À deux pas du commissariat de police de Bron, subsiste un cinéma spécialisé dans l’Art et Essai : Les Alizés. Ce cinéma associatif compte deux salles pouvant accueillir 200 et 130 personnes. Bruno Moulherat y est chargé de l’accueil du public, il témoigne des difficultés successives auquel le cinéma a dû faire face depuis l’imposition du pass sanitaire.
Rue89Lyon : Comment se sont passés les débuts de l’obligation du pass sanitaire au cinéma Les Alizés ?
Bruno Moulherat : On a reçu les consignes du gouvernement littéralement la veille pour le lendemain, ça sentait un peu l’improvisation. Les premières annonces nous enjoignaient de vérifier non seulement les pass sanitaires à l’entrée du cinéma mais aussi les pièces d’identité. Le lendemain des premières annonces, il y a eu un discours du Premier ministre Jean Castex qui affirmait que finalement, on devait seulement vérifier les pass sanitaires. Aux dernières nouvelles, c’est les forces de l’ordre qui pourraient aléatoirement venir effectuer des contrôles d’identité dans les cinémas, mais la loi n’est pas encore passée. C’est un véritable investissement que de se tenir informé !
« Vérifier les pass sanitaires au cinéma prend du temps »
À quelles nouvelles difficultés avez-vous dû faire face avec le pass sanitaire ?
Pour l’instant on a un problème avec les « cas spéciaux ». L’économie du cinéma étant ce qu’elle est, il y a généralement une seule et même personne qui s’occupe des entrées dans une salle. Vérifier les pass sanitaires lui prend du temps, il suffit qu’au même moment arrivent des clients qui ont besoin d’être accompagnés, comme les personnes en situation de handicap par exemple, et on est débordés. En ce moment c’est gérable, car nous sommes dans une période creuse, celle de l’été. En revanche, ça risque d’être vraiment tendu en septembre.
Il y a aussi une ou deux personnes un peu remontées contre nous qui nous ont dit qu’ils auraient préféré qu’on ne vérifie pas les pass sanitaires et qu’on s’en tienne à la jauge de 49 personnes maximum, mais ç’aurait été compliqué. C’est vrai qu’on flirte souvent avec la barre des 50 spectateurs par salle mais on ne veut pas refuser les cinq ou six personnes qui arrivent derrière. En général, les gens comprennent ça.
Comment s’organisent les contrôles ?
Il y a deux manières de contrôler. Il y a ceux qui regardent les QR Codes, et ceux qui scannent les QR Codes (rires). Nous, on les scanne, ça prend du temps. De plus, souvent, on a de l’interprétation des documents à faire. Aux Alizés on accueille un public un peu grisonnant, qui s’est fait vacciner dans les premiers du pays, quand il n’y avait pas encore de QR Codes.
Ce n’est pas toujours facile de demander à un public un peu âgé de savoir bien manier son smartphone. Il faut qu’ils arrivent à télécharger l’application, scanner le QR Code du papier donné lors de la vaccination et le ressortir au cinéma trois semaines après. Ce n’est pas donné à tout le monde. Mais c’est exceptionnel, la majorité s’en débrouille bien. En général, on refuse 4-5 personnes par semaine, souvent parce qu’ils ont des résultats de test PCR trop vieux, de plus de 48 heures.
« À cause du pass sanitaire, on a dû annuler des séances de cinéma »
Quel impact l’obligation du pass sanitaire a-t-il eu au cinéma Les Alizés ?
Il y a beaucoup moins de personnes qui viennent au cinéma. Il y a plein de facteurs qui l’expliquent. Déjà, il y a eu une perte d’habitude depuis le premier confinement. Ensuite, les gens associent le cinéma au plaisir, à quelque chose de léger, donc si c’est contraignant, ils n’y vont pas. Enfin, les distributeurs ont reporté la sortie des « gros » films de l’été, comme par exemple le film « Eiffel ».
Les mordus de cinéma qui vont plutôt se tourner vers le cinéma Art et Essai, ils retournent en salles, c’est une certitude. En revanche, le public occasionnel, souvent plus jeune et moins vacciné qui se tourne vers les films dits « grand public », il ne va pas avoir envie de s’embêter avec un test PCR. Les producteurs ont compris ça, alors ils gardent leurs gros films au chaud pour le moment où tout le monde sera vacciné. Au final, les seuls blockbusters de l’été, c’est « Suicide Squad 2 » et « Fast and Furious 9 ». Nous, on ne les passe pas.
Les salles sont donc vides ?
On a dû annuler des séances, comme par exemple la projection d’ « Ainbo, princesse d’Amazonie » deux samedis d’affilée. Déjà, il s’agit d’un film d’animation pour enfants qui est resté plus longtemps en salle que prévu, car la sortie d’ « Hôtel Transylvania 4 » a été décalée, pour les mêmes raisons qu’ « Eiffel ».
En plus, c’est un film à destination des tout petits, et, à part si c’est leurs grands parents qui les accompagnent, leurs parents sont généralement jeunes donc non vaccinés. D’ordinaire, passé la première semaine de projection, ce genre de film reçoit une vingtaine de personnes par séance. Là, on est passés à zéro.
Il y a eu des films qui ont très bien marché cependant, comme Kaamelott par exemple, qui attire des publics très différents. Il y a un peut-être un petit effet Alexandre Astier, car il est lyonnais.
« On perd de l’argent, c’est sûr »
Comment va la trésorerie ?
Bruno Moulherat : On perd de l’argent c’est sûr. On a eu des aides pendant toutes les périodes de fermeture. Le gouvernement a évoqué la mise à disposition de nouvelles aides pour pallier aux pertes engendrées par le pass sanitaire. On attend d’en savoir plus.
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