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Gouvernance, communes : la Métropole de Lyon en crise de croissance ?

Courrier de 45 maires « frondeurs », menaces de départ de la collectivité… Voilà la Métropole de Lyon en crise ? Depuis quelques mois, les relations entre l’exécutif de la Métropole de Lyon et les communes achoppent sur la place de ces dernières au sein de cette nouvelle et puissante collectivité locale.

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siège de la Métropole de Lyon, rue du Lac (Lyon 3ème). © Guillaume Bernard/Rue89Lyon

Ce vendredi soir, des maires et conseillers métropolitains, de la majorité et de l’opposition, ont pu en (re)discuter publiquement à l’initiative d’un groupe de réflexion dans un cadre différent de l’assemblée métropolitaine.

La Métropole de Lyon est-elle en pleine crise de croissance ? Les récentes bisbilles politiques au sein de l’assemblée métropolitaine le laissent en effet penser. L’enjeu concerne la place des communes dans cette structure ancienne mais toute nouvelle collectivité locale.

L’ancienne intercommunalité du Grand Lyon a laissé la place à la Métropole de Lyon depuis le 1er janvier 2015 dotée d’un statut de collectivité locale à statut particulier.

En 2020, les premières élections métropolitaines au suffrage universel direct ont achevé sa transformation. Au moins temporairement.

La Métropole de Lyon ferait-elle l’expérience de la démocratie ?

Ce changement institutionnel ainsi que la mise en place d’un nouveau mode de scrutin portaient certainement en eux les germes des tensions actuelles. D’une super assemblée des maires des communes de l’agglomération, le Grand Lyon est devenu une assemblée nationale locale qui n’est plus exclusivement composé d’élus municipaux. Avec le transfert des compétences du département du Rhône, voici donc la mise en place d’une sorte de chambre parlementaire locale et d’un gouvernement central sur son territoire.

Certaines communes accusent alors l’exécutif métropolitain de gouverner sans les communes. Elles se disent moins consultées et associées aux décisions. Au-delà des postures politiciennes, la tension actuelle pose au moins la question de la place de l’échelon communal et de son rôle au sein de cette nouvelle collectivité locale, pour l’heure unique en France.

Vendredi 19 novembre, le groupe de réflexion Nouvelles Rives, lancé notamment par des proches de David Kimelfeld, ancien président LREM de la Métropole de Lyon, avait convié plusieurs élus à en parler. Dans un cadre moins propice aux jeux de rôle de l’hémicycle métropolitain. Béatrice Vessiller (EELV) et Renaud Payre (Gauche Unie), respectivement vice-présidents à l’urbanisme et au logement ont échangé avec les conseillers métropolitains d’opposition Marc Grivel (Synergies), ancien 1er vice-président et ex-maire divers-droite de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or et Alexandre Vincendet (LR), maire de Rillieux-la-Pape.

Débat sur les relations entre communes et Métropole de Lyon avec Renaud Payre, Béatrice Vessiller, Marc Grivel, Alexandre Vincendet et Stéphane Cadiou organisé par le think tank Nouvelles Rives le 19 novembre 2021.Photo : BE/Rue89Lyon

« La Métropole de Lyon a en elle un pouvoir auto-destructeur »

« Ce que vous allez faire ne sera qu’une expérimentation, faite d’allers-retours et de bricolage. Dans le monde, les exemples de métropoles montrent qu’il n’y a pas de modèle. La règle serait plutôt que ce sont des organisations faibles », a rappelé Stéphane Cadiou, professeur et spécialiste des collectivités locales à l’université Jean Monnet (Saint-Étienne), invité sur scène avec les élus.

Un point semble faire consensus : la mise en place d’une élection des élus métropolitains au suffrage universel direct crée une situation de double légitimité au sein du conseil de la Métropole. Constitué de maires, élus dans leurs communes et de simples conseillers métropolitains, tous dans cette assemblée se prévalent d’une légitimité issue des urnes.

Pour Marc Grivel, cette situation menace directement l’existence de la Métropole de Lyon :

« C’est un pouvoir autodestructeur ».

« Maintenant on n’a plus besoin de faire plaisir au Val-de-Saône pour avoir une majorité »

Mais il est difficile désormais de revenir en arrière maintenant que les citoyens ont pu élire directement leurs élus de la Métropole de Lyon.

« Ce mode de scrutin change le rapport aux élus métropolitains. Auparavant, nous étions des élus au 3e degré, issus ou fléchés des et sur des listes aux élections municipales. Et ceux parmi nous qui allaient siéger par exemple au Sytral (organisme de gestion des transports en commun, ndlr) étaient des élus au 3e degré », a prolongé Béatrice Vessiller.

Un changement institutionnel qui permet notamment de dégager une majorité forte. Finie donc la situation des précédentes majorités plutôt baroques autour de Gérard Collomb ou David Kimelfeld.

« On n’a pas besoin d’aller faire plaisir au Val-de-Saône pour avoir une majorité. On répartit plus équitablement notre budget de proximité», a lancé Béatrice Vessiller à Marc Grivel, dont le groupe de maires de droite et centre-droit de petites communes du secteur et qu’il présidait assurait la majorité…à la gauche.

La Métropole de Lyon, un « pouvoir central » à décentraliser dans les communes ?

Pour Renaud Payre, la mise en place de la Métropole de Lyon en tant que collectivité locale rappelle celle des régions dans les années 1980. Une mise en place accompagné de questionnements et craintes des échelons inférieurs face à l’arrivée d’un nouvel échelon. Toutefois, dans la relation avec les communes comme avec ses habitants, la Métropole doit descendre encore plus à hauteur d’engueulade :

« Il faut décentraliser l’exercice du pouvoir sur le territoire ».

Le vice-président à l’habitat, au logement et à la politique de la ville a insisté sur le travail de concertation et d’échange « quotidien » avec les communes. Rejoignant ainsi Marc Grivel sur ce point, pour qui la Métropole de Lyon serait trop autoritaire dans son fonctionnement :

« La Métropole de Lyon est un pouvoir central et il faut l’analyser en tant que tel. C’est un pouvoir fort, parce qu’elle a notamment l’argent. C’est aussi un pouvoir vertical dans l’exercice du pouvoir et cela crée les crispations qu’on connaît.»

Une façon peut-être, et sans le dire, de critiquer le style de l’actuel président Bruno Bernard (EELV). Une critique qui pourrait toutefois s’appliquer également à celui de Gérard Collomb puis de David Kimelfeld dont il a été le premier vice-président à la Métropole de Lyon. Mais à l’époque les équilibres politiques étaient plus fragiles et plus à son avantage.

Les communes, un paradis perdu dans l’enfer de la Métropole de Lyon ?

Marc Grivel a alors défendu l’existence des communes et leur utilité. Sur l’air parfois du paradis perdu ou en voie de disparition. Bien qu’elle se soit faite par la loi, la Métropole de Lyon n’existe selon lui que parce que les communes ont accepté sa création et un transfert de compétences. Des communes progressivement dépouillées de leurs compétences ou de leurs ressources comme la taxe d’habitation. À qui il ne reste quasiment que le pouvoir et la maîtrise des permis de construire :

« Surtout nous ne l’enlevait pas, ainsi que la clause de compétence générale, sinon il y aura des gens dans la rue ».

Pour Renaud Payre, l’existence de l’échelon communal n’est pas menacée. Mais dans une sorte de fin de non-recevoir institutionnelle, il a rappelé à plusieurs reprises que la loi consacre la non subordination d’une collectivité locale sur une autre. En clair, les communes ne peuvent pas imposer leurs choix à la Métropole de Lyon. Et inversement. La question du pouvoir d’attribution des permis de construire pourrait alors s’avérer centrale.

« Les menaces de maires de ne pas délivrer des permis de construire pour la construction de logements sociaux alors qu’il y a actuellement une demande satisfaite sur dix, c’est irresponsable.».

Pour Marc Grivel, la commune est un échelon essentiel à la Métropole. Notamment car cette dernière « ne pourra jamais faire le dernier kilomètre ». Pour la mise en place des politiques publiques, les communes sont indispensables à ses yeux pour les mettre en place.

Alexandre Vincendet, maire LR de Rillieux-la-Pape et conseiller métropolitain d’opposition lui a emboîté le pas.

« L’échelon communal c’est le plus souple, le plus rapide et le plus « démerde ». On le voit depuis la crise du Covid.»

Pour Alexandre Vincendet, il faut fondre les communes ou revenir à une intercommunalité

Alors dans quelle direction faire grandir cet enfant ou adolescent que serait la Métropole de Lyon ? Tous plaident pour davantage de proximité avec le terrain et les habitants. Du côté des « frondeurs » on insiste toutefois sur un « retour des communes dans la Métropole de Lyon ».

Pour Marc Grivel, la conférence des maires, n’est qu’un pouvoir consultatif des communes, «un lot de consolation » de la loi Maptam organisant notamment le périmètre de la Métropole de Lyon.

Pour Alexandre Vincendet, la direction à prendre est celle d’un retour à l’intercommunalité renforcée qu’était le Grand Lyon. Demandant à l’assistance qui pouvait citer plusieurs conseillers métropolitains de son secteur en comparaison aux maires, le maire de Rillieux-la-Pape a déroulé son argumentaire :

« Nous les maires sommes plus légitimes que les conseillers métropolitains. On est plus identifiés. On ne va pas se raconter des histoires, la Métropole de Lyon a été voulue par un homme, Gérard Collomb, qui voulait la représider après s’être partagé le gâteau avec Michel Mercier (ancien président du conseil général du Rhône, ndlr). Il faut avoir l’honnêteté de se dire que la Métropole est au service de ses territoires et qu’elle reste une intercommunalité. On a réduit le pouvoir des communes mais il n’y a pas de Métropole de Lyon sans communes.»

Se faisant plus explicite, il a dressé les deux évolutions possible à ses yeux pour le futur de la Métropole :

« Soit un donne un pouvoir total à la Métropole, on fusionne toutes les communes pour n’en faire qu’une seule. Soit les maires reviennent dans l’assemblée métropolitaine», laissant clairement comprendre qu’il penchait pour un retour à l’intercommunalité.

Il ne perd pas de vue les campagnes électorales à venir et notamment la prochaine élection métropolitaine de 2026.

« Pour l’instant ça fonctionne parce que les majorités à la Ville de Lyon et à la Métropole sont alignées. Mais techniquement les règles électorales permettent d’avoir des majorités différentes. On peut très bien se retrouver avec une opposition entre Lyon-Villeurbanne et le reste de la métropole. Imaginez une majorité différente en 2026, le président de la Métropole pourra très facilement pourrir la vie du maire de Lyon et par exemple faire du tout bagnole», a t-il avancé avec un sourire narquois.

Et pourquoi pas « expérimenter la démocratie » ?

Et pour lui, les prochaines élections législatives pourraient être l’occasion de reparler du cadre institutionnel et de compétences de la Métropole. Promettant même, pour lui, futur candidat de son camp, de futures propositions en ce sens durant la campagne.

À défaut d’avoir passionné avec ses propres élections, la Métropole de Lyon pourrait s’inviter dans la campagne législatives. C’est ce que veut croire le maire de Rillieux-la-Pape et patron de la fédération LR du Rhône. D’ici là, tous les acteurs se retrouveront dans l’hémicycle métropolitain pour faire grandir le bébé.

Pour Stéphane Cadiou, la Métropole de Lyon serait, comme d’autres collectivités locales, symbolique de la décentralisation imparfaite à la française. Soit une institution où se recrée un pouvoir présidentiel autour de l’exécutif et de son chef.

« On a dupliqué le présidentialisme mais pas la démocratie. Pourquoi pas expérimenter un bicamérisme (l’existence de deux chambres représentant les citoyens et les territoires, comme l’Assemblée Nationale et le Sénat, ndlr) pour représenter les habitants et les villes ? L’écueil actuel réside aussi dans le fait que la société civile n’est pas encore organisée à l’échelle de la métropole. Alors la démocratie se développe seulement dans les mains des élus. »


#conseil métropolitain

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