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Métro, vélo, voiture : où subit-on le plus la pollution aux particules fines à Lyon ?

[Série 1/3] En métro, à Vélo, ou en voiture, quelle pollution de l’air aux particules fines subit-on ? Trois journalistes de Rue89Lyon ont mené l’expérience à l’aide d’un capteur.

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Capteur Atmo Pollution Air

Que l’on se déplace à vélo, en métro ou en voiture à Lyon, l’exposition aux particules fines n’est pas la même. Nous avons voulu faire une petite expérience en situation grâce aux capteurs mis à disposition par Atmo Auvergne-Rhône-Alpes à travers son projet de Captothèque (lire par ailleurs).

Après avoir échangé avec l’équipe d’Atmo mais aussi Thomas Coudon, chercheur au centre Léon Bérard à Lyon, nous avons arrêté un mode opératoire simple. Nous avons effectué des mesures au même moment sur un trajet identique mais réalisé selon différents modes de transports. Nous avons choisi deux trajets :

  • Échangeur de Perrache –> Parc de la Tête d’Or
  • Parc de Parilly –> place Bellecour

Le choix a suivi une logique simple : une diversité d’environnements (parc, périphérique, centre-ville, quais…) et des parcours réalisables quasiment à l’identique par tous les modes de transport. Nous avons réalisé ces trajets au même moment en vélo, en métro et en voiture.

Capteur de particules fines dans l’air d’Atmo Auvergne-Rhône-Alpes utilisé pour mesurer l’exposition sur un trajet Perrache-Tête d’Or, ici à l’entrée du parc.Photo : BE/Rue89Lyon

Des concentrations de particules fines plus importantes dans le métro de Lyon

Qu’avons-nous pu constater ? Si le trafic routier est souvent associé à la pollution aux particules fines ce n’est pas le cas dans les faits. Nos mesures n’ont rien découvert de nouveau mais ont permis de le confirmer.

Concernant la pollution aux particules fines, c’est dans le métro que vous serez très probablement le plus exposé. Les mesures au cours de nos deux trajets le montrent : la concentration de particules fines (PM1, PM2,5 et PM10) est plus élevée dans le métro.

Sur le trajet Perrache-Tête d’Or, la concentration moyenne de particules fines est presque deux fois plus importante dans le métro. Celles des trajets à vélo et à voiture sont quasiment équivalentes :

PolluantMétroVéloVoiture
PM 1015.5 μg/m³8,5 μg/m³8,3 μg/m³
PM 2,510.3 μg/m³6 μg/m³5,9 μg/m³
PM 15.5 μg/m³3,4 μg/m³3,1 μg/m³

Les mesures lors du trajet à vélo (en haut à gauche), en métro (en bas à gauche) et en voiture (en bas à droite) (pour voir les mesures complètes et détaillées sur la Captothèque : trajet vélo, trajet métro et trajet voiture.)

Mesures de concentration de pollution aux particules fines dans l’air sur le trajet entre Perrache et Tête d’or en vélo (en haut àgauche), métro (en bas à gauche) et voiture (en bas à droite). Graphiques Captothèque – Atmo Rhône-Alpes

Sur le trajet Parilly-Bellecour, même chose. La concentration moyenne en particules fines est supérieure au cours du trajet en métro. La différence entre vélo et voiture est ici plus marquée :

PolluantMétroVéloVoiture
PM 1023,1 μg/m³15,7 μg/m³9,8 μg/m³
PM 2,514,4 μg/m³11,3 μg/m³7,5 μg/m³
PM 18 μg/m³8 μg/m³4,4 μg/m³

Les mesures lors du trajet à vélo (en haut à gauche), en métro (en bas à gauche) et en voiture (en bas à droite). (Pour voir les mesures complètes et détaillées sur la Captothèque : trajet vélo, trajet métro et trajet voiture.)

Mesures de concentration de pollution aux particules fines dans l’air sur le trajet entre Parrily et Bellecour à Lyon en vélo (en haut à gauche), métro (en bas à gauche) et voiture (en bas à droite). Graphiques Captothèque – Atmo Rhône-Alpes

En voiture, comme ailleurs, l’importance de la ventilation pour disperser les particules fines

Capteur de particules fines dans l’air d’Atmo Rhône-Alpes utilisé en voiture pour mesurer l’exposition sur un trajet Perrache-Tête d’Or.Photo : BE/Rue89Lyon

L’air du métro, plus chargé en particules fines que l’air extérieur ou dans sa voiture ? Oui. C’est assez logique et surtout pas nouveau. La pollution atmosphérique n’est pas forcément associée aux transports en commun et au métro. Le trafic routier davantage.

Le Sytral a mené une étude, avec Atmo Rhône Alpes, concernant la pollution aux particules fines dans les stations de métro du réseau TCL. Elle avait permis de voir que la concentration y était bien plus importante que dans l’air extérieur, en moyenne.

Même si ce n’est pas (encore) su du grand public, c’est assez logique. Dans le métro, la capacité de dispersion est bien moindre qu’en surface.

« Il faut une capacité de dispersion importante de l’environnement dans lequel on se trouve pour que les particules fines s’évacuent. Sinon, la concentration augmente. La concentration de particules fines dépend de la source ou des sources d’émissions et de la capacité de dispersion. Le principe de dispersion se retrouve quelle que soit l’échelle à laquelle on se place : notre habitat intérieur, dans la rue, dans le métro ou dans une vallée de montagne »

Atmo Auvergne-Rhône-Alpes

En voiture, moins de particules fines mais pas moins de pollution

Est-ce à dire que prendre le métro nous expose finalement à davantage de pollution atmosphérique à Lyon ? Pas forcément. Nous parlons ici d’une seule source de pollution atmosphérique : les particules fines. Il en existe d’autres comme le dioxyde d’azote notamment (NO2). Ce dernier est davantage un marqueur de pollution de l’air induite par le trafic routier que les particules fines.

Si la voiture semble bien moins exposer aux particules fines que le vélo, la marche et surtout le métro, deux limites existent. La première concerne les capteurs utilisés. Ils analysent uniquement la concentration en particules fines. Impossible alors de dire que les trajets effectués en voiture ont moins exposé le conducteur à une pollution atmosphérique globale.

Comme le rappelle Atmo Auvergne-Rhône-Alpes :

« En voiture on a un cocktail de polluants, pas seulement les particules fines. Lors du confinement, on a ainsi constaté une baisse de près de 70% de la concentration de NO2 »

Par ailleurs, lors de ces trajets notre conducteur (Bertrand) a roulé avec une fenêtre légèrement ouverte. Ce qui peut avoir eu comme effet de faire baisser la concentration dans l’habitacle, comme l’explique Atmo :

« La ventilation joue un grand rôle. Elle participe à la dispersion des particules. Même si on sait que dans les zones de congestion du trafic, avec davantage de phases de freinage et d’accélération, les sources de particules fines augmentent »

Un exemple lors du trajet en voiture entre Perrache et le parc de la Tête d’Or. À l’approche du pont Roosevelt, notre véhicule est resté stationné quelques instant juste derrière un bus TCL. Une phase de freinage puis de redémarrage. Quelques secondes après, la concentration en particules fines augmente dans le véhicule. Ce sera d’ailleurs « le pic » de ce trajet vers 9h.

Mesures de concentration de pollution aux particules fines PM10 dans l’air sur le trajet entre Perrache et Tête d’or en voiture. Graphique Captothèque – Atmo Auvergne-Rhône-Alpes

Travaux, bateaux sur les quais du Rhône et autres évènements de pollution aux particules fines à Lyon

Les niveaux relevés lors de nos séances de captations « ne sont pas alarmants » nous indique Atmo Auvergne-Rhône-Alpes. Si les concentrations peuvent être parfois importantes, c’est « la pollution de fond » et le « temps d’exposition » qui comptent.

Si elles n’ont pas la prétention ni les moyens de mesurer cette pollution de fond, nos captations hiérarchisent en quelque sorte la pollution aux particules fines selon les modes de transport. Elles permettent également d’identifier des sources de pollution aux particules fines.

Comme des travaux sur la voirie. Ici, lors du trajet en vélo entre Perrache et Tête d’Or, les travaux d’aménagement de première ligne du Réseau express vélo, sur le quai Claude Bernard, a engendré un pic de concentration de particules fines :

Mesures de concentration de pollution aux particules fines PM10 dans l’air sur le trajet entre Perrache et Tête d’or en vélo. Graphique Captothèque – Atmo Auvergne-Rhône-Alpes

Ou sur ce même quai, sur les berges cette fois, lors d’un trajet vélo entre le parc de la Tête d’Or et notre bureau de Gerland (Lyon 7e). Au niveau des bateaux de croisière sur le Rhône, les niveaux de particules fines s’élèvent brusquement. C’était Le 15 avril vers 10h du matin. Deux camions citernes de 16 000 et 15 000 litres remplissent le bateau l’Émeraude avec du fioul GTL.

Le plein dure environ 45 minutes, selon un employé, et « ça leur dure deux semaines ». Les moteurs tournent en continue.

« Ça ne pollue pas »

selon un employé du fournisseur de fioul

Pourtant, la concentration en particules fines s’élève.

Un pic de concentration de particules fines au moment du remplissage des cuves de fioul d’un bateau de croisière sur les quais du Rhône en avril 2022 à Lyon. Photo LB/Rue89Lyon
Mesure de concentration de particules fines lors du remplissage de cuves de fioul d’un bateau de croisière sur les berges du Rhône, réalisée par Rue89Lyon le 15 avril 2022. Capture Captothèque Atmo Rhône-Alpes

« 1h30 dans les bouchons ce n’est pas pareil que passer le bouchon à vélo »

La concentration en particules fines moins importante en voiture que dans la métro ou pour les piétons peut être trompeuse. Elle n’est qu’une partie de la pollution atmosphérique. Elle ne signifie pas que la voiture est le mode de transport exposant à la plus faible pollution de l’air.

Comme le rappelle Atmo Rhône-Alpes :

« En vélo ou à pied, on peut s’écarter plus facilement d’un axe congestionné par exemple. Passer 1h30 dans les bouchons en voiture, ce n’est pas pareil que traverser le bouchon à pied ou à vélo. La durée d’exposition à la pollution n’est pas du tout la même. Et c’est elle qui compte.»

Par ailleurs, l’activité physique générée par la marche ou à vélo est un facteur important. Thomas Coudon, chercheur au centre Léon Bérard à Lyon, étudie notamment les liens entre pollution atmosphérique et le risque de développer certains cancers.

« On sait maintenant que le fait d’être actif, par la marche ou à vélo, a un impact extrêmement fort sur la santé et l’espérance de vie. Si l’exposition à la pollution peut diminuer l’espérance de vie, l’activité physique va largement compenser le ratio coût-bénéfice »

Avec une équipe du centre, il a d’ailleurs réalisé une série de mesures de la pollution de l’air à Lyon. Aux particules fines mais aussi au dioxyde d’azote, à l’ozone et aux monoxyde de carbone. Elles seront analysées au cours de l’année 2022. Cette étude sur les liens entre pollution et développement de certains cancers s’inscrit dans le cadre d’un projet plus vaste sur leurs origines.

« Les liens entre pollution de l’air et cancer du poumon sont aujourd’hui actés. Ils sont presque actés pour le cancer de la vessie. On a des suspicions concernant le cancer du sein chez la femme, qui est un cancer hormonaux-dépendant. On suit un groupe de femmes depuis 1990. Désormais on les soumet également à un questionnaire sur leurs modes de transport.»

Rappelons que la pollution atmosphérique (aux particules fines et autres sources) est responsable de décès prématurés. Entre 2015 et 2017, une étude a été menée à Lyon par l’Inserm, le CNRS, l’Inra, l’université Grenoble-Alpes et Atmo Auvergne Rhône-Alpes. Elle a conclu à la mort prématurée de près de 500 personnes due aux particules fines. Par ailleurs, en raison des dépassements de seuils répétés et des niveaux de pollution de l’air de plusieurs de ses métropoles, la France a été condamnée en 2019 par la Cour de Justice de l’Union Européenne (CUEJ).


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