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À Lyon, des maraudes pour protéger les plus fragiles de la canicule

Avec l’alerte canicule à Lyon, la Croix-Rouge renforce ses maraudes. L’association distribue de l’eau et veille sur les plus fragiles.

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Maraude canicule croix rouge lyon

« Je peux avoir de l’eau ? » À peine garé sur la place Carnot (Lyon 2e) avec le trafic estampillé « Croix-Rouge », Philippe est déjà sollicité par un homme qui a reconnu l’association. Dans le coffre, des dizaines de bouteilles d’eau dans des contenants isothermes attendent d’être distribuées. En ce début d’après-midi, le soleil et la chaleur sont difficilement supportables sur la place malgré l’ombre apportée par les arbres.

Depuis une semaine, les bénévoles de la Croix-Rouge écument Lyon pour distribuer de l’eau et s’enquérir de l’état de santé des plus fragiles avec les températures étouffantes qui ne retombent même pas la nuit.

Les bénévoles de la Croix-Rouge transportent plus d’une centaine de bouteilles d’eau à distribuer pour la canicule.Photo : MA:Rue89Lyon

Sans-abris et personnes âgées : les publics les plus vulnérables face à la canicule à Lyon

L’association a été sollicitée par la préfecture pour mener ces maraudes, dans le cadre de l’alerte canicule déclenchée depuis le 17 juillet. Depuis, les températures ne sont pas redescendues. Les bénévoles accordent une attention particulière aux sans-abri, mais pas seulement.

« Il y a les personnes en vulnérabilité mais aussi les personnes âg… Oula, là tout de suite le monsieur et la dame on va aller leur donner de l’eau ! »

Philippe s’interrompt et illustre sa propre explication. Le bénévole se dirige droit vers un homme âgé, qui se déplace avec un canne, et sa femme. Quelques touristes qui traînent sur la place hériteront aussi d’une bouteille d’eau.

Plus loin, Raimond, binôme de Philippe et responsable de la communication de la Croix-Rouge de Lyon, repère un homme allongé sur un banc en plein soleil. Il échange quelques mots avec lui, pour s’assurer qu’il est suffisamment lucide et qu’il ne souffre pas des rayons brûlants.

« Il n’était pas alcoolisé et il était réactif sur les réponses. Il va bien », débriefe-t-il, de retour dans le trafic.

À Lyon, un gymnase au frais pour se protéger de la canicule

Un enjeu de ces « maraudes canicule » est aussi de faire connaître l’ouverture d’un gymnase frais, non loin de la place Carnot, sur demande de la Ville de Lyon et de la préfecture. De 10 heures à 20 heures, toutes les personnes qui le souhaitent peuvent venir s’abriter de la chaleur et trouver de l’eau réfrigérée.

« Oh la Croix-Rouge, vous n’auriez pas un sac de couchage ? »

Alexis, 56 ans, interrompt les bénévoles dans leur déambulation. Pas de sac de couchage aujourd’hui, mais Philippe et Raimond proposent à l’homme sans-abri qui dort près de Perrache de les suivre jusqu’au gymnase. Là-bas, quatre personnes sont assises autour de tables en plastique, accompagnées de deux bénévoles de la Croix-Rouge.

Dans un gymnase rue Condé, les personnes qui le souhaitent peuvent venir se mettre au frais et boire de l’eau, encadrés par la Croix-Rouge.Photo : MA/Rue89Lyon

Jocelyne, 58 ans, lunettes sur le nez, pose la main sur son livre fermé. La quinquagénaire n’est pas sans domicile mais sollicite régulièrement l’aide des Petits frères des pauvres et de la Croix-Rouge :

« J’étais déjà venue hier, car pour lire, même à l’ombre, l’air est chaud. Ici, on arrive et on a de l’eau. »

Mais depuis le matin, seulement sept personnes sont venues profiter de la fraîcheur du gymnase. Philippe explique :

« C’est dur de mobiliser les gens. Ils ont toute leur vie dans leurs tentes, c’est difficile de laisser leurs affaires. Mais c’est important qu’en période de canicule ils aient un endroit pour se poser au frais et pouvoir s’asseoir sans qu’ils soient embêtés. Parce que dans les endroits climatisés comme les magasins ou les centres commerciaux, ils vont se faire jeter. Ici on les accueille »

Plus tôt, Raimond avait tenté de convaincre une mère et sa fille, en train de se restaurer devant leur tente, de venir dans le gymnase. En vain.

« Une bouteille d’eau fraîche, ça coûte un euro cinquante, c’est trop cher »

Sous un auvent, dans un coin de la place Carnot, Anthonio se repose dans l’une des tentes alignées le long du mur. Il accepte volontiers la bouteille d’eau qu’on lui tend. Âgé de 24 ans, il vit depuis ses 14 ans dans la rue. Il décrit son quotidien pendant la canicule, émaillé par l’agressivité de ses voisins d’infortune :

« En ce moment c’est dur, je n’en peux plus avec la chaleur mais surtout les gadjos (les types, ndlr) qui sont là. Avec la chaleur, ils sont tous très énervés, tous les quarts d’heure il y a une embrouille. »

Il se plaint de ses vêtements, un jogging noir, épais, et son T-Shirt de sport bleu.

« J’aimerais avoir de la nourriture et des vêtements pas lourds pour la chaleur. Il y a de moins en moins de maraudes pour les vêtements. Ça c’est trop lourd », dit-il en tirant sur son jogging.

Anthonio et Paul ont installé leurs tentes sous un auvent place Carnot, ils acceptent volontiers les bouteilles d’eau distribuées par la Croix-Rouge en pleine canicule.Photo : MA/Rue89Lyon

Anthonio s’est laissé convaincre par les bénévoles. Avec son chargeur de téléphone, il se dirige vers le gymnase pour se rafraîchir et se reposer. Philippe et Raimond, eux, reprennent leur véhicule pour poursuivre la maraude, direction la place de la République (Lyon 2e).

Sur place, ils retrouvent un homme qu’ils connaissent bien et qui les accueille chaleureusement. Ismaël habite la place avec sa tente depuis plusieurs mois. « C’est la mort », lance-t-il en parlant de la canicule. Son amie, Lisa (le prénom a été modifié), abonde :

« Une bouteille d’eau pas fraîche ça coûte 50 centimes, mais de l’eau fraîche c’est 1,50€, c’est trop cher. Et souvent les fontaines publiques ne sont pas hyper fraîches. »

Les petites bouteilles fraîches distribuées par la Croix-Rouge les soulagent momentanément, alors que les heures les plus chaudes de la journée commencent.

« Les sans-abris meurent plus souvent en période de canicule qu’en période froide »

Depuis le début des maraudes canicules, Raimond dénombre deux situations où il a du appeler les secours. L’une d’elle concernait un nourrisson de moins de trois mois, qui avait du mal à réguler sa température. Raimond détaille comment la Croix-Rouge opère dans ce genre de cas :

« On laisse toujours le choix tant qu’il n’y a pas de danger de mort. Nous ne sommes jamais là pour contraindre. Je leur dis ‘est-ce que je peux appeler le 15 ?’ et je leur explique ce qui peut se passer quand on appelle le 15. »

Près de la gare Part-Dieu à Lyon, les bénévoles de la Croix-Rouge distribuent de l’eau aux personnes sans-abris installées dans des tentes, dans le cadre d’une maraude spéciale canicule.Photo : Marie Allenou/Rue89Lyon

À chaque personne qu’ils aident, les maraudeurs ont la même formule d’au revoir : « Prenez soin de vous ». Une façon de dire aux sans-abris de faire attention, sans être moralisateurs.

« Il y a eu ce mois-ci plusieurs décès chez les SDF dans la Métropole de Lyon. En réalité, les sans-abris meurent plus souvent en période chaude qu’en période froide. On se rend compte que donner de l’eau, des sourires, du soutien ça peut permettre parfois d’éviter ce genre de drame, qui fait que la personne ne va pas lâcher. »

Parce que la Croix-Rouge ne peut pas tout, Philippe en appelle alors à la vigilance collective :

« C’est très important que les particuliers qui voient des gens assoiffés au pied de leur immeuble pensent à leur amener des bouteilles d’eau. »


#Canicule

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