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Nadia, parent d’élèves à Lyon 7e : « Quand un camarade d’école de ses propres enfants dort dehors, c’est toujours un choc »

Parent d’élèves de l’école Berthelot, dans le 7e arrondissement de Lyon, Nadia a participé à la première occupation de l’établissement scolaire, à l’hiver 2013. Depuis, de nombreuses familles originaires d’Europe de l’Est et d’Afrique ont trouvé refuge dans l’école. Cette intervenante en arts plastiques d’une quarantaine d’année témoigne.

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L'école Berthelot à Lyon 7e ©LB/Rue89Lyon

« Je m’appelle Nadia, je suis maman de trois enfants qui ont été scolarisés à l’école Berthelot, à Lyon 7e. La première occupation de cette école a eu lieu à l’hiver 2013.

« Quand c’est un camarade d’école de ses propres enfants qui dort dehors, c’est toujours un choc »

C’était juste avant Noël, je me souviens qu’il faisais très froid. À l’époque, ma fille était en CP. Des personnes qui avaient ouvert un squat pour mettre à l’abri des enfants de l’école étaient venus distribuer des tracts pour alerter sur l’expulsion prochaine du bâtiment. Je savais qu’il y avait des enfants à la rue, mais quand c’est un camarade de classe de ses propres enfants qui dort dehors, c’est toujours un choc.

J’en ai parlé à la FCPE de l’école et nous sommes allés rencontrer les familles qui vivaient dans ce squat. C’était des familles roumaines, qui avaient des papiers mais pas de logement.

Au début, nous avons fait les démarches classiques : le 115, la MVS, la mairie… Comme ça ne donnait rien, nous nous sommes décidés à occuper l’école, comme ça se faisait déjà à Gilbert Dru, une autre école du 7e arrondissement de Lyon.

Nous avons ramené des matelas et nous avons hébergé les familles dans l’école pendant une dizaine de jours. Plus les vacances de Noël approchaient, et avec elles la fermeture de l’école, plus nous étions angoissés. Finalement, la pression a fonctionné puisque les familles ont été hébergées à l’hôtel la veille de Noël.

« Occuper une école à Lyon, c’est un symbole fort pour les institutions »

Occuper l’école nous a paru logique. C’est là que les parents se rencontrent et se retrouvent, et c’est un symbole fort pour les institutions. Le soir, en allant dormir à l’école, nous avions un peu l’impression de rentrer dans un sanctuaire.

Tous les gens qui participent à ces occupations d’école vous le diront : ce sont des expériences humaines formidables, de belles rencontres avec des familles avec lesquelles nous avons gardé contact.

Par la suite, j’ai continué à prendre part aux occupations de l’école Berthelot à chaque fois que ça a été nécessaire. À l’époque, le collectif Jamais sans toit n’existait pas. Je suis entrée en contact avec eux en 2015, via des mobilisations qui avaient souvent lieu à l’école Gilbert Dru.

À l’automne 2018, nous avons à nouveau occupé l’école Berthelot pour héberger cinq familles originaires d’Albanie et de Macédoine. Nous savions qu’il fallait agir au moment du plan froid, en novembre, pour qu’elles soient prises en charge avant qu’il n’y ait plus de place.

Occuper des écoles, c’est très prenant, surtout s’il y a souvent des familles à la rue, ce qui est le cas à Lyon. C’est éprouvant de venir le soir, la nuit… Mes enfants sont parfois venus dormir à l’école avec moi. Je voulais les sensibiliser à cette question. Voir nos enfants jouer ensemble permettait aussi de dédramatiser la situation et de rendre l’occupation plus légères pour les familles.

L’école Berthelot à Lyon 7ePhoto : LB/Rue89Lyon

« Ces dernières années, à Lyon, nous avons dû occuper l’école surtout pour des familles africaines, dont beaucoup de femmes seules avec des enfants »

Notre dernière occupation de l’école Berthelot date de février 2021, pour mettre à l’abri une famille géorgienne avec un bébé et une petite de 3 ans. Grâce aux goûters et aux cagnottes solidaires que nous organisons, nous avons des fonds qui nous ont permis de les loger à l’hôtel pendant trois semaines. À la rentrée des vacances de février, la famille n’avait toujours pas été prise en charge. Nous n’avons occupé l’école que quatre jours avant qu’ils soient hébergés dans un foyer.

Quand nous n’avons pas de famille à la rue, nous essayons d’aider les autres. Aujourd’hui, huit familles de l’école ont été prises en charge mais restent dans des situations précaires. Nous les aidons dans leurs démarches administratives et financièrement, notamment pour la rentrée scolaire.

Ces dernières années, nous avons surtout des familles africaines, dont beaucoup de femmes seules avec des enfants. Actuellement, il y a par exemple une mère d’élève, africaine, qui a été déboutée de sa demande d’asile et qui a fait un recours. Si c’est négatif, elle devra quitter le centre (Centre d’accueil pour demandeurs d’asile – CADA, ndlr) où elle est hébergée.

La mairie précédente nous menaçait toujours de nous envoyer la police, ce qui était extrêmement stressant pour nous et pour les familles. Depuis que les écolos sont à la mairie de Lyon, nous nous sentons plus écoutés. Nous informons la maire du 7e de la situation et s’il n’y a pas de solution, elle sait que nous allons devoir occuper l’école.

En 2014/2015, des parents d’élèves et des enseignants, membres du collectif Jamais sans toit, ont occupé l’école Gilbert Dru, dans le 7e arrondissement de Lyon, pendant quatre moisPhoto : LB/Rue89Lyon

« Il y aura toujours des familles SDF à cause des guerres et de la précarité, auxquelles vont s’ajouter de plus en plus de réfugiés climatiques »

Héberger des enfants à la rue, ça touche forcément tout le monde. Surtout en hiver, parce qu’il fait froid, mais l’été est dangereux aussi. Sans parler de l’insécurité toute l’année pour les femmes seules avec enfants. L’été, quand les écoles sont fermées, nous essayons de garder contact avec les familles. Si elles se retrouvent à la rue, nous essayons de leur payer des nuits d’hôtel. On préférerait louer un appartement parce qu’une semaine d’hôtel coûte à peu près autant d’argent qu’un mois de loyer. Mais il faudrait pouvoir le louer au dernier moment, pendant une durée indéterminée…

Il y aura toujours des familles SDF à cause des guerres et de la précarité, auxquelles vont s’ajouter de plus en plus de réfugiés climatiques. Il faut trouver des solutions pérennes : utiliser les logements vacantes, le dispositif de squats conventionnés

Chaque année, de nouveaux parents d’élèves de l’école rejoignent le collectif Jamais sans toit, en plus des enseignants et des riverains. Le mouvement prend de l’ampleur, c’est indéniable. Nous aimerions maintenant prendre de l’ampleur au niveau national, nous assembler pour nous entraider et avoir plus de poids au niveau politique. »


#École

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Photo : Guillaume Bernard/Rue89Lyon

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