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Lyon : « Ils sont en train de créer un climat de rupture à la Sauvegarde » 

Témoignage de deux couples qui ont vécu toute leur vie à la Sauvegarde, au coeur de la Duchère. Les habitants ne sont pas toujours très confiants à l’approche des rénovations.

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Ben*, habitant de la Sauvegarde depuis 1994. ©LS/Rue89Lyon

Martine* et Ben* (prénoms d’emprunt) ont 62 et 70 ans, ils habitent la Sauvegarde depuis 1994. Aujourd’hui, ils vivent dans la barre 550, mais jusqu’en 2007, ils logeaient dans un autre appartement, situé sur l’avenue de la Sauvegarde. Ils ont toujours vécu en logement social :

« C’était un joli appartement de Grand Lyon Habitat, mais nos quatre enfants étaient grands, on n’avait plus besoin d’un T4. On est donc partis pour que quelqu’un qui en avait besoin puisse en profiter. » 

Le couple avait alors candidaté pour bénéficier d’un nouveau logement social, ils sont alors envoyés à la Croix Rousse (Lyon 1er). Ben témoigne :

« C’était horrible, l’immeuble était en mauvais état, ce n’était pas aussi vert qu’ici. L’ascenseur tombait toujours en panne, et on habitait au 8è étage ! »

Il ajoute :

« Nos enfants nous manquaient. On était loin quand-même. » 

Emménager à la Sauvegarde : « Il faut toujours faire des travaux »

Neuf mois après, le couple retrouve avec soulagement un logement social à la Sauvegarde.

« Comme d’habitude il a fallu faire des travaux à l’emménagement, dépenser de l’argent, mais ça va, on a l’habitude. »

Ils déplorent une communication peu fluide avec leur bailleur social, Grand Lyon Habitat. Ben explique :

« Notre chauffe-eau s’éteint tout le temps. De plus, on se fait vieux, c’est difficile pour nous de rentrer dans la baignoire, il faut l’enjamber. » 

La baignoire de Martine et Ben, qu’ils ont du mal à enjamber.Photo : LS/Rue89Lyon

Le couple aurait demandé à plusieurs reprises une réparation de leur chauffe-eau et un aménagement de la baignoire. Ils seraient restés sans réponse.

De plus, comme toutes les familles interrogées, ils ont des difficultés à garer leur voiture. Le pire, c’est les jours de prière à la mosquée du quartier. Martine s’en amuse :

« L’imam a même demandé à certains s’ ils ne voulaient pas directement garer leur voiture dans la mosquée. »

Martine et Ben ont demandé une place de garage à leur bailleur social, mais sont restés sans réponse.

« On a vu grandir les jeunes »

Des personnes s’étaient installées pour réaliser des réparations de véhicules dans les garages sous l’appartement de Ben et Martine. Les journées étaient alors rythmées par les bruits de moteur, les coups sourds et l’odeur entêtante du gazole. Ben poursuit :

« La police a été prévenue et les a délogées. À partir de ce moment-là, des personnes du quartier ont pris l’habitude de s’asseoir dans le petit parc en face pour prendre le thé tout en surveillant que d’autres ne s’installent pas. »

Ben*, habitant de la Sauvegarde depuis 1994.Photo : LS/Rue89Lyon

Le couple insiste sur la convivialité et l’entraide au sein du quartier. D’ailleurs Martine déclare :

« Je ne pense pas que c’est vraiment utile de demander davantage de police. Quand il y a des fêtards trop bruyants, on descend les rouspéter et ils baissent le son. On a vu grandir la plupart d’entre eux et ils nous respectent. »

Ben complète :

« Le problème c’est que les jeunes du quartier n’ont pas d’endroit pour se retrouver le soir, il faudrait leur donner une salle. Si je me souviens bien, avant, ils en avaient une. »

Pour Martine, le quartier de la Sauvegarde souffre à tort d’une mauvaise réputation :

« On parle de délinquance, mais nous ne sommes pas au Plateau ici, la Sauvegarde c’est un village. Il y a eu du trafic de drogue, maintenant beaucoup moins. »

« À la Sauvegarde, la diversité est acceptée »

Sarah* et Sofiane* ont 30 ans. Ils ont (presque) toujours habité au quartier de la Duchère, et Sofiane plus spécifiquement à la Sauvegarde. C’est même là qu’ils se sont rencontrés et qu’ils se sont mariés. Ils vivent désormais avec leurs deux fils dans la barre 440. Sarah déclare :

« On a vécu cinq mois avenue Barthelemy Buyer (Lyon 5è) après notre mariage. On ne s’y sentait pas bien du tout. Les voisins ne me disaient pas bonjour. Je pense que c’est parce que je suis voilée. À la Sauvegarde, la diversité est plus acceptée, normale. » 

Sarah et Sofiane apprécient leur appartement aménagé avec soin, pour lequel ils ont dépensé sans compter. Ils ont refait les sols, les murs, et même le plafond quand ils sont arrivés. Ils regrettent cependant de nombreux problèmes. Sarah détaille :

« On a des infiltrations d’eau tout le temps, et surtout, on a des refoulements des toilettes. On en a eu deux ces six derniers mois. »

Le balcon de Sofiane* et Sarah* dans le quartier de la Sauvegarde.

Leur bailleur leur a assuré que la rénovation prévue pour l’automne prochain viendra à bout de ce problème. Sofiane reste sceptique :

« Ils ont mis deux fois plus de temps que prévu à changer nos fenêtres, et il y a des soucis dans les appartements déjà rénovés, comme des toilettes trop étroites pour y être assis tout en fermant la porte. Je ne leur fais pas vraiment confiance. »

Il poursuit :

« Il y a beaucoup de choses que je ne comprends pas. On paye des charges alors que nous n’avons plus de gardien depuis deux ans, plus de service d’entretien pour les parties communes. »

Sarah ajoute :

« Il y a eu une réunion avec les habitants avant le premier confinement, ils ont parlé d’une hausse des loyers suite aux rénovations. Avec toutes les dépenses qu’on a dû faire pour rendre l’appartement habitable, c’est quand même déroutant. » 

« Avant, il y avait une vraie politique sociale à la Sauvegarde »

Face à ces problématiques, le couple se questionne au sujet de la place prédominante que prend la végétalisation du quartier dans le projet de rénovation urbaine. Sarah déclare :

« La Sauvegarde est déjà un quartier très vert, je pense qu’ils devraient plutôt concentrer leurs efforts dans une meilleure qualité de logements. » 

Capture d’écran du plan de végétalisation du quartier, disponible sur https://www.gpvlyonduchere.org/

Et poursuit :

« Là ils vont planter des arbres en veux-tu en voilà, installer un potager participatif où personne ne va aller, et nous demander une hausse des loyers. »

Le couple a une autre idée de ce qui ferait du bien au quartier. Sofiane raconte :

« Quand j’étais jeune, il y avait une vraie politique sociale pour les jeunes de la Sauvegarde. Les éducateurs de la MJC nous accompagnaient partout, on partait en vacances ensemble, je suis triste à l’idée que mes fils ne connaissent pas ça. » 

Sarah aussi se souvient :

« Il y avait beaucoup d’activités proposées aux jeunes : comme le cinéma en plein air. En 2000 il y avait même des mimes qui étaient venus nous faire rire, ils nous suivaient dans tout le quartier et copiaient nos mouvements. Maintenant, il n’y a plus rien. »

Le potager du quartier de la Sauvegarde LS/Rue89Lyon

Sofiane renchérit :

« Cette politique de rénovation autour des potagers participatifs et des jolis arbres, je la vois comme un argument pour donner envie aux riches de venir s’installer ici, d’acheter un logement. Pour moi, ce n’est pas pour améliorer notre quotidien à nous qui sommes locataires de logements sociaux. »

Et de conclure :

« Ni moi, ni les habitants historiques du quartier ne vont aller planter des patates le dimanche. Ils sont en train de créer un climat de rupture à la Sauvegarde. »


#La Duchère

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Photo : ED/Rue89Lyon

Photo : LS/Rue89Lyon

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