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A Lyon, à la manifestation contre l’inflation : « On fait 38 à 43 heures par semaine pour des salaires de misère »

La manifestation interprofessionnelle de ce jeudi 29 septembre a rassemblé quelques milliers de personnes à Lyon contre l’inflation. Une rentrée sociale timide, mais qui comportait beaucoup de primo-manifestants. Tous métiers confondus, ils et elles ont réclamé une hausse des salaires et des minima sociaux pour compenser l’inflation, ainsi que davantage de moyens humains pour le service public. Reportage.

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Hélène, Loïc et Théo, doctorants à Lyon 2 et Sciences Po Lyon.

« J’ai 20 ans de métier et je touche 1260 euros net pour 31 heures de travail par semaine. »

« Moi, je suis en temps plein, au SMIC. »

« On arrivera peut-être à 1500 net en fin de carrière ! »

Karine, Maryline et Sybille ont fait de la route pour venir manifester à Lyon ce jeudi 29 septembre. Toutes trois sont ATSEM depuis 10 à 20 ans dans des écoles de l’Ain, à Montmerle-sur-Saône et Albigny. C’est la première fois qu’elles se mobilisent, pour défendre un métier qu’elles songent souvent à quitter en raison du salaire et des conditions de travail actuelles.

Comme elles, entre 3400 (d’après la police) et 7000 manifestant·e·s (selon la CGT) ont bravé la pluie ce jeudi 29 septembre pour une manifestation contre l’inflation à l’appel de plusieurs syndicats. Dans les revendications, une hausse réelle des salaires et une revalorisation des aides sociales face à l’inflation, ainsi que davantage de moyens humains pour les services publics. 

Marine, Marie et Anaïs, ATSEM à Saint-Fons, sont venues réclamer de meilleures conditions de travail lors de la manifestation interprofessionnelle du 29 septembre 2022 à Lyon.Photo : OM/Rue89Lyon

« On fait 38 à 43 heures par semaine pour des salaires de misère »

« On connaît beaucoup de collègues qui continuent à travailler parce qu’elles n’ont pas une retraite suffisante, poursuit Karine. Parmi les ATSEM, personne n’a eu la prime Ségur alors que sans nous, les écoles ne peuvent pas tourner. »

Sa collègue Maryline abonde, et détaille ses conditions de travail parfois difficiles :

« On travaille 10 heures par jour à l’école. Avec l’école obligatoire à 3 ans maintenant, on doit aussi s’occuper des couches des enfants. On doit les changer par terre parce que ça n’a pas été anticipé, on n’a pas le matériel. Et encore, nous on a une ATSEM par classe, ce qui est rare. À Rillieux par exemple, il y a une ATSEM pour deux classes. »

Sybille, elle, songe à se reconvertir, avant d’être trop fatiguée physiquement. A côté, Marine, Marie et Anaïs, en début de carrière à l’école Parmentier de Saint-Fons, ont longuement hésité à rejoindre la manifestation de ce jeudi.

« On est venues pour les collègues bientôt à la retraite et pour les suivantes, explique Marine. À Saint-Fons, on est 50 ATSEM. On fait 38 à 43 heures par semaine pour des salaires de misère. Il y a de plus en plus d’enfants et les collègues en arrêt ou à la retraite ne sont pas remplacés. »

La manifestation va se mettre en branle, le petit groupe d’ATSEM en colère se dépêche de rejoindre leurs collègues derrière une banderole qui regroupe également les aides à domicile.

« On est en train de mettre en danger la population »

Non loin, les personnels de la santé et du médico-social sont venus en nombre. Après deux années de crise sanitaire éreintantes, les deux secteurs rencontrent des problématiques similaires de pénuries de personnel.

« On est en train de mettre en danger la population, lâche Jérôme, assistant social à l’association Sauvegarde 69 et syndiqué chez Sud. En protection de l’enfance, il faut attendre plusieurs mois pour que les gamins soient pris en charge. Pourtant, il y a de plus en plus de besoins après le covid. En particulier chez les ados, surtout les filles, où il y a une exploitation sexuelle très forte. »

Difficile de recruter des personnels supplémentaires, quand un éducateur spécialisé touche 1400 euros nets en début de carrière. 

Sammy et Pascal sont sapeurs-pompiers à Saint-PriestPhoto : OM/Rue89Lyon

Chez les pompiers aussi, on est venus pour réclamer des moyens. Sammy, 52 ans, et Pascal, 53 ans, sont tous les deux sapeurs-pompiers à Saint-Priest.

« Depuis des années, le manque de moyens humains est énorme alors qu’on est de plus en plus sollicités, explique Sammy. Il y a les interventions pour porter secours à des personnes, qui occupent comme d’habitude la majorité de notre temps. Mais cette année, il y a les feux de forêt qui se sont rajoutés. On craint que le Rhône soit concerné dès l’été prochain. »

Les deux soldats du feu devaient partir à la retraite à 57 ans. Avec la nouvelle réforme, ils pourraient être obligés de continuer jusqu’à 60 ans.

« On fait un métier fatigant. Faire des nuits et courir dans les étages des immeubles à 60 ans, tout le monde n’y arrivera pas », prévient Pascal.

« On en a marre de cette précarité »

Derrière la marée rouge de la CGT et ses camions qui hurlent le traditionnel « quand faut y aller faut y aller », le cortège étudiant paraît bien clairsemé, rassemblant à peine une cinquantaine de personnes. Si les étudiants rencontrés évoquent toutes et tous des difficultés financières aggravées par l’inflation, leurs revendications tournent principalement autour de l’inscription des « sans-facs », ces étudiants qui n’ont été pris nul part en licence ou en master.

« Ça devient de plus en plus compliqué, de faire ses courses et de se loger, sans parler des logements Crous insalubres », témoigne Robin, étudiant en deuxième année de master à Lyon 2 et syndiqué à Solidaires.

Les étudiants manifestaient contre la revalorisation insuffisante des bourses face à l’inflation et également pour réclamer l’inscription de leurs camarades « sans-facs » à Lyon

Après le master, la situation ne s’arrange pas forcément, comme en témoignent Hélène, Théo et Loïc, doctorant·es et enseignant·es vacataires à Sciences Po Lyon et à Lyon 2.

« On en a marre de cette précarité. On est payés 41,41 euros bruts de l’heure, s’indigne Hélène. En face de nous, les étudiants sont très précaires, et on est censés tenir une position d’enseignants alors qu’on est dans la même situation qu’eux ! »

« On sait qu’on n’a pas d’avenir, renchérit Théo. En sciences politiques, il y avait 13 postes dans toute la France cette année. Le nombre a été divisé par deux en dix ans. »

« C’est pareil en droit et en psychologie », complète Loïc.

Hélène, Loïc et Théo, doctorants à Lyon 2 et Sciences Po Lyon, étaient là pour manifester contre la précarité étudiante.Photo : OM/Rue89Lyon

« On a atteint un point de non-retour dans l’Éducation nationale »

En fin de cortège, les différents syndicats de l’Education nationale ont répondu présents : Solidaires, le SNES-FSU, la CGT Educ’action 69… Ils dénoncent une revalorisation de leur point d’indice qui ne compense pas l’inflation, et s’indignent d’une rentrée particulièrement difficile cette année.

« On a atteint un point de non-retour, affirme Aurélie, professeure de langues au collège Lassagne de Caluire. On savait déjà qu’on était des pions, mais là c’est encore plus évident. Il n’y a pas assez de prof ? C’est pas grave, on va mettre à la place des vacataires ou des gens qui ont raté le CAPES ! »

Aurélie et Greg sont professeurs de langues au collège Lassagne, à CaluirePhoto : OM/Rue89Lyon

« Il y a une vraie ubérisation de la profession, poursuit son collègue Greg. Pap N’diaye (le ministre de l’Éducation Nationale, ndlr) avait annoncé un prof devant chaque élève. En réalité, ça veut dire n’importe quel individu devant chaque élève. »

Derrière, le lycée Condorcet de Saint-Priest est également mobilisé. Sur une pancarte, on peut lire que l’établissement scolaire est toujours à la recherche de son ou sa proviseur·e adjoint·e. 

7000 manifestants à Lyon d’après les syndicats

Au fur et à mesure qu’il remonte le cours Albert Thomas, le cortège prend de l’ampleur. « Vous manifestez pourquoi ? » demande un passant. « Pour réclamer de vraies mesures contre l’inflation ! » lui répondent quelques enseignants en brandissants leur pancarte. « Ah, je viens avec vous ! » leur répond-il en se précipitant dans le cortège, son attaché-case à la main.

La manifestation poursuit son parcours sans heurts jusqu’à la place Bellecour. A l’avant, seule une vingtaine de silhouettes cagoulées craquent quelques fumigènes derrière unes grande banderole qui reprend le célèbre slogan d’Intermarché «Tous unis contre la vie chère».

Un petit cortège de tête s’est formé à l’avant de cette première manifestation du 29 septembre 2022 à LyonPhoto : OM/Rue89Lyon

Cette première mobilisation aura rassemblé environ 7000 personnes d’après la CGT, 3400 pour la police. Les syndicats n’oublient pas la réforme des retraites prévues par le président de la République, Emmanuel Macron. « On sait qu’elle va revenir ! On n’en veut pas ! » s’époumone le camion du syndicat Solidaires. Les syndicats ont d’ores et déjà prévenu que les journées de mobilisation allaient s’enchaîner cet automne.


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Photo : LB/Rue89Lyon

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