Les deux allégories du Rhône et de la Saône furent commandées en 1714 par le maréchal de Villeroy – alors gouverneur du Lyonnais – à Nicolas et Guillaume Coustou. Ces deux frères originaires de Lyon, membres de l’Académie royale de peinture et de sculpture, avaient participé aux travaux de décoration
des châteaux de Versailles et de Marly.
Destinées à orner la statue de Louis de XIV, place Bellecour, elles furent placées en 1721 de chaque côté d’un piédestal monumental.
La Saône prend la forme d’une femme à l’air doux et paisible allongée sur un lion. Le Rhône, quant à lui, est représenté sous les traits d’un homme d’âge mur et vaillant avec, sous lui, un lion. Contrairement à la statue de la Saône, le lion est rugissant et tient, sous sa patte, poisson et produits agricoles, preuve de richesse et de domination des eaux du Rhône.
A l’abri dans l’hôtel de ville de Lyon
A la Révolution, leur sort faillit basculer. En 1792, un décret obligea la fonte des statues en bronze à l’effigie de Louis XIV. Le Rhône et la Saône furent quant à elles dépouillées de leur ornement en bronze et en marbre. Contrairement à la statue équestre, elles survécurent au supplice de la fonte grâce au maire de Lyon, Louis Vitet, qui les fit transporter dans l’atrium de l’hôtel de ville.
En 1825, le sculpteur François-Frédéric Lemot réalisa une nouvelle statue équestre de Louis XIV place Bellecour. Mais pour ne pas dénaturer son œuvre, il obtint que les bronzes des frères Coustou ne furent pas réinstallés.
Les statues des frères Coustou restèrent un siècle et demi dans l’hôtel de ville, avant de regagner, en 1957, sur l’initiative du maire Edouard Herriot, leur place au pied de la nouvelle statue de Louis XIV surplombant la place Bellecour.
Cette fois-ci, sur un socle plus petit, accessible à l’œil et au toucher, leur faisant perdre de ce fait leur qualité majestueuse.
Afin de leur assurer une meilleure protection, elle furent toutes deux classées au titre des monuments historiques comme objets mobiliers en 1959.
Des statues au cœur de la place Bellecour, témoins de bien des événements
Installées place Bellecour, les statues des frères Coustou, ont été témoins de bien des événements.
Lors du la finale de la coupe du monde de football France/Brésil en 1998, où encore en juillet 2009 lorsque les fans de Mickaël Jackson s’y sont retrouvées suite à l’annonce de son décès. Sans parler de la foule amassée autour de ces œuvres à la suite de l’attentat de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015 et de toutes les manifestations qui se terminent ou commencent sur la place.
Les Lyonnais se donnent rendez-vous sous la queue du cheval mais, aux pieds d’un impressionnant Louis XIV, les statues du Rhône et de la Saône ont fini par se fondre dans le décorum.
Pratiques comme bancs, utiles comme marche-pieds, toboggan ou tremplin pour diverses cascades urbaines, elles ont perdu leur caractère d’œuvre d’art.
Or ces statues sont avant tout des œuvres exceptionnelles, explique le Musée des Beaux-Arts de la Ville de Lyon dans son riche dossier de presse consacré à la sauvegarde des statues des frères Coustou qui nous a aider à retracer leur histoire :
« Il s’agit du dernier exemple de sculpture monumentale en bronze de cette époque [début XVIIIe siècle, ndlr] encore à l’air libre dans l’espace public. Dans les autres cas, les œuvres ont été mises à l’abri dans des musées, tels que le musée du Louvre ou le château de Versailles. […] Ces pièces sont d’autant plus précieuses qu’elles constituent de très rares vestiges des monuments érigés aux XVIIe et XVIIIe siècle sur les places royales en France, la quasi-totalité de ces œuvres ayant été détruites et fondues à la Révolution ».
Une restauration plus que nécessaire
Victimes de leur accessibilité, les statues ont été piétinées, gravées voire amputées (pour un doigt). Une restauration était donc plus que nécessaire.
La restauration, qui est avant tout une mise en sécurité des œuvres, avait pour objectif de stopper le processus de dégradation. L’une des restauratrices de ce projet, Gaëlle Giralt, nous explique la démarche :
« Ce sont des pièces importantes et majeures, d’une facture belle et fine. (…)« La décision fut de conserver cette aspect brut d’une sculpture destinée à une exposition extérieure. L’idée n’étant pas de rendre son aspect original aux statues, mais d’effectuer une restauration minimaliste. La déontologie des restaurateurs étant d’user de procédés toujours réversibles, et lisibles.»
Les choix concernant le processus de restauration sont le fruit de discussions entre la conservatrice du Musée des Beaux-Arts, Ludmila Virassamynaïken, la Direction Régionale des Affaires Culturelles (Drac) et la Ville de Lyon.
Mise à l’abri jusqu’à nouvel ordre au Musée des Beaux-Arts
La première étape de la restauration, la dépose, a été, à elle seule, pleine de péripétie. Le poids des œuvres tout d’abord a été source de crainte, notamment lors du transfert au sein du musée. Pour ce faire, les lignes à haute tension des bus place des Terreaux ont été coupées.
La dépose a réservé aussi son lot de surprises. Avec un monticule de détritus derrière chacune des statues. Une telle accumulation de déchets qu’un des restaurateurs, malgré ses précautions et sa paire de gants, a contracté la gale.
La restauration aujourd’hui achevée, les statues du Rhône et de la Saône vont s’installer au pied de l’escalier d’honneur du Musée des Beaux-Arts.
La prochaine à subir cette mise au propre sera celle de Louis XIV et de son fidèle destrier. Mais contrairement aux œuvres des frères Coustou, celle-ci devrait continuer à trôner sur la place Bellecour.
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