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La vie sous bracelet électronique : les difficultés à « revenir du néant »

Dans ce deuxième article, l’ancienne « prisonnière » revient sur les difficultés du retour à la vie « normale », hors des murs. Du bracelet électronique aux problèmes plus intimes, elle continue à nous raconter un parcours semé d’embuches.

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Bracelet de surveillance électronique

Les premiers pas avec le bracelet électronique sont faits. Avec succès ou non, il est encore trop tôt pour le dire. Une phase nouvelle s’entrouvre. Celle de l’installation dans un quotidien que je dois remodeler au gré des difficultés matérielles, et de celles plus intimes. Avec la même conviction : je n’ai pas le droit à l’erreur.

Commençons par la bonne nouvelle, quand il y en a une, c’est important de la souligner. Aucun nouvel incident technique n’est à déplorer, même si je suis prête à toute éventualité. Il est vrai que je manque de confiance en cette technologie qui me semble venu d’un autre siècle, notamment en comparaison avec ce qu’il est possible de faire aujourd’hui. Le calme est bienvenu de ce point de vue là, un peu de sérénité, quand bien même temporaire, est bonne à prendre. 

En quelques minutes, le concept de réinsertion vole en éclat

Malheureusement, tout n’est pas beau et rose, ce qui en soit me donne des choses à écrire… Tout de même, cette difficulté, j’aurais bien aimé la voir venir plus tôt. Une partie de mon projet si longtemps travaillé, étudié et réfléchi lorsque je me trouvais encore au sein de ces murs est tombé à l’eau. Quelques minutes pour faire voler en éclat le concept galvaudé de réinsertion.

Une partie des droits auxquels j’avais normalement accès ne se trouve, en résumé, plus du tout accessible. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir été accompagné par des professionnels censés répondre à ces interrogations. Je suis forcée de constater que les informations transmises étaient erronées.

Payer ses factures, la nouvelle priorité

Ma position est maintenant plus que délicate. Vont-ils payer mes factures le mois prochain ? Non, et ils s’en fichent bien. Pour autant, si je me loupe, ils ne manqueront pas de me le faire remarquer. Une fois cette nouvelle apprise, il faut agir. La recherche d’un emploi s’impose, sans pour autant tirer un trait sur mes ambitions premières. Un emploi, avec un bracelet électronique.. Moi qui était une habituée de l’intérim, avec mes horaires rien n’est simple. Mon cerveau semble bouillir sous les informations qui s’accumulent, sous le rythme de la vie. Le tourbillon m’emporte, il faut que je marque un temps d’arrêt.

Une fois cet arrêt effectué. Après une introspection sur moi-même. Je me dois d’aborder un angle plus personnel. Il me semble difficile à éviter, bien que complexe à écrire pour moi. Dans un monde tourné vers des générations qui confient leur intimité sur les réseaux, il s’agit pour moi d’un exercice nouveau. Je me lance.

Recommencer « l’air de rien » : une démarche bien compliquée

Impossible donc de ne pas parler de l’aspect psychologique d’une sortie de prison. Je dirais que ma construction, mon moi intérieur, rencontrent des secousses non prévues au programme. Après un parcours judiciaire lessivant, vidant, destructeur, comment retrouver la place souhaitée ? Après tout, quelle place je souhaite au juste ? Des questions existentielles que vous avez sûrement déjà rencontré. Revenir du néant et devoir recommencer l’air de rien me semble plus compliqué que prévu. 

Une partie de moi est vide, l’autre est rongée. Je ne sais pas comment assembler les deux. Mes rêves me semblent maintenant utopiques. Je ne sais pas arrêter de penser, ni me dire ce que je deviendrai. Le silence m’angoisse et me réconforte à la fois. Suis-je entrain de perdre pieds ou au contraire de reprendre vie?

Être accompagné, pour soi, comme pour la société

Le suivi psychologique des détenus sortant de prison est un sujet bien peu abordé. Il n’est pas rare de sortir sans aucune orientation précise. Une obligation de suivi psychologique est souvent demandée, certes, mais par qui? Où? Comment? Allez voir « quelqu’un » qui ne sait rien du monde carcéral ne sera constructif en rien, croyez moi sur parole. J’ai été étonné d’apprendre tardivement qu’il existait un Centre Médico-Psychologique axé sur ce public particulier.

Pourtant, il me semble incontournable de pouvoir être accompagné de manière correct. Pour soi, comme pour la société. D’autant, qu’il est rare de sortir de détention et d’être capable de payer des séances d’un psychologue libéral. Malheureusement, il est clair qu’il leur est impossible de traiter toutes le demandes. L’aspect « psychiatrique » est un domaine dans lequel les carences sont grandes, que l’on sorte de prison, ou non.

Des questionnements qui continueront de m’animer encore quelque temps. Peut être bien qu’un jour, je me reconnaîtrais enfin dans le miroir. Alors, les choses s’aligneront. La patience est sûrement mon meilleur allié sur ce chemin. Le parcours qui est le mien a sa part de complexité, je tâcherais de le retranscrire au mieux afin d’ouvrir une fenêtre sur nous, les invisibles aux bracelets.


#Justice

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