Jusqu’au bout, il a consacré sa vie à la politique. Atteint d’un cancer de l’estomac, qu’il avait lui-même annoncé en 2022, Gérard Collomb est mort à l’âge de 76 ans, samedi 25 novembre. L’annonce du décès de l’ancien maire de Lyon (de 2001 à 2017 puis de 2018 à 2020) a suscité une vague d’émotion bien au delà des frontières de sa baronnie.
Après sa défaite aux élections municipales et métropolitaines de 2020, on pensait que Gérard Collomb allait pratiquer la voile ou que, lui, l’agrégé de lettres classiques, allait apprendre le latin à ses plus jeunes enfants.
Mais il a préféré siéger sur les bancs de l’opposition pour dénoncer le « péril vert » et défendre son bilan, comme s’il ne pouvait quitter une ville, « sa » ville, qu’il a modelée durant une vingtaine d’années.
Même malade, il a continué à distiller ses diatribes anti-écolos. Car il voulait qu’on retienne de lui le maire bâtisseur, celui de la skyline de la Part-Dieu et celui de quartiers entiers sortis de terre, à Confluence, Gerland, Vaise ou la Duchère.
Gérard Collomb, seul maître à Lyon
Gérard Collomb a endossé le costume du baron sur le tard. Profitant des divisions de la droite, il devient maire de Lyon par accident en 2001, après avoir stagné dans l’opposition. Celui qui se traîne jusque là une réputation de looser au PS, coupe la moustache et se met dans les pas de Raymond Barre, qui avait pris la ville en 1995 sur demande de Jacques Chirac.
À la tête du Grand Lyon, Gérard Collomb va creuser ce que lui-même a théorisé comme le « modèle lyonnais ». Sur le plan politique, c’est une majorité qui va des communistes aux petits maires de droite de l’Ouest lyonnais. Sur le plan économique, c’est le tapis rouge déroulé aux acteurs économiques, au premier rang desquels, les promoteurs immobiliers et les mastodontes du service aux collectivités, Veolia, Suez et consorts.
Maire de Lyon et président de la communauté urbaine, il se fait largement réélire en 2008, notamment en gagnant l’arrondissement le plus peuplé, le 3ème, grâce à deux réalisations majeures : le Vélo’V et les Berges du Rhône vidées de leurs voitures. Au passage, il bat un ministre UMP parachuté, Dominique Perben.
En 2014, l’étiquette PS disparaît et c’est la marque « Gérard Collomb » qui prend définitivement le pas. Cette fois-ci, il bat un UMP local, Michel Havard. Sans véritable opposition à droite, Gérard Collomb règne localement sur la majeure partie de la gauche et sur le PS, dont il s’éloigne pourtant de plus en plus.
Connu pour ses coups de sang homériques et ses épisodes dépressifs, Gérard Collomb fait et défait les carrières politiques de tout le PS local qui est dirigé non pas par la Fédération du Rhône mais par le cabinet du maire. Seul Jean-Jack Queyranne, depuis la présidence de la Région Rhône-Alpes, parvient, non sans mal, à mener sa barque.Tel Cronos qui dévore ses enfants, Gérard Collomb coupe systématiquement les têtes qui dépassent. Les maires d’arrondissement et les adjoints sont réduits aux rôles de subalternes. Les décisions se prennent, toujours, au cabinet.
Gérard Collomb et le bras d’honneur au PS
Tout puissant à Lyon, Gérard Collomb n’a jamais réussi à peser au sein de la direction nationale du PS. Partisan de Dominique Strauss-Kahn, il n’est pas retenu comme ministre quand François Hollande est élu président de la République en 2012. Mais c’est son ancienne collaboratrice, Najat Vallaud-Belkacem qui est nommée. Vexation.
Le maire de la troisième ville de France l’a bien rendu à François Hollande, en torpillant l’accord pour les législatives de juin 2012. Ce fut l’un des épisodes les plus hauts en couleur de la politique locale de ces vingt dernières années. Dans la 1ère circonscription, les Verts obtiennent l’investiture et envoient le pédagogue Philippe Meirieu. En réaction, le maire de Lyon met sur orbite le PRG Thierry Braillard et mouille le maillot en s’affichant constamment auprès de son adjoint aux sports. Au terme d’une campagne très musclée, le candidat de Collomb gagne.
Déjà en opposition frontale à Gérard Collomb, Nathalie Perrin-Gilbert dénonce alors le « système Collomb ». Deux mois plus tard, lors de sa traditionnelle visite de rentrée, Gérard Collomb parade devant les journalistes avec Thierry Braillard, le couvrant de superlatifs. Une idylle qui durera jusqu’à la nomination de son poulain au poste de secrétaire d’Etat au sport. Une fois de plus, Lyon ne doit compter qu’un homme fort : Gérard Collomb.
Jamais sans mon Lyonnais
A la droite du PS, Gérard Collomb soutient parmi les premiers, dans la seconde partie du quinquennat de Hollande, les ambitions d’un jeune ministre de l’économie. Une fois déclaré candidat, Emmanuel Macron reçoit l’appui de la machine Collomb, et fait de Lyon la rampe de lancement de sa campagne présidentielle.
Après la première élection de Macron en 2017, le maire de Lyon est largement récompensé en devenant ministre de l’Intérieur. Il est en outre élevé au rang de ministre d’État. Mais le courant ne passe pas avec le premier ministre Édouard Philippe.
Surnommé « papy facho » dans les couloirs des ministères, il rompt avec Emmanuel Macron quelques mois après l’affaire Benalla et après avoir fait voté « sa » loi, un énième texte restreignant les droits des migrants, dite « loi dite asile et immigration ». Plus tard, il justifiera son départ par son opposition à l’accueil des immigrés sous la forme de « hot spot » décidé sur le plan européen.
Son retour à Lyon s’est réalisé plus difficilement que prévu car les éternels dauphins ont pris, entre temps, leur envol. À la Ville de Lyon, il parvient à récupérer son fauteuil de maire après avoir fait subir au nouveau maire de Lyon, Georges Képénékian, l’humiliation d’une démission signée place Beauvau. Mais à la Métropole de Lyon, la collectivité née en 2015 de la fusion entre la communauté urbaine de Lyon et le département du Rhône, ça coince. David Kimelfeld refuse de lui céder la place.
C’est le début d’une guerre fratricide entre macronistes qui se termine par la défaite des listes Collomb en 2020, aux élections municipales et aux élections métropolitaines, face aux écologistes. Ces élections, ses dernières, matérialisent localement le glissement à droite de l’ancien socialiste. Déjà en délicatesse avec En Marche, il se voit retirer l’investiture après avoir scellé des alliances au second tour avec les listes LR pilotées, de loin, par Laurent Wauquiez.
Barbarin, Mercier, Aulas… et Gérard Collomb
À Lyon, la mort de Gérard Collomb vient marquer la fin d’une époque marquée par les figures du carbinal Barbarin, du président du conseil départemental du Rhône Michel Mercier et le président de l’OL Jean-Michel Aulas. Depuis le début des années 2000, ces trois figures étaient omniprésentes autour de Gérard Collomb. Modèle lyonnais oblige, le franc-maçon Collomb a toujours soutenu le puissant archevêque jusqu’à son départ des suites de l’affaire Preynat.
Foncièrement centriste, le socialiste Gérard Collomb a travaillé main dans la main avec Michel Mercier après l’avoir affronté en 2001. C’est avec cet autre baron local qu’il a créé, sur un coin de table, la Métropole de Lyon. Le premier gagnait en puissance, le second se débarrassait des emprunts toxiques contractés par le Département et pouvait partir par la grande porte.
Quant à Jean-Michel Aulas, il a été supporter de Gérard Collomb, bien que marqué à droite. Le président du Grand Lyon lui a bien rendu en mettant tout son poids dans la construction du grand stade de l’OL, à Décines qui symbolisera le collombisme, un centrisme bâtisseur aux confins du public et du privé.
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