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« L’errance médicale » des malades du Covid long à Lyon

Ils ont attrapé le Covid en 2020 et n’ont jamais guéri. C’est ce que racontent des Lyonnais atteints du Covid long et dont la maladie a bouleversé le quotidien. Entre manque de reconnaissance et services médicaux impuissants, des malades se confient sur les difficultés de prise en charge rencontrées à Lyon.

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Hôpital de la Croix Rousse

« Mon quotidien est totalement chamboulé. C’est compliqué de rester debout, j’ai du mal à emmener mon fils à l’école. Je n’arrive plus à me concentrer. Je ne peux plus aller dans les grandes surfaces ni conduire. »

Jessica Vernay, 39 ans.

Jessica Vernay était cheffe de mission dans un cabinet d’expertise comptable près de Lyon. Elle a été testée positive au Covid en novembre 2020. Presque deux ans plus tard, cette mère de famille de 39 ans souffre toujours de vertiges, maux de tête, douleurs aux jambes et fatigue intense. Elle est atteinte de Covid long.

Covid long à Lyon : un accompagnement « pas adapté »

Pour se soigner, Jessica Vernay a tenté plusieurs programmes. Elle a d’abord suivi un programme médical fin 2021 sur le site de la Clinique des Iris à Marcy-l’Étoile.

« Il y avait des consultations avec un orthophoniste, un psychologue, une diététicienne, un ergothérapeute et un kinésithérapeute », énumère Jessica.

Parmi les exercices, des activités physiques adaptées (APA), figuraient au programme.

« Je faisais de la marche, du vélo ou des squats, sur une durée limitée et sans forcer pour éviter le malaise post-effort », détaille Jessica.

Contrainte de le suspendre au bout d’un mois, elle raconte :

« Il me fallait trois semaines pour m’en remettre, ce n’était pas adapté ».

Aujourd’hui, la clinique lui propose un nouveau programme. Il demeure difficile à suivre :

« Il y a des jours où je n’arrive pas à y aller tellement je suis fatiguée ».

Jessica est pour l’instant incapable de travailler. Son cabinet d’expertise comptable l’a convoquée récemment pour un entretien préalable licenciement, « au regard des conséquences de [son] absence prolongée sur le fonctionnement du Cabinet ». Face à cette situation et sans traitement médical efficace, Jessica est impuissante. Un licenciement intervenu en cette fin de mois de juillet.

Caroline Gornay, 41 ans, a aussi dû suspendre sa carrière professionnelle. Elle était infirmière, sur le point de passer cadre, près de Lyon.

Caroline a attrapé le covid en avril 2020. Depuis, elle souffre de courbatures dans les jambes et de douleurs neuropathiques. Ces douleurs se caractérisent entre autres par des sensations de décharges électriques, picotements et démangeaisons. Elles surviennent après une atteinte du système nerveux.

Caroline Gornay, atteinte du Covid long depuis avril 2020, lors d’une séance de rééducation à Brides-les-Bains (Savoie).Photo : Caroline Gornay.

La médecine statutaire de l’hôpital Lyon-Sud a temporairement déclaré Caroline « inapte au travail ». L’infirmière explique cependant que l’hôpital qui l’employait refuse sa demande de reconnaissance de maladie contractée en service.

Covid long à Lyon : « C’est l’errance médicale »

A Lyon, la prise en charge des patients atteints de Covid long semble encore balbutiante.Photo : PL/Rue89Lyon.

Ces deux femmes vivent près de Lyon et peinent à trouver des réponses adaptées à leurs symptômes. Alors que l’une raconte que son médecin traitant lui a dit que c’était psychologique, l’autre regrette l’absence de solution face au Covid long à Lyon.

« À Lyon, il n’y a pas de cure. J’ai téléphoné dans beaucoup de centres, mais je ne pouvais pas être prise en charge, car je n’ai pas fait de réanimation. Pourtant, bon nombre de « Covid long » ne sont pas issus de la réanimation. C’est la clinique Clémentville (Montpellier), où ils prennent en charge les « Covid long », qui m’a aidée. »

Caroline Gornay, 41 ans

Luc (le prénom a été changé) n’a pas eu la possibilité de se rendre à cette clinique. Infecté par le Covid au tout début de l’épidémie, il raconte sa prise en charge médicale à Lyon :

« Si je devais résumer le parcours médical, c’est l’errance médicale à Lyon. Je me rappellerai toujours cette phrase du docteur des urgences. Elle m’a dit que le Covid long n’existait pas et qu’il fallait arrêter d’aller sur Internet s’inventer des symptômes. »

Après de nombreux rendez-vous non-concluants dans différents hôpitaux et cliniques de Lyon et de la région, Luc a peut-être trouvé seul une explication. Cet ancien sportif pense souffrir du syndrome d’activation mastocytaire (SAMA). Cela se manifeste par de lourdes crises pendant lesquelles il souffre de vertiges, problèmes de régulation thermique du corps, sensation d’asphyxie et d’anxiété.

À 45 ans, Luc est retourné un temps vivre chez ses parents avant de retrouver son autonomie. Il est dans l’incapacité de conduire et de travailler plus d’une heure.

91 personnes atteintes de Covid long déjà prises en charge à Lyon

À Lyon, la prise en charge de ces patients s’organise petit à petit. L’Agence régionale de santé a mis en place des cellules départementales de coordination post-Covid-19. Le réseau de soin LYRE se charge de la coordination de la prise en charge des appels. Il renvoie les malades vers la plateforme « Epsylone » de l’Hôpital Henry Gabrielle à Saint-Genis-Laval.

Pavillon-Jacques-Bourret de l’Hôpital Henry Gabrielle Hôpital (HCL) qui accueille la plateforme « Epsylone », pour la prise en charge des Covid long.Photo : MD/Rue89Lyon 2022

En 2 ans, le docteur en charge du service Covid long de l’Hôpital Henry Gabrielle a reçu 91 patients atteints du Covid long. Les rendez-vous sont ouverts à tous. Ils doivent être précédés d’une consultation chez le médecin traitant du patient.

A noter également que le service de pneumologie de l’hôpital Lyon Sud (HCL) met en place une consultation post-Covid pour les patients atteints de symptômes persistants. Un médecin doit adresser ces consultation au préalable.

Des recherches sur le Covid long en cours à Lyon

Le docteur Sophie Trouillet-Assant, chercheuse aux Hospices Civiles de Lyon (HCL) et au Centre International de Recherche en Infectiologie (CIRI) de Lyon, étudie le Covid long. Elle explique :

« Les patients et leurs séquelles persistantes sont tellement différents, ça complique la recherche et la définition de traitement adapté contre le Covid long. Cette maladie regroupe énormément de caractéristiques cliniques différentes ».

En partant d’un échantillon de 500 personnes infectées lors de la première vague, l’équipe du Docteur Sophie Trouillet-Assant explore de nombreuses hypothèses. Parmi elles, la possible réactivation de virus latents (virus attrapés sans apparition des symptômes), est une piste sérieuse.

« Si je n’avais pas les témoignages, je ferais une dépression »

Manque de considération parfois des médecins, prise en charge difficile et recherche inachevée, les malades du Covid long finissent par se regrouper.

En 2020, alors que l’on pensait que le Covid ne durerait qu’une semaine, une communauté nationale s’est créée autour du hashtag #aprèsJ20. Lancé par une psychologue, ce hashtag permet aux personnes dont les symptômes persiste après 20 jours de se retrouver.

Tweet de @lapsyrevoltee le 12 avril 2020 lançant le hashtag #ApresJ20

Caroline Gornay, infirmière près de Lyon, se confie sur l’effet de ces témoignages :

« Le mois dernier, encore, j’ai consulté un spécialiste sur Lyon qui m’a dit que le covid long, c’était quelque chose qui n’existait pas. Je me dis que si je n’avais pas les témoignages, je ferais une dépression profonde parce que c’est difficile qu’un médecin nous dise que c’est dans la tête. On se sent moins seule ». 

Caroline Gornay, 41 ans.

Nathalie Cordeaux, atteinte du Covid en octobre 2020, se livre sur les difficultés qu’elle rencontre.

« J’ai baissé les bras, j’ai arrêté et j’attends. Je ne vais pas passer ma vie à aller consulter à droite à gauche », explique cette Lyonnaise de 58 ans.

Elle a finalement rejoint l’Association Après J20 qui a émergé de la communauté du #ApresJ20. Fondée en 2020, cette association traite de la question du Covid long à l’échelle nationale. Pour Nathalie Cordeaux :

« C’est une mine d’information qui pousse à la recherche. Il y a un soutien qui est extraordinaire. Ça permet aussi de faire une veille d’actualité. Quand on lit les articles, ça permet de déculpabiliser. C’est important quand on se sent vraiment végétatif et qu’on a l’impression d’avoir pris 15 ans. J’ai 58 ans et j’oublie tout ».


#covid-19

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