Des drapeaux tricolores, parfois siglés d’une croix de Lorraine ou d’un cœur vendéen et une banderole « les gens comme nous n’abandonnent jamais », en tête. C’est la recette des cortèges du collectif Lyon pour la Liberté, qui manifeste tous les samedis contre le pass sanitaire, en son nom propre, dans les rues lyonnaises depuis fin octobre.
A l’époque, les manifestations déclarées par le collectif et son leader Thibault Pillet, 24 ans, peinent à rassembler plus de quelques centaines de personnes. Mais depuis le 8 janvier, alors que le débat sur le pass vaccinal agite l’Assemblée Nationale, le cortège anti-pass lyonnais reprend du poil de la bête.
Sans atteindre le niveau des mobilisations de l’été, Lyon pour la Liberté a réuni respectivement 2000 et 1500 personnes en manifestation lors des samedi 8 et 15 janvier, d’après la préfecture, et environ 4000 personnes selon les organisateurs.
Ce samedi 22 janvier, ils sont un millier selon la préfecture et 3800 d’après Thibault Pillet.
Une manifestation interdite de Presqu’île de Lyon
Pour le jeune homme, si le mouvement anti-pass est stoppé dans son élan, c’est la faute de la préfecture du Rhône. Ce week-end, celle-ci a interdit les manifestations sur une large partie de la Presqu’île : entre la place des Terreaux et la place Carnot, ainsi que dans une partie du Vieux Lyon.
Or, ces dernières semaines, le cortège de Lyon pour la Liberté a pris l’habitude de déambuler à partir de 14h de la place Bellecour, reprenant le rendez-vous traditionnel des Gilets Jaunes.
« Cette place nous offrait une bonne visibilité. Notre mouvement dérange Macron et les Français commencent à s’en rendre compte. Ils nous rejoignent. C’est pour ça que la préfecture nous a invisibilisés », dénonce Thibault Pillet.
Si l’on se fie à l’arrêté d’interdiction de manifester publié par la préfecture, c’est la potentialité d’une manifestation de Gilets jaunes non déclarée sur la place Bellecour qui a conduit à déterminer un périmètre d’interdiction. Nullement la manifestation de Lyon pour la Liberté.
« Une cinquantaine de personnes en ont empêché des milliers de manifester », continue le leader des anti-pass. Ce 22 janvier, sa manifestation se déroule donc entre la place du maréchal Lyautey et le parvis Renée Richard dans le quartier de la Part-Dieu.
« L’arrondissement le plus macroniste de Lyon »
Alors que la manifestation du jour s’élance, le micro retentit :
« Nous sommes dans le 6e arrondissement, c’est l’arrondissement le plus macroniste de Lyon. »
Et la foule de lancer en cœur le nouveau slogan des anti-pass sanitaire :«Macron, Macron, on t’emmerde», en référence à la petite phrase prononcées par le chef de l’État dans une interview donnée au Parisien : « J’ai très envie d’emmerder les non vaccinés».
Manifester dans le 6e arrondissement n’est pas vraiment une nouveauté pour le collectif Lyon pour la Liberté puisque ses manifestations ont parfois eu pour départ la place des Brotteaux. En véritable chauffeur de salle, Thibault Pillet donne de la voix tout au long du cortège. Les slogans comme « Liberté, Liberté », « Le pass vaccinal on n’en veut pas », sont largement repris et résonnent dans l’étroite rue Pierre Corneille, vide de passants.
A Lyon, manif anti-pass et anti vaccin
Bien plus qu’une manifestation anti-pass, l’événement du jour est aussi largement anti-vaccin et anti-média. Les théories complotistes sont promues, notamment celle du «Great Reset». Une théorie qui considère que le Covid-19 est l’occasion d’imposer un nouvel ordre mondial.
Le rejet du vaccin est clairement scandé dans la rue et des slogans : «TV, radio, collabos», repris à tue-tête. Sur le parcours, une manifestante distribue un tract conseillant de soigner le Covid avec des huiles essentielles ou du dioxyde de chlore. A son verso, il est conseillé de ne plus s’informer par la télé mais par des média tels que le site web d’extrême droite tvlibertés ou le site complotiste reinfocovid.fr.
Enfin, le dynamisme de la manifestation bénéficie de la présence d’un certain nombre de jeunes, ce qui n’échappe pas à une manifestante plus âgée. « La jeunesse est dans la rue », se réjouit-elle.
La Cocarde étudiante présente dans le cortège
Les jeunes, dont la présence enthousiasme cette manifestante, ne sont pas n’importe quels jeunes. Distinctement séparé du reste de la manifestation par une banderole « dictature sanitaire, jeunesse réfractaire » un cortège apparaît particulièrement animé. C’est celui de la Cocarde étudiante lyonnaise.
Ce syndicat étudiant d’extrême droite, notamment proche de Marion Maréchal-Le Pen, prétend combattre le « gauchisme culturel » dans les universités et s’enorgueillit d’être la seule organisation étudiante à être impliquée dans le combat anti-pass.
Au mégaphone, on trouve Sinisha Uroŝ, jeune candidat aux élections du Crous pour la cocarde étudiante de Lyon. Placé devant la banderole, il anime un groupe d’une vingtaine de personnes à grand renfort de slogans et de fumigènes.
L’extrême droite radicale en guise de service d’ordre officieux
D’autres groupes de jeunes sont particulièrement remarquables. À la différence d’un grand nombre de manifestants, ceux-ci portent des masques chirurgicaux, des caches-cols, voire pour certains – plus rares – des cagoules. Ils constituent le service d’ordre officieux de la manifestation et patrouillent sur les trottoirs, tandis que les manifestants monopolisent la route, en guettant de potentiels assaillants à chaque coin de rue.
Le lendemain de la manifestation, dimanche aux alentours de 13h, des photos et un message ont été postés sur le groupe Telegram « Ouest Casual », revendiquant la présence à la manifestation anti-pass du « Guignol Squad », un regroupement informel de militants néofascistes, identitaires et hooligans, formé durant les Gilets jaunes. Ce canal « Ouest Casual » rassemble plus de 14 000 followers. Il est connu pour diffuser de la propagande identitaire et néonazi ainsi que des vidéos d’agressions.
Dans leur dernier message Telegram, des menaces sont lancées aux militants antifas lyonnais :
« Ce samedi, mobilisation contre le pass sanitaire. […] Après une après-midi à les [les antifas, ndlr] chercher dans le quartier de la Part-Dieu et sur la presqu’île, un groupe sera finalement repéré au milieu de Bellecour. Heureusement pour eux, ils s’enfuiront en direction d’une voiture de police en nous voyant arriver, la leçon de mercredi semble avoir été intégrée. Courez tant que vous le pouvez, nous n’aurons jamais fini de vous traquer».
Comme nous l’expliquions dans de précédents articles, des membres de l’organisation d’extrême droite dissoute Génération Identitaire ou encore de Civitas avaient déjà été aperçus dans les manifestations anti-pass lyonnaises. Les militants de ces organisations assurent régulièrement le service d’ordre de certaines manifestations, notamment de celles contre la PMA pour toutes.
La semaine précédente, à Paris, des centaines de militants d’extrême droite avaient pris la tête de la manifestation anti-pass organisée par Florian Philippot et sont soupçonnés d’avoir effectué des saluts nazis.
Interrogé sur la présence de l’extrême droite dans la manifestation anti-pass, l’organisateur, Thibault Pillet, se montre catégorique :
« Nous ne sommes pas concernés par cela, vous ne verrez pas de mains tendues dans nos cortèges.»
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