Les élections métropolitaines 2020 resteront en tout point extraordinaires. La Métropole de Lyon, collectivité territoriale à statut particulier, a été la première du genre à voir le jour en 2015 en France. Son assemblée était jusque-là l’émanation des conseils municipaux des communes qui la composent. En 2020, pour la première fois, les élus métropolitains ont été élus au scrutin universel direct.
Par ailleurs, ces élections se sont déroulées dans un contexte très particulier, marqué notamment par la crise sanitaire naissante du Covid. Le premier confinement a ainsi été annoncé le 14 mars 2020, veille du premier tour. Le second tour, prévu une semaine plus tard, s’est finalement tenu en juin.
Au-delà de ce baptême, ces élections métropolitaines présentaient de nombreux enjeux :
- allaient-elles mobiliser à la hauteur des compétences et du pouvoir de la collectivité sur son territoire ?
- favoriseraient-elles l’émergence d’une réelle campagne électorale sur des enjeux métropolitains ?
- le rapport de force politique et la gouvernance de la Métropole de Lyon allaient-ils s’en trouver modifiés ?
Les résultats de ces élections, marquées par une large victoire des écologistes de Bruno Bernard et de leurs alliés de gauche, ont constitué une véritable transition dans la vie politique métropolitaine. Par ailleurs, les différentes candidatures, notamment les dissidences au sein de la majorité sortante LREM (Gérard Collomb et David Kimelfeld), puis les alliances dans l’entre-deux tous, avec celle inattendue entre la droite de François-Noël Buffet et Gérard Collomb, ont peut-être paradoxalement quelque peu clarifié le paysage politique local.
Résultats des élections métropolitaines 2020 : une victoire nette des écologistes
À l’issue du second tour des élections à la Métropole de Lyon 2020, la liste menée par l’écologiste Bruno Bernard l’a largement emporté. À la tête d’une liste d’union de la gauche autour des écologistes, il a été élu président de la Métropole de de Lyon pour le mandat 2020-2026. Sa majorité compte 84 élus sur les 150 sièges du conseil de la Métropole de Lyon.
Résultats du premier tour des élections à la Métropole de Lyon 2020
Le 15 mars 2020, au soir du premier tour, les résultats pouvaient laisser augurer d’un second tour relativement serré. À l’échelle de la métropole, les résultats voyaient les écologistes, menés par Bruno Bernard, en tête :
Résultats des principaux candidats :
- Bruno Bernard (Europe Écologie Les Verts) : 22,6 % des suffrages exprimés.
- François-Noël Buffet (Les Républicains et divers droite) : 17,7 %
- David Kimelfeld (La République en marche dissident) : 17 %
- Gérard Collomb (La République en Marche – Modem) : 15,7 %
- Renault Payre (Parti Socialiste, PCF et alliés) : 8,05%
- Andrea Kotarac (Rassemblement National) : 7,6%
- Abstention : 64,13 % des inscrits.
Ce premier tour a représenté une gifle pour Gérard Collomb. Concepteur et premier président de la Métropole de Lyon, il a laissé la présidence à son départ au ministère de l’Intérieur en 2017 dans la foulée de l’élection d’Emmanuel Macron à laquelle il avait activement participé. Il se voyait alors reprendre « son bien ». Il arrive finalement en quatrième position. Pire, il est devancé par son successeur et dauphin, David Kimelfeld, finalement candidat dissident LREM face à lui.
Voici le détail des résultats du premier tour des élections métropolitaines 2020 de toutes les listes dans l’ensemble des circonscriptions de la métropole de Lyon :
Second tour des élections à la Métropole de Lyon : une large majorité pour les écologistes
Au second tour, le 28 juin 2020, la victoire des écologistes s’est confirmée. Entre temps, ils ont fait alliance avec les listes menées par Renaud Payre (PS-PCF) et celles de Nathalie Perrin-Gilbert (LFI-Gram) uniquement présentes dans les circonscriptions de Lyon. David Kimelfeld (LREM dissident) s’est maintenu sans faire d’alliance. Quant à Gérard Collomb, il a noué une alliance inattendue avec la droite au profit de laquelle il s’est désisté laissant François-Noël Buffet briguer la présidence de la Métropole de Lyon.
La victoire des écologistes est très large :
- Bruno Bernard (Europe Écologie Les Verts – PS – PCF – LFI) : 42,4 % des suffrages exprimés.
- François-Noël Buffet (Les Républicains – divers droite – LREM) : 24,25 %
- David Kimelfeld (LREM dissident) : 20,15 %
- Andrea Kotarac (Rassemblement National) : 2,25 % (les listes ne s’étaient pas maintenues dans toutes les circonscriptions)
- Abstention : 68,46 % des inscrits.
Les résultats du second tour, grâce au scrutin de listes avec prime au vainqueur, assurent ainsi une très large majorité à l’union de la gauche. Et particulièrement aux élus écologistes, principal groupe au sein de la majorité métropolitaine (58 élus sur les 84 de la majorité). Forts de leurs résultats au premier tour, les écologistes n’avaient laissé que des miettes à leurs alliés de gauche (socialistes, communistes et Insoumis).
Voici les résultats détaillés du second tour des élections métropolitaines 2020 dans toutes les circonscriptions de la métropole de Lyon :
Voici la composition du conseil de la Métropole de Lyon pour le mandat 2020-2026 :
La victoire des écologistes lors de ces élections à la Métropole de Lyon 2020 est très nette. Une victoire en partie permise par la division du camp de la majorité sortante (PS devenue LREM). Toutefois, leur victoire comme les défaites de leurs adversaires sont à analyser avec prudence. Comme aux élections locales ailleurs en France, les élections à la Métropole de Lyon ont connu un très fort taux d’abstention. Avec seulement 30 % de participation environ au second tour, difficile de proposer des lectures définitives de ces résultats.
On peut toutefois noter différents éléments :
- les électeurs ont globalement voté pour la même étiquette politique aux élections municipales et aux élections à la Métropole de Lyon.
- le vote écologiste a été le plus fort, en proportion, dans les circonscriptions de Lyon et de Villeurbanne. En dehors du centre urbain, le vote écologiste a connu des scores élevés dans des secteurs du Val de Saône où se retrouve une population plutôt jeune et diplômée.
- la droite a compté sur certains de ses maires bien implantés pour sauver quelques sièges. Sa stratégie d’alliance avec Gérard Collomb (LREM-Modem) a été un échec.
- La République en marche perd Lyon et la Métropole, terre du macronisme et ses deux premières et principales collectivités locales
Élections métropolitaines 2020 : quels enjeux ont marqué la campagne ?
Une campagne locale marquée par des enjeux nationaux
Comme ailleurs en France, la campagne des élections métropolitaines 2020 à Lyon a été marquée par les thématiques liées à l’environnement. Dans la foulée des élections européennes de 2019 réussies, les écologistes ont ainsi bénéficié d’un terrain plutôt favorable pour installer leurs thématiques au centre de la campagne.
De ce point de vue, il n’est donc pas surprenant que le projet de l’Anneau des sciences soit un des rares sujets, si ce n’est le seul, à avoir rythmé tout du long la campagne électorale. Ce projet de bouclage du périphérique lyonnais à l’ouest de l’agglomération, essentiellement sous tunnel, a été un fil rouge de la campagne des élections métropolitaines. Obligeant chaque candidat à se prononcer en faveur ou non de sa réalisation.
Un découpage de la métropole de Lyon en circonscriptions qui complexifie l’émergence des enjeux
Le mode de scrutin choisi pour ces élections métropolitaines de 2020 correspondait globalement à celui des élections municipales (pour les communes de plus de 1000 habitants). A savoir : un scrutin de listes avec prime majoritaire pour la liste gagnante. La particularité tenait au fait que la métropole de Lyon était divisée en quatorze circonscriptions.
Les circonscriptions ont été découpées de façon à respecter un relatif équilibre démographique. Mais aussi géographique, en reprenant en partie le découpage des conférences métropolitaines des maires (une des instances consultatives de la Métropole de Lyon).
Portes du sud, Ouest, Lônes et coteaux, Rhône-Amont, Plateau-Nord… Les noms de ces nouvelles circonscriptions ne reflètent pas une unité géographique ou historique clairement identifiée aux yeux des électeurs. Elles ont bien souvent comme seule unité de regrouper des communes limitrophes.
Ce découpage en circonscriptions a aussi poussé certaines formations politiques à s’appuyer sur leurs élus locaux et leur notoriété. Et notamment les maires. Difficile alors de faire émerger une campagne métropolitaine quand elle est portée par des candidats concernés aussi ou avant tout par leur réélection dans leur commune.
Frais de campagne : les élections municipales mieux dotées que les élections métropolitaines
Les règles électorales en matière de remboursement des frais de campagne n’encouragent pas à l’émergence de ces nouvelles élections métropolitaines. En effet, les niveaux de frais de campagne autorisés pour les élections métropolitaines (équivalents à ceux pour les élections départementales) sont bien inférieurs à ceux permis pour une campagne municipale. Ce qui, au regard des compétences de la Métropole de Lyon par rapport à celles des communes, est au mieux une incongruité, au pire un paradoxe.
Ainsi, certaines formations politiques ont bien souvent couplé les deux élections dans leurs tracts et propagande électorale pour réaliser des économies. Les élections métropolitaines ont bien souvent été insérées dans la propagande pour les élections municipales. De ce point de vue, la tenue des élections métropolitaines en même temps que les municipales a pu contribuer à invisibiliser quelque peu les premières.
Les rapports de force politiques à l’issue de ces élections métropolitaines 2020
Les alliances ont fait (ré)apparaître un clivage droite-gauche presque traditionnel
Avant le premier tour, le paysage politique de la collectivité était particulièrement morcelé. La majorité sortante au conseil de la Métropole de Lyon était très hétéroclite. Constituée notamment de socialistes, d’anciens socialistes passés à LREM, d’écologistes « Collomb compatibles », de certains communistes et d’élus de centre-droit.
Dans un premier temps, le retour de Gérard Collomb fin 2018 après son passage au gouvernement d’Edouard Philippe, a semblé rajouter de la confusion. Il n’a pu retrouver son fauteuil de président de la Métropole de Lyon faute de soutien. Son passage au ministère de l’Intérieur a terminé d’achever son image « droitière » aux yeux de certains partenaires politiques, acquise au fil des ans et que son soutien à Emmanuel Macron avait déjà largement dessinée.
Enfin, l’alliance de circonstance de Gérard Collomb avec la droite dans l’entre-deux tours pouvait brouiller totalement la lecture du paysage politique. Ce retour manqué de Gérard Collomb et son alliance inattendue avec la droite dans l’entre-deux tours ont peut-être finalement permis d’éclaircir le paysage politique. Face au bloc de gauche autour des écologistes et ressemblant à une « gauche plurielle », cet attelage entre Gérard Collomb et la droite lyonnaise a en quelque sorte constitué une sorte un bloc de droite et centre-droit.
De ce point de vue, les élections métropolitaines de 2020 ont permis de « répartir » plus clairement les élus sortants de la majorité. Avec un bloc centriste autour de David Kimelfeld (LREM dissident), un bloc de droite et centre-droit autour de Gérard Collomb et un bloc de gauche autour des écologistes.
Les coudées franches pour la majorité au conseil de la Métropole de Lyon et une nouvelle règle du jeu dans l’exercice du pouvoir et des relations avec les communes ?
Le nouveau mode de scrutin a également joué un rôle important dans la composition du nouvel hémicycle métropolitain. Calqué sur les élections municipales, ce scrutin de listes avec prime majoritaire au vainqueur dans chaque circonscription a fait passer la Métropole de Lyon dans une nouvelle ère des rapports de forces politiques.
Le mode de scrutin permet désormais de dégager une majorité claire. Les écologistes et leurs alliés bénéficient d’une majorité conséquente : 84 élus sur 150. Il n’est pas sans conséquence également sur le mode de gouvernance. Il permet, d’une certaine manière, de « gouverner sans les maires » des communes de la Métropole.
Même s’il existe des instances de consultation des maires de la métropole de Lyon, l’exécutif métropolitain s’appuie désormais sur une majorité politique plus homogène qui lui permet de mettre en œuvre sa politique. Surtout, en déconnectant les élections municipales et métropolitaines, les nouveaux élu·es de la Métropole de Lyon ne sont plus nécessairement des maires ou conseillers municipaux.
Auparavant, les élu·es de la Métropole étaient issu·es par fléchage des listes aux élections municipales. Si on compte quelques doubles mandats (municipal et métropolitain) dans le nouvel hémicycle métropolitain, cette nouvelle Métropole de Lyon n’est plus qu’une grande assemblée élargie des maires du territoire.
Certaines communes de la Métropole de Lyon s’estiment désormais reléguées et demandent davantage de consultation de la part de l’exécutif métropolitain. Jusqu’à menacer de quitter la collectivité (ce qui dans les faits au regard de la loi Maptam est très difficile, pour ne pas pas dire impossible).
Ces crispations sont en partie le fruit de postures politiques. À la tête de ces « frondeurs » se trouvent notamment des maires issus de l’opposition comme Alexandre Vincendet, maire LR de Rillieux-la-Pape ou Philippe Cochet, maire LR de Caluire-et-Cuire. À leurs yeux, les écologistes se montreraient bien souvent « sectaires » ou « dogmatiques » notamment dans leur exercice du pouvoir. Les communes contre la Métropole est donc aussi un moyen d’entonner ce refrain pour l’opposition.
Toutefois, ces rapports conflictuels sont peut-être aussi peut-être le signe de changements institutionnels plus profonds et durables. Si c’est le style des écologistes dans leur exercice du pouvoir qui est critiqué, la place des communes dans cette nouvelle Métropole de Lyon reste sous-jacente. Et un véritable enjeu pour la collectivité dans son rapport avec son territoire. À l’heure où elle est dotée de compétences encore plus larges qu’auparavant.
La Métropole de Lyon, est la première collectivité de ce type à voir le jour en France. Elle est censée préfigurer le visage des futures grandes agglomérations françaises. Pas certain pour l’instant que le modèle de la Métropole de Lyon donne envie d’être dupliqué.
L’importance de Lyon et Villeurbanne dans le rapport de force entre territoires
La ville centre, Lyon, ainsi que Villeurbanne, concentrent plus d’un tiers des sièges de la nouvelle assemblée. Alors qu’elles représentent environ la moitié de la population. Mais en réalité leur poids est crucial.
Ainsi, 52 des 84 élus écologistes et de gauche de la nouvelle majorité sont issus des circonscriptions de Lyon et de celle de Villeurbanne. Ces sept circonscriptions représentent un peu plus du tiers des sièges du conseil de la Métropole. Elles ont assuré aux vainqueurs quasiment les deux tiers de leurs élus.
Par ailleurs, le découpage des circonscriptions devient primordial. Malgré le relatif équilibre démographique, il accentue le poids des grandes villes. Un exemple constaté dans la circonscription Lônes-et-Côteaux. Là, la courte victoire de la liste d’union de la gauche a été en grande partie acquise grâce au résultat à Oullins et Givors, les deux communes les plus peuplées. Elle a terminé en deuxième position dans toutes les autres communes de la circonscription.
Faut-il déjà modifier le mode de scrutin des élections à la Métropole de Lyon ?
Des élections qui encouragent au cumul des mandats ?
Ce nouveau mode de scrutin a montré pour l’heure davantage de conséquences négatives en ce qui concerne notamment le renouvellement des pratiques politiques.
Nous avons évoqué les plafonds de dépenses plus faibles pour les élections métropolitaines que pour les élections municipales. Cela a donc favorisé des doubles candidatures en tête de liste aux deux élections. Une situation qui pourrait ne pas aider au renouvellement des élus et qui oblige les partis comptant le moins de personnel politique à procéder à ces doubles candidatures.
Le découpage du territoire en circonscriptions a aussi eu des effets pervers. La constitution des listes a parfois donné lieu à des « parachutages ». L’échelle ou l’ampleur ne sont évidemment pas les mêmes qu’au plan national. Toutefois, le découpage territorial incite au maintien de ces pratiques d’appareils politiques, pour trouver des points de chute favorables ou faire de la place à tous les partenaires.
Organiser les élections à la Métropole de Lyon à un autre moment que les élections municipales ?
Par ailleurs, l’organisation des élections métropolitaines en parallèle des élections municipales n’est peut-être pas un service rendu aux premières. La campagne électorale a montré, notamment pour les candidats aux municipales à Lyon, qu’il était assez difficile de séparer les enjeux municipaux et métropolitains. Par nécessité ou par choix politique délibéré. Les isoler dans le calendrier électoral obligerait sûrement à une véritable campagne métropolitaine.
Dans certains territoires, le comportement électoral n’a pas été identique aux deux élections. À Villeurbanne ou dans le Val-de-Saône notamment. Preuve peut-être que les électeurs ont déjà su percevoir les enjeux des deux scrutins malgré leur concomitance.
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