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Charges « abusives » et insalubrité : aux Brotteaux, la colère de locataires de Grand Lyon Habitat

Pour les locataires de la résidence Lalande (Lyon 6e), gérée par Grand Lyon Habitat, la régularisation des charges locatives, estimée « abusive », vient s’ajouter à de nombreux autres problèmes de salubrité. Ils se considèrent délaissé·es et dénoncent l’inaction du bailleur social.

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logement insalubre lyon 6
Des habitant·es de logements sociaux dans le 6ème arrondissement s’indignent de charges locatives excessives au regard de l’insalubrité de leurs appartements.

Le 17 octobre, c’est la douche froide pour Lydia (prénom modifié). Elle reçoit une lettre de Grand Lyon Habitat (GLH), qui gère la résidence de logements sociaux ‘Lalande’ dans laquelle elle vit, aux Brotteaux (Lyon 6e). Comme pour les 18 autres locataires, la régularisation annuelle des charges locatives est tombée. On lui réclame plus de 600 euros. Pour sa voisine, Sarah (prénom modifié), c’est plus de 800 euros. « On s’est retrouvé comme des cons », enrage Lydia.

Ces régularisations « sont cinq à six fois plus chères qu’avant », commente Tennessee Garcia coordinateur à la Confédération syndicale des familles de la métropole de Lyon et du Rhône (CSF), association agréée de défense des locataires. D’après un courrier envoyé par Grand Lyon Habitat que Rue89Lyon a pu consulter, Sarah passe ainsi d’une régularisation de 142,60 euros en octobre 2022, à 825,12 euros en 2023. « Un effort financier considérable », mesure Tennessee Garcia.

L’augmentation des tarifs énergétiques, seule cause de la hausse des charges ?

Pour lui, cette hausse s’explique aussi par une « erreur du bailleur ». Il détaille : « Au printemps dernier, le bailleur a augmenté les charges mensuelles en expliquant que cela éviterait une régularisation importante. »

Preuve à l’appui, Lydia sort de son porte-vue noir, dans lequel elle range soigneusement tout ce qu’elle reçoit de Grand Lyon Habitat, le courrier reçu en mars expliquant cette démarche. Le 24 avril, le bailleur social lui annonce une provision de chauffage portée de 39,45 euros à 55,29 euros par mois. « Il reste difficile d’anticiper précisément les coûts réels de saison de chauffe, malgré le relèvement du niveau de provisions de charges », justifie Grand Lyon Habitat.

L’augmentation des charges locatives par Grand Lyon Habitat devait prévenir une trop forte régularisation annuelle.Photo : MP/Rue89lyon

Contacté par Rue89Lyon, Grand Lyon Habitat répond que la régularisation « est liée à l’évolution exceptionnelle des tarifs de l’énergie en 2022, dépassant largement la protection du bouclier tarifaire mis en place par l’État. » Malgré une baisse de 30 % de la consommation d’énergie entre 2021 et 2022 dans l’immeuble, le bailleur remet en partie la faute sur ses locataires. « Le débit moyen par locataire reste très élevé, ce que nous regrettons », affirme GLH. Tennessee Garcia assure que d’autres logements sociaux gérés par Grand Lyon Habitat seraient concernés par des régularisations de charges très conséquentes.

Reste que, pour faire bonne mesure, le bailleur rencontre, depuis le 6 novembre et jusqu’en 2024, 4 500 locataires de son parc pour « informer sur les éco-gestes et accompagner en cas de difficultés de paiement, face à l’augmentation des prix de l’énergie. »

« Il faut qu’on m’explique quel fioul Grand Lyon Habitat choisit, s’emporte Lydia. Ma mère (logée par un autre bailleur, ndlr) n’a pas eu autant de charges ! »

Comment GLH justifie-t-il ces écarts avec les immeubles possédés par d’autres bailleurs ? Questionné, Grand Lyon Habitat n’a pas répondu sur ce point mais nous a précisé les modalités du calcul. « Nous constatons sur cette résidence une consommation de 110 kWh ep/m2/an, soit approximativement la moyenne de notre parc », ce qui correspond à 1 040 euros de chauffage par logement par an, précise le bailleur.

Des charges « abusives » pour des logements insalubres

« Ma compagne vit ici depuis 20 ans et le chauffage n’a jamais bien marché. Touchez ! », invite un habitant du rez-de chaussée, la main bien à plat sur le chauffage tiède, pourtant tourné au maximum. Ses voisin·es d’en face rapportent des problèmes similaires.

En plus d’un chauffage dysfonctionnel, les appartements sont mal isolés, mal ventilés, rongés par l’humidité, selon nos constations. Les résident·es du 3 rue Lalande ont ainsi du mal à comprendre comment un tel montant de régularisation – parfois deux fois le prix de leur loyer – peut leur être demandé. « Quand j’ai reçu la régularisation j’ai été abasourdie, dégoûtée », s’émeut Lydia, alliant la parole au geste, son visage enfoncé dans ses mains.

« Les locataires vont payer des charges pour une prestation qui n’est pas là », affirme Tennessee Garcia. C’est pourquoi le CSF 69 va demander une ristourne de 50% sur cette régularisation. En attendant, l’association conseille aux habitant·es de demander la mise en place d’un échéancier de paiement auprès du bailleur.

Des appartements mettant en danger la santé des locataires

La situation « la plus grave », selon Tennessee Garcia, reste celle de Sarah. Depuis le palier de son appartement, au premier étage, une odeur dérangeante se dégage. Dans chaque pièce, les coins des murs et les rebords des fenêtres sont noircis de moisissure. La salle jouxtant le salon, surnommée par la locataire « la chambre froide », est dans un état calamiteux.

Chez Sarah, la moisissure attaque les murs de cette « chambre froide », devenue inhabitable.Photo : MP/Rue89lyon

Sarah vit ici avec ses quatre enfants depuis 2011. Les problèmes d’humidité étaient déjà là mais elle nettoyait et repeignait. Il y a un an, en octobre 2022, une importante inondation touche plusieurs appartements de la résidence. C’en est trop pour la mère de famille, qui vient d’apprendre qu’elle est atteinte de fibromyalgie, une maladie caractérisée par des douleurs chroniques, une fatigue intense et des troubles du sommeil. L’humidité ambiante aggrave sa condition. Elle n’a plus la force d’entreprendre des travaux ni de nettoyer la moisissure qui revient inlassablement sur ses murs.

L’expert mandaté par son assurance a conclu, en janvier 2023, que « l’appartement pourrait s’avérer dangereux pour la santé de ses occupants si rien n’était fait dans les plus brefs délais ». D’après Sarah, Grand Lyon Habitat n’a jamais donné suite à ce rapport d’expertise qui leur a été envoyé.

De son côté, le bailleur social reconnaît avoir été « alerté par une des locataires de problèmes importants d’humidité et de moisissures dans son logement. » Toutefois, à lire la défense de Grand Lyon Habitat, la balle était dans le camp de leur locataire : « Un autre logement lui a été proposé et elle l’a refusé. »

« On me proposait de quitter un caveau pour une tombe ! », rétorque l’intéressée. Elle s’était vue proposer un logement dans le 2e arrondissement, trop petit, selon elle, pour accueillir ses quatre enfants. D’autant plus que cette proposition a été faite par la préfecture, dans le cadre du Droit à un logement opposable (DALO), et non par Grand Lyon Habitat.

Face à Grand Lyon Habitat, « l’impression de parler à un mur »

« Le 3 rue Lalande est refait aux frais des assurances », ricane amèrement Lydia. Elle réside dans cet immeuble avec son fils depuis 2007. « Je les appelle tous les ans pour faire remonter les problèmes. On me renvoie toujours vers les assureurs ! », s’exclame-t-elle. En témoigne la réponse que GLH nous a adressé concernant le dégâts des eaux de 2022 : « Les réparations devaient être prises en charge par les assurances locatives dans le cadre des conventions entre assurances ».

Une de ses voisines, locataire depuis 50 ans, leur reproche également de ne « rien avoir fait pour éviter cette situation », et décrit une résidence mal gérée depuis des années.

« Ce qui exaspère, c’est l’impression de parler à des murs, à des gens qui ne comprennent pas », lâche-t-elle, dépitée.

Grand Lyon Habitat tient à rappeler la liste des travaux entrepris dans la résidence, dès l’acquisition du bâtiment en 2004 (« remplacement des menuiseries extérieures, reprise de la façade, et de l’étanchéité de la toiture terrasse »), comme ceux réalisés par la suite (« réfection partielle des circulations extérieures en 2015, reprise des embellissements du hall et de la cage d’escalier en 2020, condamnation des gaines de vide-ordure en 2021 et remplacement des lavabos, placards sous évier, éviers et WC en 2022 »).

« Cacher la misère »

Des travaux qui, selon les témoignages recueillis, n’ont pas changé la qualité de vie des habitant·es. Alors, les résident·es investissent pour tenter d’améliorer l’isolation, achètent des radiateurs d’appoint, peignent et tapissent les murs pour couvrir la moisissure. « Si on ne refait pas des travaux régulièrement, on se retrouve avec un appartement comme celui de Sarah ! », s’indigne Lydia. « On ne veut plus cacher la misère », renchérit cette dernière.

Sarah et ses voisin·es participeront au nouveau comité de locataires qui se créé vendredi 10 novembre, avec le soutien du CSF. La mère de famille reste toutefois inquiète. « L’hiver arrive, et on nous dit qu’il sera rude. Nous avons des enfants, il ne faut pas jouer avec ça. »


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