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Ces écrivains qui dénigrent Lyon : une ville longtemps mal-aimée ?

[Série] Lyon, ville aimée  ? Au fil de l’histoire quelques grands écrivains sont passés à Lyon. Stendhal, Flaubert, Daudet, Camus, de Beauvoir, Dickens… Pour beaucoup l’expérience n’a pas toujours été au rendez-vous et le livre d’or qu’ils ont laissé est parfois dur et acerbe.

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Place Antonin Poncet et Place Bellecour vues depuis le toit de La Poste. © BE/Rue89Lyon

[Série] Lyon, ville aimée  ? Au fil de l’histoire quelques grands écrivains sont passés à Lyon. Stendhal, Flaubert, Daudet, Camus, de Beauvoir, Dickens… Pour beaucoup l’expérience n’a pas toujours été au rendez-vous et le livre d’or qu’ils ont laissé est parfois dur et acerbe.

Malgré la renommée et la virtuosité de leur plume, ces grands esprits ont donné dans le cliché. Des clichés qui trahissent malgré tout une part de vérité sur ce que donnaient à voir d’elles-mêmes la ville de Lyon et son industrie par le passé.

Ville bourgeoise, fermée, froide et aimant tellement le travail ou la messe qu’elle en oublierait de s’amuser. Cette image colle à la peau de Lyon depuis le XIXe siècle au moins. Avant que les choses finissent par changer et que la ville parvienne à acquérir l’image d’une « ville en mouvement », à défaut d’être celle où on demande à se faire enterrer pour être plus près du paradis.

Ainsi, à l’orée des années 1980, le journaliste Régis Neyret écrivait dans Le Monde :

« Pour les millions de voyageurs qui déferlent chaque année de Paris et des pays du Nord vers les rives du soleil, Lyon c’est un tunnel, deux fleuves qu’on l’on confond, parfois une étape gastronomique. Rien de plus.

Pour les millions de Français façonnés par mille ans de centralisation et cent ans d’instruction publique simplificatrice, le Lyonnais est un bourgeois riche et triste, qui travaille dans la soierie, joue aux boules dans le brouillard, va voir Guignol le dimanche (à moins qu’il n’assiste à une messe noire), tandis que sa femme mijote de la bonne cuisine dans d’obscures alcôves.

Depuis quelques affaires criminelles dans les années 1970, certains rajoutent les truands aux bourgeois et le sang à l’argent ».

Une synthèse quasi exhaustive des reflets du Lyonnais et de sa ville dans les yeux des autres. Précisons qu’une fois l’inventaire établi il s’agissait pour lui de tordre le coup à ces injustices de l’imaginaire collectif au détriment d’une ville qu’il aime tant. Une ville pour laquelle il contribuera à faire classer le Vieux Lyon au patrimoine mondial de l’Unesco.

Dans ce quatrième épisode sur les écrivains et « haters » célèbres de Lyon, il n’en est finalement pas vraiment question. On s’attarde plutôt, notamment avec Fernand Braudel, historien, sur des écrits qui tentent plutôt d’expliquer pourquoi Lyon a pu être aussi mal-aimée dans son propre pays.

Lyon trop internationale pour être aimée dans son pays ?

Lyon a longtemps pâti d’une image négative pour ses voisins : sa supériorité sur Paris à l’époque romaine puis leur rivalité une fois devenue ville de province. Une relation tout à la fois envieuse et emplie d’affirmation vis-à-vis de la capitale.

Elle a débouché, pour certains Lyonnais, sur une double croyance : à Lyon on ferait mieux qu’ailleurs et le reste du monde gagnerait à s’inspirer de la ville et de ses talents. En cela, Jean-Michel Aulas, le président de l’Olympique Lyonnais et son excédent brut d’exploitation en bandoulière ou Gérard Collomb et sa « théorie du ruissellement » de richesses de Lyon chevillée au corps, sont de parfaits messagers des temps modernes de cet « esprit lyonnais ».

Lyon n’a donc pas toujours été aimée dans son propre pays ni joui d’une image favorable. Elle s’est alors tournée vers l’extérieur. Tirant ainsi avantage de sa situation géographique de carrefour commercial.

Capitale plusieurs fois au cours de son histoire, il en demeure une relation restée délicate avec celle qui finira parle rester : Paris. Lyon se veut alors « capitale de la gastronomie » et finalement une ville où tout semble devoir y être nécessairement à dimension internationale : de la Cité aux abords du parc de la Tête d’Or jusqu’à l’éphémère Cité de la gastronomie dans l’Hôtel Dieu rénové.

N’en aurait-t-elle pas alors oublié sa propre région et ses voisins les plus proches ? Aggravant ainsi son image de bon élève, tributaire de personne pour prospérer mais finalement hors-sol sur son propre territoire.

C’est ce que suggère clairement l’historien Fernand Braudel :

« Le drame de la ville, c’est qu’elle ne trouve son ordre et les conditions de son épanouissement que sur le plan international ; elle dépend de « logiques » à très large rayon. Il lui faut la complicité du dehors. Les fées qui la favorisent sont étrangères ».

Lyon, mal-aimée car trop distante vis-à-vis de son arrière-pays

Dans l’ouvrage collectif « Sociologie de Lyon », les quatre sociologues Yves Grafmeyer, Isabelle Mallon, Marie Vogel et Jean-Yves Authier, notent ainsi cette prédominance de l’international sur le local :

« Lorsque ses réseaux financiers et commerciaux internationaux s’affaiblissent Lyon ne s’appuie guère sur son pays ou sur sa région pour redynamiser son économie. Au contraire, le rayonnement régional semble tributaire de l’expansion internationale : Lyon fait vivre sa région lorsqu’elle est en position de force dans l’espace international.

En cela elle se distingue d’autres capitales régionales comme Bordeaux, Toulouse ou Nantes dont le développement s’appuient fortement sur leur arrière-pays. Si les bourgeois lyonnais cultivent le goût de la campagne, où ils font bâtir des « maisons des champs », leur rapport à l’arrière-pays est d’agrément bien plus que d’investissement. »

« Aujourd’hui, Lyon daigne se montrer »

Mais l’image de la ville mute. C’est d’ailleurs l’image d’une « ville qui change » que Lyon parvient désormais à véhiculer à travers son marketing territorial. Une ville qui n’est plus noire ou étouffée par l’ennui mais un spot qui rayonne. En mettant, par exemple, les voitures sous le tapis au fil du temps ou en essayant de modifier cette autoroute qui la traverse en son cœur.

En 2006 dans « Lyon, révolutions tranquilles », la journaliste Alice Géraud, ancienne correspondante du journal Libération à Lyon, notait la transformation progressive de la ville dans l’imaginaire collectif. Un changement opéré par une réalité commune aux grandes métropoles : l’arrivée de nouveaux habitants.

« Depuis la fin des années 1980, le vernis a commencé à craquer. Lyon la catholique, industrieuse et repliée sur elle-même, n’est plus. Parce que ceux qui la font, ceux qui la vivent, ne sont tout simplement plus les mêmes.

Aujourd’hui, un Lyonnais sur deux n’est pas né dans la ville et Lyon daigne enfin se regarder, s’embellir et se montrer. Architectes et urbanistes repensent et redessinent le territoire. Les lieux alternatifs grignotent et malmènent les institutions centenaires. L’art descend dans la rue. Les cuisiniers oublient les quenelles et la bienséance… »


Lyon, ville aimée ? Au fil de l’histoire quelques grands écrivains sont passés à Lyon. Stendhal, Flaubert, Daudet, Camus, de Beauvoir, Dickens… Pour beaucoup l’expérience n’a pas toujours été au rendez-vous et le livre d’or qu’ils ont laissé est parfois dur et acerbe.

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