« Expulser, expulser… C’est ça leur hospitalité ! »
Jeudi fin de journée, des cris se font tout à coup entendre au « Château », à Villeurbanne (lire par ailleurs). A 17 h 30, une vingtaine de militants se sont invités au point presse consacré à la semaine de l’hospitalité. Un événement conjointement organisé par la Métropole et les Villes de Lyon et Villeurbanne.
Alors que les élus présentaient une semaine voulant promouvoir les valeurs de l’accueil et de l’accès à un toit, des militants, soutiens d’habitants de squats, sont venus reprocher à la Métropole de Lyon sa demande d’évacuation d’un de ses bâtiments… la veille, mercredi 13 octobre. Celui-ci devait être occupé par des habitants de l’ex-squat de Feyzin, lui même évacué le 16 septembre dernier.
À ce moment, la scène jouée devant une trentaine d’élus et de représentants d’associations fait tache. Pourtant, elle n’a semblé étonner personne. En annonçant leur « semaine de l’hospitalité », les collectivités ont fait sauter au plafond bon nombre de collectifs.
« Les relations sont meilleures qu’à l’époque de Gérard Collomb, mais la situation est la même qu’en 2019 »
Dès mercredi 13 octobre, un autre réseau, celui des membres du collectif Jamais sans toit, s’était rassemblé devant la mairie de Lyon. Le réseau annonçait un nombre de 80 enfants sans-abri sur l’agglomération lyonnaise et 40 rien que sur la ville de Lyon. Un décalage important avec les promesses de campagne du candidat Grégory Doucet (EELV), aujourd’hui maire de Lyon. Celui-ci avait déclaré à Rue89Lyon « qu’aucun enfant ne devait dormir dehors. »
« Forcément, on est en colère, lâchait Raphaël Vulliez, du réseau avant de rencontrer le maire. Les chiffres gonflent depuis la rentrée, malgré nos avertissements. Au mois de novembre, nous allons encore nous retrouver avec 250 enfants à la rue. Certes, les relations sont bien meilleures avec la ville qu’à l’époque de Gérard Collomb, mais la situation est la même qu’en 2019. »
Face à « l’impatience » des collectifs, pour reprendre le mot du maire de Lyon, Grégory Doucet, les collectivités ont égrené les mesures prises jusqu’à présent. Conventionnement de deux squats, mise en place de Tiny Houses pour accueillir des femmes isolées et leurs enfants…
A Lyon, la ville a annoncé cette semaine la mise en place prochaine d’un plan « zéro enfant à la rue ». A la mi-novembre, il devrait permettre de mobiliser du foncier pour plusieurs familles. Le chiffre n’est pas encore clairement défini. Il pourrait être question d’une vingtaine de logements.
« On tiendra notre promesse [N.D.L.R : de ne laisser aucun enfant à la rue sur Lyon], on y travaille, a assuré à Ru89Lyon, Sandrine Runel (PS), adjointe au maire de Lyon en charge des Solidarités et de l’inclusion sociale. Mais on ne fera pas tout tout seul. Si on revient aux fondamentaux, ce n’est pas de notre compétence. »
Semaine de l’hospitalité : « La politique, c’est prendre des risques »
En effet, l’ouverture d’une vingtaine de logements par la Ville de Lyon ne résorberait pas tout. Si le geste est important, il peut paraître dérisoire face à l’ampleur du travail à réaliser.
« Malgré tout, nous sommes encore loin du compte et nous en sommes conscients, a admis Bruno Bernard (EELV). Je ne peux pas promettre que personne ne dorme à la rue d’ici la fin du mandat. Mais, il n’est pas possible qu’autant de personnes dorment dehors. »
Un avertissement d’usage repris par tous :
« Ce n’est pas une semaine d’auto-promotion », nous rappelait Renaud Payre, vice-président de la Métropole de Lyon en charge de l’habitat, du logement social et de la politique de la ville, en faisant référence à la semaine de l’hospitalité.
En effet, mais à ce stade difficile de faire la publicité du travail des collectivités dans cette situation. Dans ce cadre, lancer une « semaine de l’hospitalité n’était-il pas risqué ?
« La politique, c’est prendre des risques, répond le maire de Villeurbanne, Cédric Van Styvendael. On pourrait faire comme si tout cela ne concernait pas les collectivités et remettre cela sur le dos de l’État, comme cela a pu être fait avant nous. Mais non. Nous, nous assumons. »
Au passage, il rappelle avoir préempté un bâtiment pour accueillir les habitants d’un squat sur Villeurbanne. Il y a peu, il avait aussi réagi assez fermement à la coupure d’électricité du bailleur social la Semcoda dans un squat.
« Je suis tranquille sur le travail entrepris jusqu’à présent de ce côté là », assure-t-il.
L’enjeu : réussir à sortir de ses compétences pour travailler ensemble
Un discours volontariste. Reste à voir où il mènera sur le terrain.
« Il serait grand temps de décloisonner les compétences État, Métropole et Ville, note à propos Maud Bigot, directrice du pôle urgence d’Alynea. Il faut partir du terrain pour gérer ça. On a tendance à gérer la situation au coup par coup. Et le résultat ? C’est qu’il y a des enfants à la rue. »
Du côté des élus, on assure que la manière de travailler a déjà changé.
« Ce travail commun a déjà permis l’ouverture de 300 places à Villeurbanne, commente en ce sens le maire de Lyon, Grégory Doucet. Je comprends qu’il y ait de l’impatience. Mais on n’a pas à rougir. On est au début de cette histoire. »
A l’approche de l’hiver, les questions autour de la fin du plan froid
Du côté de l’État, on fait valoir que 1 500 places ont été pérennisées depuis l’année dernière. A présent, pour la préfecture, place au changement de paradigme et au « logement d’abord », annoncé par la circulaire Wargon. Une circulaire qui prévoit notamment pour 2021 la pérennisation de places d’hébergement d’urgence en dehors de la période hivernale. La fin d’une gestion au « thermomètre » des demandes d’hébergement en somme.
Une bonne chose pour les associations qui induit tout de même un point majeur : la fin des plans grand froid. Habituellement, ces derniers permettent de libérer des places d’urgence pour l’hiver. Il n’y en aura pas cette année.
Or, cette semaine, 1187 personnes restaient sans solution d’hébergement après avoir appelé le 115, dont 560 membres de familles. Un chiffre comparable à celui connu par le service d’urgence l’année dernière. Sans les ouvertures habituelles du plan froid, la question du devenir de ces familles se pose. Et ce, à très court-terme.
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