Actualités, enquêtes à Lyon et dans la région

Lyon : Laurent Wauquiez coupe des subventions au parc Miribel-Jonage

Laurent Wauquiez a décidé de réorienter l’intégralité des subventions européennes dédiées à Natura 2000 au profit du secteur agricole. Cette décision va impacter les 266 sites protégés de la Région, dont le parc Miribel-Jonage à proximité de Lyon.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89Lyon, abonnez-vous.

Lac Miribel Jonage © Emma Delaunay

Source de fraîcheur pour les baigneurs et lieu d’inventaire pour les naturalistes, le parc de Miribel-Jonage concilie activités naturelles, agricoles et touristiques en amont de Lyon. Une harmonie rendue possible grâce à son classement Natura 2000, qui oblige les associations, agriculteurs et élus qui en partagent les terres à harmoniser leurs activités pour ne pas en bouleverser la biodiversité. Cet équilibre pourrait toucher à sa fin : la Région Auvergne-Rhône-Alpes s’apprête à supprimer les financements européens dédiés à Natura 2000.

Depuis la loi 3DS (différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification) du 21 février 2022, les Régions ont récupéré les compétences et les subventions associées à la transition écologique, auparavant privilèges de l’État. Parmi elles, l’enveloppe du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) finance un éventail de projets : implantation des agriculteurs, recherche, adaptation au changement climatique, protection et préservation des zones Natura 2000.

La Région dit réorienter les crédits : « En faveur des agriculteurs »

À la surprise générale, le président d’Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez a décidé de réorienter l’intégralité de ces deniers européens vers le secteur agricole. Son cabinet explique :

« La Région a fait le choix de flécher ces crédits, dont une partie bénéficiait auparavant aux zones Natura 2000, en faveur de nos agriculteurs. Il n’y a donc pas de « perte de subvention » mais un redéploiement des crédits pour privilégier notamment l’aide accordée à l’installation des jeunes agriculteurs, priorité unanimement reconnue, et sur les investissements agricoles, qui sont indispensables à la fois à la compétitivité des exploitations agricoles mais également à leur adaptation au changement climatique et permettent le développement d’une production locale créatrice d’emplois. »

Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne- Rhône-Alpes lors de ses voeux 2019.Photo : MG/Rue89Lyon

Selon l’entourage du président, cette décision serait la conséquence des choix de l’État :

« À la suite des arbitrages rendus par I’État, le montant des crédits FEADER alloués à la Région Auvergne-Rhône-Alpes pour Lyon, pour la période de programmation 2023-2027, est en diminution de plus de 20% par rapport aux années de référence de la période de programmation précédente. »

Dans un enregistrement publié par Reporterre, Laurent Wauquiez indique dans le huis-clos de la commission permanente du conseil régional du 18 mars 2022 une seconde motivation aux élus écologistes :

« Dans la défense que vous avez faite des crédits Natura 2000, objectivement, on était à la limite de l’emploi fictif. (…) Vous avez des gens salariés, qui perçoivent des subventions publiques, et qui sont ensuite l’armature de vos campagnes électorales. »

Auvergne-Rhône-Alpes est la seule région de France à priver le programme Natura 2000 de ses fonds européens. Dès 2024, les 266 sites auralpins concernés subiront des coupes nettes dans leurs budgets. À proximité de Lyon, les 2200 hectares du parc Miribel-Jonage, classé zone Natura 2000, vont subir l’impact de plein fouet.

Un site Natura 2000 au patrimoine « exceptionnel »

L’Inventaire national du patrimoine naturel détaille l’éventail des richesses du parc :

« Ce site est exceptionnel car il abrite encore de rares milieux, témoins de ce qu’était le fleuve naturel avant son aménagement. Le canal de Miribel, simplement bordé d’enrochements, a retrouvé au cours des décennies une physionomie diversifiée favorable à un grand nombre d’espèces piscicoles. »

Les naturalistes y ont fait l’inventaire de lamproie de Planer, apron du Rhône, chabot commun, de bouvières, blageon, toxostome… À la tombée de la nuit, les promeneurs peuvent y croiser des castors et plusieurs variétés de chauve-souris européennes.

Le parc Miribel-Jonage, près de Lyon.Photo : Emma Delaunay

Vice-président Environnement à la Métropole de Lyon, Pierre Athanaze énumère les richesses du parc Miribel-Jonage :

« On a des zones humides, un marais, et des pelouses sèches riches en orchidées et en reptiles, gérées en éco-paturâges avec des éleveurs locaux. On peut y observer de nombreuses espèces d’oiseaux sauvages : des guêpiers d’Europe, des fauvettes aquatiques, des rousserolles, phragmites des champs… C’est un important site d’hivernage ! »

Un réservoir de la biodiversité, que les membres du syndicat mixte de Miribel-Jonnage ont été surpris de voir privé de ses subventions. Ni eux, ni les autres acteurs Natura 2000 de la Région n’ont été avertis directement de cette décision. Tous évitent avec précaution de critiquer directement ce choix. Plusieurs interlocuteurs de Rue89Lyon confient craindre qu’une opposition trop virulente entrave les dialogues futurs avec la collectivité concernant particulièrement les négociations de subventions régionales.

« On a déjà perdu 80 % des abeilles et bourdons. Si on ne fait rien, tous vont disparaître d’ici la fin du siècle. »

Sur le terrain, cette coupe budgétaire va impacter le travail à mi-temps de l’animateur Natura 2000 sur Miribel-Jonage. Au quotidien, celui-ci est chargé de veiller à l’équilibre de la biodiversité du parc, à la préservation de la qualité de l’eau du Rhône, et à concilier activités humaines et espaces naturels. Gardiens des écosystèmes, ces techniciens sont également les diplomates de la ruralité. Charge à eux de réunir agriculteurs, associations et élus pour élaborer ensemble l’avenir de ces espaces protégés.

Cette mission à un prix : 21 100 € pour l’année 2021, indique un membre du syndicat mixte de Miribel-Jonage.

Pierre Athanze précise :

« On est moins impactés que les conservatoires d’espaces naturels et les associations de la région, qui vont subir cette décision de plein fouet. Mais on est sur un équilibre financier fragile : il va falloir qu’on trouve un nouveau financement. »

L’élu écologiste, ancien secrétaire national de France nature environnement (fédération française des associations de protection de la nature et de l’environnement ), craint particulièrement l’impact que subiront les insectes pollinisateurs abrités dans les pelouses sèches du parc et les autres sites Natura 2000 de la région :

« On a déjà perdu 80 % des abeilles et bourdons. Si on ne fait rien, tous vont disparaître d’ici la fin du siècle. Or, toutes les cultures ont besoin des insectes pollinisateurs. Quand on voit l’effondrement de la biodiversité, accentuée cette année par des conditions météorologiques extrêmes, et que c’est cette année-là que Laurent Wauquiez décide de s’en prendre aux crédits qui permettent d’en mesurer l’équilibre, c’est incohérent. Comme si casser le thermomètre arrêtait la pollution. »


#Biodiversité

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles
Partager
Plus d'options
Quitter la version mobile