Ce mardi 7 mars 2023, l’intersyndicale appelle à « bloquer le pays » contre la réforme des retraites. En France, les manifestants devraient défiler en masse pour un jour de mobilisation crucial. À Lyon, ce jour marquera aussi les trois ans d’une autre manifestation : celle de l’Acte 69 des Gilets jaunes.
Ce jour-là, le 7 mars 2020, une manifestation avait viré au chaos sur la place Bellecour. Les violences entre manifestants et forces de l’ordre avaient entraîné des blessures de part et d’autre. Alix, un jeune militant de 16 ans à l’époque, avait reçu un tir de LBD dans la joue.
Il n’était pas seul. Six tirs de LBD ayant entrainé des blessures ont fait l’objet d’enquête, à la suite de cette journée, selon les informations de Flagrant Déni. Au moins quatre affaires ont été classées.
Deux blessures liées à des coups de matraques ont conduit à l’ouverture d’informations judiciaires. Ce lundi soir, le site Flagrant Déni révèle une vidéo qui donne un éclairage saisissant sur ce qui s’est passé ce jour-là.
Des images issues d’une caméra-piéton de policier
Ces images que Rue89Lyon a pu visionner ont été tournées par une caméra-piéton d’un policier de la CDI (Compagnie départementale d’intervention). Une matière vidéo très rarement exploitée jusqu’à présent. Elles permettent de reprendre de façon précise ce qui est arrivé à Frédéric Leschiera.
Militant au syndicat SUD commerce, alors conseiller aux prud’hommes, ce syndicaliste bien connu des manifestants lyonnais s’est pris ce jour-là, une pluie de coups place Bellecour.
En regardant les images de la caméra-piéton, il est sûr que le militant d’une soixantaine d’années n’a rien fait pour mériter cela. À 14h09, on l’entend crier aux policiers de « baisser leurs armes », en vain. À 14h15, les agents de la CDI chargent. Le syndicaliste est collé contre le mur, dans l’embouchure d’un commerce. Il ne fait aucun geste.
Une vidéo, déjà connue et intitulée Acte 69 des Gilets jaunes – Guérilla urbaine, permet de voir les policiers lui asséner des coups de pied et de matraque, avant de le laisser au sol. L’homme de 60 ans, au moment des faits, se défend comme il peut en se mettant les bras sur la tête. Après une consultation à l’hôpital en fin de journée, il s’en était sorti avec deux jours d’incapacité temporaire de travail (ITT). Il a ensuite porté plainte. Une enquête a été ouverte.
La charge a été éclair. La manifestation, interdite par la préfecture, était censée commencer à 14h.
« La caméra les gars, la caméra, elle tourne »
La principale nouveauté de la vidéo issue de la caméra-piéton survient seulement quelques minutes après cette grosse charge policière, à 14h19. Rassemblés, les agents de la CDI commentent les coups qu’ils viennent de porter.
L’un d’eux déclare :
« Putain le vieux qui gueulait, il a mangé je te dis hein. Il a mangé sa mère »
Le lien avec le syndicaliste semble évident. Dans sa lancée, l’agent de la CDI évoque le cas d’un autre manifestant :
« T’as vu l’enculé [le coup] qu’il a foutu sur le bouclar [le bouclier de l’agent ndlr] »
Rapidement, on entend un bruit. Un autre policier semble donner deux petits coups sur la caméra-piéton.
« La caméra les gars, la caméra, elle tourne »
« L’ensemble de la troupe est complice. Pas un des policiers ne lui a dit un mot… »
C’est probablement ces mots qui ont le plus choqué Frédéric Leschiera questionné par Rue89Lyon, à l’issue du visionnage de ces images :
« L’ensemble de la troupe est complice. Pas un des policiers ne lui a dit un mot… »
À 63 ans aujourd’hui, le syndicaliste l’affirme : il a été agressé « pour la première fois de sa vie » à Lyon. Le représentant du syndicat SUD commerce n’est pourtant pas un novice des parcours lyonnais. Il dit participer aux manifestations depuis ses 13 ans.
Comme beaucoup, il fait le lien entre les changements de la doctrine du maintien de l’ordre en 2016 et cette violence. Il n’a pas été agressé par un CRS mais par un agent de la CDI. Une compagnie d’intervention venant en renfort de la Bac (Brigade anti-criminalité). « Si on m’avait dit que je regretterai les CRS… », lâche-t-il.
Et après ? Frédéric Leschiera attend les suites du dossier. Pour lui, il est la personne « idéale » pour faire un « semblant de justice ».
« Je n’ai pas de conséquences physiques irrémédiables, je suis un peu âgé et je suis un ancien conseiller au prud’homme… Bref, je suis la personne idéale pour pouvoir dire que l’IGPN fait son boulot.»
De l’ensemble des dossiers ouverts ce jour-là, il est un des rares dont l’affaire n’est pas classée. Reste que, pour l’instant, aucune date de procès n’est connue. Contactée, son avocate, Sofia Soula-Michal espère que cette vidéo « édifiante » entraine un renvoi devant le tribunal correctionnel. En attendant, l’instruction est toujours en cours.
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