la crise de l’hébergement d’urgence, il espère que cela donnera des idées à d’autres groupes privés.
Les collectifs, eux, aimeraient plutôt qu’on se tourne vers une mise à disposition du bâti municipal et métropolitain. Dans certains cas, la mairie pourrait faire valoir son droit de police pour héberger des personnes dans des lieux vacants. Pourquoi pas de l’État d’ailleurs. Et pourquoi ne pas faire valoir le risque d’un potentiel trouble à l’ordre public du sans-abrisme ? « On voit qu’ils [les collectivités, ndlr] sont en conflit avec l’État. Maintenant, autant le montrer », commente le militant.
D’autant que la situation, déjà catastrophique, ne va pas aller en s’arrangeant. Depuis plusieurs semaines, le squat situé Rue Neyret (Lyon 1er) peut être expulsé d’un instant à l’autre. À partir des 25 et 26 septembre, les habitants de deux lieux rue Dedieu (Villeurbanne) et rue de Bourgogne (Lyon 9e) pourront également être mis dehors. Alors que l’automne s’annonce, les interventions des forces de l’ordre, avant le début de la trêve hivernale, pourraient s’intensifier. À l’heure où les tentes s’accumulent à Lyon, cela n’a rien de rassurant.
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