Presque trois ans après les faits, difficile de savoir s’il faut se réjouir, ou non. Ce jeudi 24 novembre, Arthur Naciri ne sait pas quel visage afficher à la sortie de la salle d’audience du tribunal correctionnel de Lyon.
« C’est pas encore fait, mais ça rend heureux, reconnaît-il devant les journalistes. La justice a pris en compte nos demandes. Elle a montré que les policiers ne sont pas au-dessus des lois. »
Après bien des doutes, la présidente a finalement donné raison à la partie civile. Elle a reconnu les deux policiers de la brigade anti-criminalité (BAC) de Lyon, Jérémy M et Sylvain P, coupables de faits de violences volontaires ayant entrainé une ITT supérieure à huit jours, sur la personne d’Arthur Naciri. Avec comme circonstance aggravante leur fonction de policiers, personnes dépositaires de l’autorité publique.
Moins attendu, le tribunal correctionnel de Lyon a estimé qu’il s’agissait d’une scène unique de violences. Un élément qui a poussé la juge à condamner les deux agents à douze mois de prison avec sursis. En ce sens, la présidente est allée plus loin que le parquet. Lors de l’audience du 22 septembre, le procureur de la République avait requis dix mois de prison avec sursis.
Elle a également condamné les policiers à verser 10 000 et 9 646 euros à Arthur Naciri, pour les dommages corporels et moraux causés par leurs violences. Ce chiffre pourrait être plus important, après de nouvelles expertises sur l’état de santé du jeune homme.
À Lyon, un jugement longtemps attendu pour une affaire de violences policières symbolique
Ce premier délibéré était attendu de longue date. Renvoyé et reporté à quatre reprises, le procès se faisait attendre depuis le 10 décembre 2019. Ce jour-là, Arthur Naciri, 23 ans au moment des faits, avait été victime d’un matraquage de la part de plusieurs policiers, en marge d’une manifestation contre la réforme des retraites. Bilan : une bouche ensanglantée et neuf dents brisées.
Grâce aux photos révélées par Rue89Lyon et via des vidéos tournées ce jour-là, une enquête avait pu être menée.
Lors des manifestations contre la loi de sécurité globale, l’affaire était devenue un symbole. Elle avait montré qu’il était possible d’ouvrir des enquêtes sur des policiers, lorsque ceux-ci ont été filmés. Aujourd’hui, elle montre qu’il est aussi possible de les condamner.
« C’est bien la preuve qu’on a besoin de ces images », appuie Arthur.
Violences policières sur Arthur Naciri : un appel et des questions
Des questions restent en suspens. En elle-même, cette condamnation n’entraine pas une suspension des agents. Bien qu’ils ne soient plus sur le terrain, ils exercent toujours au sein de la police. Jérémy M est brigadier-chef et Sylvain P est devenu formateur.
Quelles décisions prendra leur hiérarchie ? Lors du procès, le 22 septembre, les deux agents avaient expliqué avoir reçu un blâme, non appliqué alors. Il leur était reproché de ne pas avoir fait remonter les blessures d’Arthur Naciri à leur hiérarchie.
Autre point d’interrogation : seuls deux policiers ont comparu devant la justice, sur les six présents au moment des faits.
Un élément que compte bien rappeler Laurent-Franck Liénard. Dans une défense inattendue, l’avocat des policiers avait misé sur le fait qu’il était impossible d’identifier le fonctionnaire ayant brisé les dents d’Arthur. Il avait alors demandé la relaxe de ses clients, évoquant une brebis galeuse qui refuserait de se dénoncer. Sa stratégie a échoué.
« Il fallait les mettre tous devant la barre, et pas seulement ces deux agents », grogne-t-il.
Pour Laurent-Franck Liénard, cette décision « n’a pas de sens ». Il a annoncé dès la sortie du tribunal sa volonté de faire appel. L’affaire n’est donc pas terminée. Rendez-vous prochainement au palais de justice des 24 colonnes.
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