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Coupe de subventions à la Biennale de Lyon par la Région : « Ce n’est peut-être pas réel »

La nouvelle de la baisse ou la suppression des subventions de la Région à trois structures culturelles lyonnaises a abasourdi les acteurs concernés, notamment Isabelle Bertolotti, directrice artistique de la Biennale d’art contemporain.

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Isabelle Bertolotti, directrice artistique de la Biennale d'art contemporain de Lyon. Photo par Tony Noël.

C’est dans les colonnes du journal régional Le Progrès que Sophie Rotkopf, vice-présidente de Laurent Wauquiez déléguée à la culture en Auvergne-Rhône-Alpes, a annoncé un « rééquilibrage » sans appel du budget alloué à la culture, ce vendredi 22 avril. L’article se trouve à la page 15 du quotidien, partageant l’espace avec une publicité de pari sportif, et une autre pour des voyages organisés à Bali.

Le rééquilibrage dont il est question dans l’article vise (pour le moment) trois infrastructures à Lyon : l’Opéra de Lyon, la Villa Gillet (maison européenne et internationale des écritures contemporaines) ainsi que la Biennale d’art contemporain de Lyon.

Aucun communiqué n’a été envoyé par le conseil régional pour expliciter la déclaration inattendue de la vice-présidente à la culture du conseil régional, Sophie Rotkopf. Les montants des baisses de subventions évoqués sont pourtant conséquents : pour l’Opéra de Lyon et la Biennale, il faudra soustraire respectivement 500 000 et 200 000 euros des subventions annuelles accordées par la Région.

La Villa Gillet ne touchera quant à elle plus aucune subvention de la part du conseil régional présidé par Laurent Wauquiez (LR), cela représente donc une disparition de moyens de 350 000 euros.

La vice-présidente déléguée à la culture a justifié cette décision couperet par une volonté de redistribuer l’enveloppe de subventions de façon plus égalitaire sur le territoire :

« On a beaucoup aidé certaines structures, ce n’était pas forcément le rôle de la Région de les aider autant. [Nous souhaitons] irriguer la culture jusque dans les territoires les plus éloignés. »

« On a du mal à y croire »

Elle a astucieusement conservé une ouverture en ajoutant :

« C’est vraiment ponctuel pour cette année, il serait dramatique que cela doive durer. »

Du côté des premiers concernés, la nouvelle a eu l’effet d’un coup de tonnerre. Isabelle Bertolotti, directrice artistique de la Biennale d’art contemporain, déclare à Rue89Lyon :

« On a découvert cette nouvelle via l’article de presse du Progrès. La Région fait partie de notre conseil d’administration, on a d’habitude des contacts fluides. Là, on a du mal à y croire : des engagements étaient pris. On est surpris que cette disposition ait pu être prise sans nous avertir, quatre mois avant la manifestation [la Biennale d’art contemporain doit démarrer en septembre prochain, ndlr]. »

Isabelle Bertolotti, directrice artistique de la Biennale d’art contemporain de Lyon. Photo par Tony Noël.

La Biennale d’art contemporain de Lyon existe depuis 1991, il s’agit de la plus importante manifestation en France consacrée à l’art contemporain. Sa seizième édition doit se tenir du 14 septembre au 31 décembre 2022.

Pour la directrice artistique, cette baisse de subventions relève de l’improbable, et elle déclare avoir du mal à comprendre la justification donnée par Sophie Rotkopf dans le Le Progrès :

« Ça fait longtemps déjà qu’on développe des projets en région. Ça se manifeste concrètement sur l’édition prochaine, qui ira par exemple jusqu’à Clermont-Ferrand. »

La décision de Laurent Wauquiez n’a pas manqué de faire réagir la Ville de Lyon. Sur ce dossier culturel, le maire écologiste Grégory Doucet s’est insurgé de la baisse des subventions. De la même façon, le maire PS de Villeurbanne et vice-président à la culture à la Métropole de Lyon, Cédric Van Styvendael a qualifié le comportement de Laurent Wauquiez de « désolant ».

Les élus appartenant à ces majorités écologistes et de gauche se retrouvent ainsi coincés par le président de Région Les Républicains, contraints de remettre la main à la poche s’ils veulent que les structures concernées poursuivent leurs activités.

« L’aide de la Région sert à affréter des bus scolaires qui permettent aux élèves de venir à la Biennale »

Isabelle Bertolotti rappelle aussi les projets éducatifs montés par la Biennale avec les lycées de la région :

« On va dans les lycées monter des mini-expositions avec des œuvres du MAC [le Musée d’art contemporain qu’elle dirige, ndlr]. On permet aussi des projets entre artistes et élèves, qui parfois deviennent des fragments d’œuvres produites dans la Biennale… On a un impact fort dans les territoires. »

Elle poursuit :

« On a vraiment à cœur de s’ouvrir à tous les publics, d’aborder l’art contemporain avec des gens qui n’ont pas les moyens de se déplacer. L’aide de la Région sert par exemple à affréter des bus scolaires qui permettent aux élèves de venir à la Biennale. »

Un peu moins de la moitié des lycées en partenariat avec la Biennale sont en dehors de la métropole de Lyon. D’après Isabelle Bertolotti, c’est 3 367 élèves de lycées et de CFA (centres de formation des apprentis) qui ont pu participer aux projets de la Biennale grâce à la subvention de la Région. Elle rappelle aussi l’impact économique de l’événement sur le territoire :

« La Biennale d’art contemporain dure quatre mois, c’est long. Il faut se dire que c’est quatre mois d’impact économique fort à l’échelle régionale. Des touristes viennent de toute l’Europe, pour un week-end, parfois pour une semaine. Ils mangent local, visitent les environs, s’arrêtent à Condrieu acheter du vin… Pour moi, on est en synergie totale avec la Région. »

L’oeuvre « Horse power » à la Biennale d’art contemporain de 2019.Photo : Rue89Lyon

Par ailleurs, ce n’est pas la Région Auvergne Rhône-Alpes qui accorde la principale subvention à la Biennale, c’est d’abord la Métropole de Lyon, à hauteur de 2,5 millions d’euros, puis l’Etat, qui verse 1,7 millions. La Ville de Lyon verse quant à elle 500 000 euros depuis deux ans. Isabelle Bertolotti précise :

« C’est principalement pour le musée Guimet [musée d’histoire naturelle dans le 6è arrondissement], sinon la Ville de Lyon n’est pas un acteur qui subventionne directement la Biennale. »

« On va devoir annuler des choses, des déplacements d’artistes mais aussi de publics à la Biennale »

Jusque là, la Région versait 753 000 euros pour chaque exercice, somme qui doit hypothétiquement être réduite à 553 000 euros. Cependant, la façon dont serait appliquée cette baisse reste floue pour la directrice artistique de la Biennale :

« La fin de notre exercice est en 2022. Si cette baisse est confirmée, on va devoir annuler des choses, des déplacements d’artistes mais aussi de publics. Tout est lancé, programmé au millimètre près. Là, on est démuni. »

Isabelle Bertolotti explique que chaque dépense est fléchée deux années à l’avance. Rendue incrédule par l’annonce, elle déclare :

« Tout ça me semble précipité et assez peu clair. Est-ce que cette baisse doit être répartie sur plusieurs exercices ? A partir de quand serait-elle effective ? Est-ce que c’est sensé durer ? Pourquoi nous annoncer cela à quatre mois de notre événement ? Et de façon aussi indirecte en plus. »

Isabelle Bertolotti a donc choisi d’attendre d’en savoir plus plutôt que de prendre cette annonce pour argent comptant :

« Si c’est vrai, je ne sais pas comment on va faire, on se dit qu’on a été englobé dans quelque chose qui n’est peut-être pas réel. »

Elle déclare tout de même avoir initié des recherches de mécénat, avant de conclure :

« Nous avons d’ordinaire de très bonnes relations avec la Région, et l’impact que nous avons sur tout le territoire étant plutôt important. On a donc du mal à comprendre pourquoi nous, pourquoi maintenant, pourquoi cette somme. Nous avons écrit au conseil régional, nous n’avons pas reçu de réponse pour l’instant. »


#Auvergne-Rhône-Alpes

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