Dans l’Est de la France, plus exactement dans le Grand-Est et en Bourgogne-Franche-Comté, le manque d’eau complique la circulation des bateaux. Cette sécheresse a poussé les Voies navigables de France (VNF) à prendre de premières restrictions en matière de navigation mi-juillet. Le trafic a été modifié sur la branche sud du canal du Rhône au Rhin. Ce sont majoritairement les péniches de transport commercial qui sont concernées, mais aussi quelques bateaux de plaisance.
Lyon valorise son autoroute Genève – Marseille par le Rhône
Une problématique importante alors que, depuis plusieurs années, les Voies Navigables de France (VNF) ainsi que la CNR (Compagnie Nationale du Rhône) désignent le fret comme la solution idéale pour lutter contre le réchauffement climatique et les bouchons à Lyon. Un transport fluvial qui reste d’ailleurs à la traîne en comparaison de celui de la Marne ou du Rhin par exemple.
En juin dernier, Cécile Avezard, présidente de l’association Medlink Ports et directrice territoriale Rhône et Saône des VNF confiait à Rue89Lyon son optimisme au sujet de l’avenir du transport fluvial à Lyon, notamment favorisé par la mise en place de la Zone à Faible Emission, ainsi que le début des travaux du Grand port maritime de Marseille (GPMM). La conjonction des deux rendant le transport fluvial beaucoup plus attractif pour les armateurs maritimes.
À Lyon, « nous n’anticipons pas de problème de sécheresse sur le Rhône »
Mais qu’en est-il si le Rhône n’est pas en capacité d’acheminer des marchandises toute l’année ? Pour Pierre Meffre, directeur de la valorisation portuaire à la CNR, cette préoccupation n’est pas à l’ordre du jour :
« Nous n’anticipons pas de problème de sécheresse sur le Rhône, nous arrivons à maintenir le tirant d’eau. Le Rhône est un fleuve puissant. Même quand nous avons des étiages sévères [baisse périodique des eaux ndlr], nous sommes en capacité de garder du fond. »
En dépit de l’espacement des jours de pluie et la montée durable des températures en période estivale, il déclare qu’il n’y a pas de quoi s’inquiéter dans un futur proche :
« Aujourd’hui, on n’a aucune indication qui peut nous inquiéter. Le Rhône sera navigable sans alerte, au moins sur 20 à 30 ans. Certes, on aura des périodes de crue plus longues dans le futur, les événements seront moins tempérés, mais c’est tout. »
Sur ces trois dernières années, les seuls événements naturels qui ont perturbé la navigation ont été les crues de la Saône.
« Ce sont les glaciers du Rhône qui offrent la ressource en eau du fleuve »
Serge Barrère, délégué développement durable de la CNR ajoute :
« À date, la navigation se passe bien sur le Rhône, c’est un cours d’eau puissant, abrupt et il a une autre particularité : la succession des aménagements entre Lyon et la mer garantit un mouillage contrôlé de trois mètres. »
Serge Barrère compare le Rhône au Rhin, insistant sur la « puissance » du fleuve, bien moins dépendante de la pluviométrie que beaucoup d’autres cours d’eau en France :
« Ce sont les glaciers du Rhône qui offrent majoritairement la ressource en eau du fleuve. »
Ces mêmes glaciers sont touchés de plein fouet par le changement climatique. À tel point qu’on estime qu’ils auront perdu plus de deux tiers de leur volume actuel d’ici 2100. Martin Beniston est directeur de l’Institut pour les sciences de l’environnement (ISE) de l’Université de Genève, en Suisse. Dans un article pour le site Encyclopédie de l’environnement, il écrit que pour lui, l’issue est inévitable :
« D’ici la fin du XXIe siècle, les débits devraient être fortement influencés par ces changements, avec une hausse des écoulements hivernaux liée à une fonte précoce du manteau neigeux et l’augmentation des précipitations, mais une réduction des débits pendant le reste de l’année. »
À Lyon : « De plus en plus d’usages gourmands en eau sont interdits sur le Rhône »
Il aborde donc l’urgence de repenser l’usage du Rhône par les humains :
« Les changements saisonniers imposés par un climat plus chaud nécessiteront une transformation de la gouvernance actuelle de l’eau, afin de permettre un partage équitable pour les secteurs économiques concernés. »
S’agissant du Rhône, il ne faut pas oublier que l’eau du fleuve est ponctionnée pour les besoins de l’agriculture, des industries, ou pour le refroidissement des centrales nucléaires par exemple. Pierre Meffre assure que la navigabilité du Rhône ne sera pas la variable d’ajustement de ces industries :
« C’est au sein d’un « comité de bassin » que se réfléchissent les études d’arbitrage, rappelle-t-il. De plus en plus d’usages gourmands en eau commencent à être interdits. Nous nous projetons à la fin de ce siècle, avec la fonte des glaciers, et nous avons conscience qu’il nous appartient collectivement de travailler sur cette priorité dans l’avenir. »
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