« Qu’est-ce qu’on veut ? Un logement ! Pour qui ? Pour tous ! Qu’est-ce qu’on veut ? Un logement ! Pour qui ? Pour tous ! » Le 21 août, devant la mairie centrale de Lyon, une quarantaine de femmes et d’enfants entonnent des slogans en rythme, casseroles battantes. Le temps est comme suspendu pendant qu’une délégation du collectif « Solidarités entre femmes » est reçu par la mairie. Sous les fenêtres du bâtiment, et du haut de ses 12 ans, Marie s’empare du mégaphone. Elle se lance dans une tirade fleuve, toute en anaphore :
« Vous trouvez ça normal, vous, de laisser des enfants dormir à la rue ? Vous trouvez ça normal, vous, qu’on dorme dans des tentes ? Vous trouvez ça normal, vous, qu’on dorme dans un gymnase en pleine période de chaleur ? Pensez à vos enfants, vous aimeriez qu’ils dorment dans ces conditions ? Et vous-même, vous aimeriez ? Honnêtement, je crois pas. »
Deux heures après, la délégation est ressortie avec des nouvelles en demi-teinte : la municipalité assure qu’une partie des ménages vont être relogée mais sans pouvoir préciser qui, ni où, ni si ce relogement va être assuré par la préfecture du Rhône. Seule certitude, « il n’y aura pas d’utilisation de la force publique », rapporte Colette Blanchon, membre du collectif Intersquats.
Femmes et enfants relogé·es après deux mois d’occupation
Ce n’est qu’une semaine plus tard, jeudi 31 août, que les occupant·es du gymnase ont pu être fixé·es sur leur sort. La situation commence à presser à la veille de la rentrée, l’équipement sportif de la Ville de Lyon doit être libéré pour accueillir clubs et scolaires, après deux mois d’occupation lors des congés d’été.
« Comme l’État ne se mobilise pas, nous sommes partis sur une autre solution », explique à Rue89Lyon Sandrine Runel, adjointe en charge des solidarités et de l’inclusion sociale.
D’après Lyon Capitale, lors d’une nouvelle réunion tenue ce jeudi matin, avec les membres du collectif « Solidarités entre femmes » et Jamais Sans Toit, l’élue a annoncé la prise en charge du relogement par la municipalité de tous·tes les occupant·es. Celui-ci devrait avoir lieu en fin de semaine dans l’ancien EHPAD Villette d’Or (voire notre mise à jour).
Si la situation a mis du temps à se débloquer, c’est en partie en raison du bras de fer qui a opposé la municipalité à la préfecture. Sollicité à de nombreuses reprises, l’État s’est contenté de communiquer la même réponse à chaque fois :
« Les situations des personnes se trouvant actuellement au gymnase Bellecombe sont examinées par les services de l’État (l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration ; et la Direction Départementale de l’Emploi, du Travail et des Solidarités). Au regard des vulnérabilités individuelles qui auront été détectées, différentes solutions pourront être envisagées : places d’hébergement aux demandeurs d’asile, places d’hébergement d’urgence ou encore aide au retour volontaire. »
« Nous voulons nous recentrer sur nos compétences, les familles sont notre public prioritaire »
C’est bien la préfecture qui détient la compétence en matière d’hébergement d’urgence, à l’exception des femmes isolées et enceintes de moins de huit mois et les mères isolées d’enfants de moins de trois ans, qui doivent être hébergés par la Métropole de Lyon.
Mais la Ville de Lyon s’était auparavant engagée sur le sujet, en dépassant le domaine de ses compétences, notamment dans le cadre de son plan Zéro enfants à la rue. En décembre 2022, elle avait ouvert le gymnase Chanfray (2e) pour loger en urgence des familles à la rue.
En septembre 2022, la municipalité avait aussi ouvert un gymnase pour un autre public : des jeunes migrants, en recours pour être reconnus mineurs. Réitérant un premier engagement de 2021, lorsqu’elle avait mis une trentaine de places à disposition dans un bâtiment municipal, rue Paul Bert (3e), pour des jeunes dans la même situation. Les familles n’étaient donc pas le seul public que la municipalité écologiste souhaitait prendre en charge. Du moins jusqu’en décembre 2022.
Deux jours après avoir ouvert le gymnase Chanfray pour loger des familles, elle annonçait sa volonté de fermer le gymnase ouvert pour ces jeunes migrants et demandait à la Métropole et préfecture de les prendre en charge. Une annonce qui avait causé l’incompréhension chez les associations et soutiens des familles et des jeunes, au vu des engagements précédents de la mairie.
La collectivité a finalement clarifié sa position plus récemment. Elle a partagé sa volonté de se « recentrer », selon le terme utilisé en mai dernier par l’adjointe à l’accueil et à l’hospitalité, Sylvie Tomic, lors de la présentation d’un plan « pour un meilleur accueil des personnes en situation de migration ».
Elle expliquait alors la nouvelle politique de la municipalité :
« La question de l’hébergement on la poursuit avec la question des familles à la rue, qui est notre public prioritaire. Concernant la question des jeunes, l’idée n’est pas de se désengager. »
L’adjointe précisait que la mairie voulait dorénavant « éviter » de mettre à disposition des gymnases ou des lieux non-adaptés pour ces jeunes mais se concentrer sur « des lieux plus pérennes », en lien avec la Métropole et la préfecture.
Une position qui explique pourquoi la mairie a choisi de reloger les occupant·es du gymnase Bellecombe, mais pas les jeunes migrants qui occupent depuis fin mars un square municipale devant le siège de la Métropole.
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