Actualités, enquêtes à Lyon et dans la région

Sexisme dans le vin : « Il faut être bienveillant avec les victimes »

[2/2] À la 8e édition du salon Sous les pavés la vigne, Isabelle Perraud a présenté l’association Paye ton pinard lors d’une table ronde consacrée aux violences sexistes et sexuelles dans le milieu du vin. Un endroit pour libérer la parole des femmes victimes d’agressions.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89Lyon, abonnez-vous.

Les vignes du Beaujolais

« Vous allez parler des agressions sexuelles ou pas ? »

C’est une question que l’on nous avait posée en amont du salon du vin 2022, lors de différents entretiens. Début novembre, une table ronde intitulée « En finir avec les violences sexistes et sexuelles dans les milieux du vin et de la bière » était organisée dans le cadre de « Sous les pavés la vigne ».

Tues depuis toujours, des voix commencent à se faire entendre pour parler des problèmes de sexisme et de violences sexuelles dans le milieu du vin.

« Il y a dix ans, on n’en parlait pas du tout. Aujourd’hui, on en parle. Si j’ai servi au moins à ça dans le monde du vin, tant mieux », commente Isabelle Perraud.

Invitée de la table ronde au côté d’Anaïs Lecoq, autrice de Maltriarcat, et de Céline Pernot-Burlet, autrice et illustratrice de la BD In vino femina, cette dernière est revenue sur le chemin parcouru. En plein conflit avec un vigneron de Sancerre, elle a évoqué les mécanismes rendant difficile une libération de la parole.

> Écouter ci-dessous la table-ronde enregistrée par RadioVino.

Sexisme dans le vin : « nous sommes sociabilisées avec des agresseurs sexuels »

Pour les intervenantes, la problématique est sociale.

« Notre difficulté, c’est que nous sommes sociabilisées avec des agresseurs sexuels. On ne les reconnaît pas », constate Isabelle Perraud.

Vigneronne du Domaine des Côtes de la Molière, Isabelle Perraud a lancé Paye ton Pinard il y a deux ans. À cette époque, elle venait de se retirer de toutes ses responsabilités dans le Beaujolais. Libre de s’exprimer, elle lance sa page sur Instagram avec une première publication le 8 septembre 2020.

À la suite de cette publication, elle commence à recevoir de nombreux témoignages venant du vin nature. Une nécessité pour des femmes qui sont souvent obligées de taire ces histoires « pour ne pas casser l’ambiance en soirée ».

« J’entends et je comprends qu’il y a une présomption d’innocence dans la justice. Mais la parole des victimes, on en fait quoi ? Lance-t-elle lors de la conférence. Rien. On veut qu’elles disparaissent. Alors d’elles même, ces femmes disparaissent. »

Vin et sexisme : la difficile « injonction » à porter plainte

Elle remet en cause notamment « l’injonction » permanente à porter plainte. Les victimes ont-elles la force d’aller raconter l’histoire aux forces de l’ordre ? D’être confrontées à leurs agresseurs ?

« Foutez leur la paix ! Elles ont peur et je comprends pourquoi, s’agace-t-elle. Il faut qu’on ait un peu plus de bienveillance et qu’on pense aux victimes. »

Pour cause, le chemin est long avant d’arriver à une (hypothétique) condamnation. Empêtrée dans une affaire judiciaire, la vigneronne voit aussi les risques à s’attaquer aux grands du vin nature. Départ de clients, menaces, accusations en tout genre… « On sait que l’on risque gros professionnellement et personnellement », note-t-elle.

La question du sexisme dans le vin était au cœur d’un débat organisé dans le cadre du salon du vin nature.Photo : PL/Rue89Lyon.

Paye ton pinard : « Nous avons des noms, mais nous ne les donnons pas »

La clef pour elle ? Sensibiliser. Il s’agit de pousser n’importe quelle personne témoin d’un comportement problématique à agir.

Côté Paye ton pinard, l’association tente de faire de la prévention dans les salons par le biais d’affiches. Forte d’une cinquantaine d’adhérents, elle cherche à accompagner au mieux les victimes. Parfois, la structure les aide à se tourner vers un avocat. Mais, dans la plupart des cas, elle reste dans l’écoute.

« Nous avons des noms [d’agresseurs] mais nous ne les donnons pas, car ces femmes ne le souhaitent pas, reprend Isabelle Perraud. Elles veulent juste être prévenues s’il y a d’autres victimes du même agresseur. »

À terme, Paye ton pinard souhaiterait mettre en place un service de soutien psychologique.

Dans le vin nature, des premiers scandales et de premières avancées

Encore rare, la parole des femmes agressées commence à se faire entendre. En 2017, le caviste Marc Sibard, chef de file du vin « bio » et nature a été condamné à un an de sursis pour harcèlement sexuel, moral et agression sexuelle. Il était poursuivi par trois de ses anciennes employées.

À l’image de cette affaire, la plupart des prises de paroles concernent, pour l’heure, le monde du vin nature.

« C’est un milieu militant. On milite pour le respect du vivant, note Isabelle Perraud. Or, je me suis rendu compte qu’on avait jamais pris parti contre les violences sexuelles. »

Pourquoi ces affaires éclatent avant tout dans le monde du vin nature ? « Peut-être parce que nous sommes des femmes plus engagées ? » se risque-t-elle. Une chose est certaine en écoutant la table-ronde : la problématique est globale.

Pour l’heure, seuls les adeptes du nature semblent l’appréhender. Tout jeune, le syndicat de défense des vins naturels a adopté une motion contre les violences sexiste et sexuelles, au nom des « valeurs » portées par ce mouvement. Un premier pas.


#Salon des vins naturels

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles

À lire ensuite


Partager
Plus d'options
Quitter la version mobile