Me voilà ici, de retour dans le mouvement du monde, noyée parmi la foule. J’ai le sentiment d’avoir attendu ce moment si longtemps. La sortie, une date gravée et qui, il me semble, sera difficile à oublier. Je crois que l’on rencontre rarement ce type de sentiment : une bouffée d’oxygène si forte qu’il serait possible de s’évanouir. D’autant que j’ai la chance de ne pas vivre cela seule et d’être entourée. Je reste persuadée que cela change beaucoup de choses.
Une liberté sous conditions
J’ai eu la chance d’avoir quelques heures de liberté avant que l’on me pose le bracelet. Il fera de ma vie, une liberté sous conditions. Des heures qui sont mises à profit malgré tout, croyez le bien. Fêter ce jour me semble inévitable. Peut-être aussi pour prendre toute conscience de ce qui est entrain de se passer.
Je pense que je réalise la fin du parcours carcéral davantage dans les yeux de ceux que j’aime qu’en mon fort intérieur pour le moment. La sensation que cela est trop beau pour être vrai ?
Toutefois, arrive ce moment fatidique où l’heure du fameux rendez-vous a sonné. A cet instant, sensation d’une petite piqûre de rappel. Celle qui picote un peu plus que les autres : ma liberté n’est que probatoire, c’est un prêt en échange de bon comportement et de bon respect des règles. Rien n’est définitif et à cet instant je m’en souviens.
Le rendez-vous « avant pose de l’appareillage » a commencé par un petit entretien, du type entretien d’embauche, mais avec la nette impression que quoi que je dise, je ne serai pas embauchée..
Le foulard autour de la cheville pour camoufler le bracelet
On me donne les numéros à surtout bien enregistrer en cas de problème. Sauf qu’il n’est pas fait exposé des problèmes susceptibles d’être rencontrés.
Le bracelet électronique en lui-même n’est pas simple à camoufler pour un homme comme pour une femme, surtout en été.. Mais, ne souhaitant pas bannir mes tenues estivales, j’ai opté pour la technique du foulard autour de la cheville. Le début d’une nouvelle mode ?
L’installation du boitier fixe à mon domicile se fait dans la foulée. Il ressemble à un gros téléphone et est paramétré par rapport au périmètre de l’appartement. Me contraignant de ce fait à cet espace durant les nouveaux horaires qui sont les miens.
À 3h du matin, premier bug électronique du bracelet
Les premiers pas se font avec le sentiment de journées bien trop courtes où tout est à faire, où il faut tout recommencer. Je ne me plains pas, je ne retournerais derrière les murs pour rien au monde. Toutefois, il est vrai que le corps se réveille et que la force déployée pour tenir à l’intérieur se confronte à celle déployée pour se faire une place dehors. Un cataclysme me concernant. Ma « To do list » n’en finit pas de s’allonger, et pour couronner le tout j’ai connu mon premier bug électronique.
Ce n’était donc pas des rumeurs ce que j’ai ouïe dire sur les incidents techniques avec le bracelet électronique. Ils ne sont d’ailleurs visiblement pas une nouveauté. Quelle ne fut pas alors ma surprise quand à 3 heures du matin, la ligne fixe de mon bracelet s’est mise à sonner à en réveiller tout l’immeuble.
En ligne avec le numéro du Centre de surveillance, on m’explique alors que j’ai quitté mon appartement plusieurs heures. Cela me semble totalement lunaire alors que je sais que je me trouvais chez moi. Le meilleur arriva par la suite, lorsqu’un Conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation (CPIP) m’appelant pour faire son rapport me maintient que je mens et qu’il est impossible que le matériel dysfonctionne.
La solution est l’autosurveillance
Dans ma position, le pire est de me dire que je suis de bonne foi et pourtant personne ne s’inquiète de ce boitier qui est apparemment un peu fatigué…
Une solution radicale s’offrait à moi afin de pouvoir prouver, quoi qu’il puisse se passer, que je respecte les règles. Cette solution est l’autosurveillance. J’ai ainsi décidé d’installer une petite caméra qui filme la porte d’entrée de mon appartement en permanence. Pour pouvoir prouver le cas échéant que je ne suis pas sortie de chez moi en dehors de la plage horaire autorisée.
Quoiqu’ils seraient encore capables de dire que je suis sortie par la fenêtre, bien que je vive en étage !
15 jours après ma remise en liberté, toujours pas de conseiller de Probation attitré
Aujourd’hui, je suis en période de rodage. J’ai l’impression que la charge mentale m’accable de temps à autre, l’envie de tout faire, de tout vivre, de donner le meilleur de moi-même dans les projets qui me tiennent à cœur et pourtant, le corps dit stop.
L’idée est de prendre les problèmes les uns après les autres en essayant de paniquer le moins possible, et en attendant encore qu’un CPIP me soit attribué.. Oui, parce que 15 jours après le début de ma remise en liberté probatoire je n’ai toujours pas de Conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation attitré. Je ne peux qu’imaginer celles et ceux livrés à eux-mêmes dans les limbes de l’administration, des contraintes, des difficultés financières… Comment font-ils pour réussir là où on nous demande de faire plus que de réussir ?
Mes aventures ne font que commencer. Elles sont le prix de ma liberté. Le prix qui me permet de redevenir moi-même à part entière. Quoi qu’il advienne, je suis prête à tout affronter, tout sera mieux que l’enfermement. Une nouvelle étape qui me donnera je pense, bien des sujets à aborder.
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