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Kermesse, drapeaux brûlés : récit d’une manifestation contre Bayer-Monsanto à Lyon

Samedi 5 mars, plus de 1500 personnes ont manifesté dans le quartier de Vaise (Lyon 9e) contre le géant de l’industrie pharmaceutique et agrochimique Bayer-Monsanto. Au cours d’un parcours de taille réduite, des militants de tout bord ont marché loin du siège de l’entreprise. L’après manifestation a été émaillé de violences.

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Les manifestants

« C’était la partie tranquillou des derniers jours et c’est maintenant terminé ». Il est 17h passé ce samedi 5 mars. Au micro, Thierry Bonnamour, porte-parole de la Confédération paysanne de Savoie annonce la fin de la manifestation officielle du mouvement les Soulèvements de la Terre, à Lyon. Entre 1500 et 2000 personnes se sont rassemblées pour lutter contre l’implantation du groupe allemand Bayer, possédant Monsanto.

La veille, 80 Faucheurs volontaires s’étaient introduits sur le site sensible de BASF Agri production, à Genay, classé Seveso. Le matin même, une autre équipe s’était rendue au site de Bayer à Limas, à côté de Villefranche-sur-Saône. « Le site a été mis à l’arrêt », se satisfait un militant.

La place Valmy avait un air de kermesse des luttes en ce début d’après-midiPhoto : PL/Rue89Lyon.

Au départ à Lyon, une kermesse cernée de forces de l’ordre

À côté, la manifestation lyonnaise pouvait avoir des allures de balades de famille. Dans un 9e arrondissement peu habitué à ce type d’événement, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées dès midi. Un stand de crêpes, une tente avec une exposition pour informer sur les méfaits de l’agent orange, un puissant herbicide contenant de la dioxine produite pendant la guerre du Vietnam par Monsanto… Des familles, des jeunes et têtes grisonnantes se sont rassemblés contre les géants de l’industrie agroalimentaire. Une ambiance de kermesse.

Le 5 mars, entre 1500 et 2000 personnes ont manifesté contre l’entreprise Bayer (propriétaire de Monsanto) installée à Lyon.Photo : PL/Rue89Lyon.

Un peu plus haut, rue du Sergent Michel-Berthet, l’ambiance est tout autre. L’ »ultimatum » lancé il y a trois mois par les Soulèvements de la terre, exigeant que l’entreprise quitte la ville, a entrainé la mise en place d’un imposant dispositif de sécurité.

Les forces de l’ordre tournent autour du siège français de Bayer-Monsanto. En moins de 100 mètres, on dénombre pas moins de huit camions de CRS. Très régulièrement, des passants (dont l’auteur de ces lignes) se font contrôler leur identité et leur sac. « Je me suis fait contrôler trois fois en 200 mètres », rouspète un Ardéchois avec ses dreadlocks. Avant la manifestation, un numéro de téléphone est donné aux manifestants pour contacter la « legal team » en cas d’arrestation.

A Lyon, les manifestants acceptent un parcours sans passer par Bayer

Peu avant le départ du cortège, le trajet de la manifestation pose toujours question. Le rassemblement prévu devant le siège de l’industriel, situé à quelques centaines de mètres, semble compromis. « Je pense qu’on y va, mais je ne suis pas sûr », commente Clara, une membre du collectif Vietnam Dioxine.

Finalement, à la suite d’un arrêté préfectoral publié vendredi dans la soirée, interdiction de se rendre sur les lieux. Les organisateurs ont dû se rabattre sur un drôle de parcours.

Au programme : une marche le long des quais de Saône, remontant jusqu’au pont Schuman, avant de redescendre jusqu’au pont Koenig. Après quoi, retour sur la place Valmy. « Les organisateurs se sont fait avoir », commente un manifestant.

« Faut pas que nos paysans finissent au poste, ils travaillent demain », dit, en passant, un membre de la Confédération paysanne.

A Lyon, le siège de Bayer n’a pas pu être approché par les manifestants.Photo : PL/Rue89Lyon.

Une union malgré des méthodes différentes

Le syndicat agricole est venu en force ce samedi :

« Notre chance, c’est d’avoir une place dans les institutions. Malheureusement, on se rend bien compte qu’on avance pas beaucoup, commente Christine Riba, de la Confédération paysanne. On se dit que l’on doit s’unir pour être plus fort. Même si on a pas toujours les mêmes méthodes. »

Avant le départ, les organisateurs ont montré ainsi un front uni lors d’un point presse. Les Faucheurs volontaires, la Confédération paysanne, les collectifs en lutte contre les méga-bassines… Tous ont présenté des combats à Lyon, mais aussi dans les deux Sèves, à Besançon, etc.

Des clowns manifestent contre Bayer-Monsanto.Photo : PL/Rue89Lyon.

Dans le cortège, cette diversité de profils et d’origines géographiques se retrouve. Nombreux sont ceux à être venus de Paris, de la Drôme ou encore de Grenoble. « Enfin, originellement, de l’arrière-pays niçois », souligne Romain, 21 ans, étudiant qui voudrait se tourner vers l’agro-écologie. Non affilié à un mouvement, le jeune homme se bat contre les géants de l’agrochimie. Habitué des manifestations, il se reconnaît de plus en plus dans les actions directes menées, par exemple, par les Faucheurs volontaires.

« Elles donnent plus de visibilité à la cause, commente-t-il. Elles montrent aussi qu’on est une force capable de faire des choses. » 

500 personnes attendues, au moins 1500 à l’arrivée

Devant le cortège, Annie 67 ans, est-elle venue de la Loire. Avec son drapeau de la Confédération paysanne, elle est en lutte « contre Monsanto qui empoisonne les terres ». « Il y a du monde, c’est une bonne nouvelle », se satisfait-elle. A l’origine, les organisateurs assurent avoir tablé sur la venue de 500 personnes.

Le bloc à l’avant du cortège de la manifestation contre Bayer – Monsanto.Photo : PL/Rue89Lyon.

Derrière elle, un « bloc » ouvre la manif avec quelques rares Gilets jaunes. Certains militants, vêtus de noirs, entonnent les traditionnels chants « Nous sommes tous des antifascistes ». A certains moments, poussés par quelques membres d’Extinction rebellion, le cri « anti-capitaliste » devient, avec les mêmes intonations, « anti-agrochimie ». Un semblant de convergence des luttes, au moins, sur le papier.

Des violences après la fin de la manifestation contre Bayer-Monsanto à Lyon

Après un parcours quasiment sans anicroche avec les forces de l’ordre, l’arrivée place Valmy, s’est sensiblement complexifiée pour les organisateurs. « On est venu pour quoi ? Pour se promener ? », s’énerve un manifestant, visiblement agacé de ne pas avoir pu se rendre au siège de l’entreprise.

Résultat : une fois la fin de la manifestation annoncée, une autre, sauvage, a débuté. Plusieurs personnes ont tenté de se rendre au siège de l’entreprise se retrouvant face à face avec les CRS. Après quelques jets de bouteilles puis quelques tirs de gaz lacrymogènes, un groupe de manifestant s’est rendu devant la mairie du 9e arrondissement.

Des manifestants ont retiré le drapeau français du fronton de la mairie.Photo : PL/Rue89Lyon

Se servant d’une sorte d’échelle laissée sur le côté, l’un d’eux a retiré les drapeaux européen et français du fronton de la mairie. Une action qui a entraîné immédiatement des tirs de lacrymo de la part des forces de l’ordre.

Sous les gaz, les stands ont dû plier bagage en catastrophe. À 17h 0, ils étaient encore une petite centaine autour du rond-point de la place Valmy. Dans la foulée, une vidéo montrant le drapeau français en train de brûler a été diffusé sur les réseaux sociaux. Mise en ligne par le groupe antifa lyon (Gale), cette dernières porte le titre « Les nations détruisent la planète. Fuck Nations, Fuck Bayer. »

Une action qui a été condamnée immédiatement par la préfecture. 12 interpellations ont eu lieu et cinq autres lors de l’action du matin à Limas, selon la préfecture. Le préfet annonce avoir saisi le procureur de la République après l’incendie du drapeau.

L’après « manifestation » a été émaillée par des jets de bouteilles et des tirs de lacrymo.Photo : PL/Rue89Lyon.

#Antifascistes

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