Au bureau de vote numéro 11, à Vaulx-en-Velin sud, dans le hall du complexe scolaire Pablo Neruda, les assesseurs ont passé une journée très tranquille. Trop ? La Ville avait déclaré un taux de participation de 11,6% au premier tour des élections régionales. Une toute petite hausse a été constatée au second tour pour arriver à 12,56%. Il n’y avait donc toujours pas foule.
Pour Maryse, une des trois assesseures de la journée, ce constat est attristant :
« Cela fait six ans que je suis régulièrement assesseure et je vois comme l’abstention est grandissante. La démocratie s’est pourtant gagnée au prix du sang, il faudrait respecter ça. »
Judith a 20 ans. Elle est étudiante en école d’ingénieur. Elle aussi a passé sa journée derrière les urnes.
« Je ne suis pas encartée mais c’est important pour moi de participer à la vie politique, de rencontrer les personnes de ma ville. C’est unique comme expérience. »
« De 14h à 15h, personne n’est venu voter »
Elle ajoute :
« Je suis plutôt originale : aucun de mes camarades de classe n’est même seulement allé voter. »
Ce dimanche, plusieurs heures sont passées au bureau de vote sans que personne ne se présente :
« De 14h à 15h par exemple, personne n’est venu. »
Pour Abdoulaye Sow, adjoint à la maire PS, délégué au numérique et à la modernisation de l’action publique et troisième assesseur ce dimanche, il ne faut pas se tromper de constat :
« C’est vrai que les jeunes votent peu. Mais je ne pense pas qu’ils se fichent de la vie publique : ils s’engagent différemment, par l’associatif notamment. »
Pour l’élu au conseil municipal, cette élection a été très mal expliquée, la communication bancale :
« Il faudrait interpeller les jeunes avec des moyens moins conventionnels, comme par les réseaux sociaux par exemple. »
Il ajoute :
« Entre les professions de foi qui ne sont pas arrivées et l’absence d’explication claire de ce que sont les enjeux d’une élection régionale : personne ne s’est senti concerné. »
« Cette abstention aux régionales doit être un signal d’alarme »
Plusieurs votants sont arrivés en colère au bureau de vote, comme Keira par exemple :
« Nous n’avons pas reçu les professions de foi dans les boîtes aux lettres, ni au premier tour, ni au second. Je n’ai pas voté au premier tour, j’avais complètement oublié que c’était ce jour là. »
Carole, son mari Foued ainsi que leur fille Jade, sont venus voter aux environs de 17 heures 30. Pour Jade, jeune bachelière qui a fêté ses 18 ans entre les deux tours, c’est une première :
« C’est important pour moi de voter, ça marque une étape dans ma vie. »
Foued, son père, est alerté par le chiffre élevé de l’abstention :
« On aurait aimé plus de participation. Ce qui m’embête le plus c’est que les candidats ne changent pas de discours, de manière de faire, que cette abstention ne soit pas pour eux un signal d’alarme. »
Il tacle :
« Il y a beaucoup de candidats qui ont fait campagne pour les régionales sur des thématiques qui ne sont pas des compétences de la Région. C’est grave. »
Carole est professeure d’histoire-géo à Lyon :
« Il y a une perte de confiance des citoyens qui est compréhensible. »
Elle illustre :
« Je remarque que les élèves n’ont pas confiance en les hommes politiques français, et par extension, aucun intérêt pour la politique. »
« Aucun de mes amis n’était inscrit sur les listes »
Cyrille a 39 ans, lui aussi a déjà été assesseur. C’est donc naturellement qu’il a accepté d’être scrutateur pendant le dépouillement :
« Aucun de mes amis ne vote pour les régionales. Je les ai prévenus une semaine en amont du premier tour, et certains ont eu envie de participer. Le problème, c’est qu’ils n’étaient pas inscrits sur les listes. »
Cyrille déclare :
« Je ne me suis pas intéressé aux programmes. Il y en a certains qui revendiquent des compétences qui ne sont pas celles des Régions, d’autres qui ne sont pas explicites sur leurs projets. J’ai voté par conviction, comme tout le monde, je pense. »
Nans est l’un des derniers à s’avancer dans le bureau de vote. Militant du PCF, les assesseurs le reconnaissent tout de suite et l’appellent « la mémoire du quartier ». Pourtant, il n’a que 34 ans :
« J’ai toujours voté. Quand on me demande mon avis, je considère que je dois le donner. De plus, les compétences de la Région, que ce soit les subventions aux associations, les lycées, les transports, ça nous concerne tous à un moment donné. »
Interrogé sur l’abstention, il déclare :
« L’abstention n’est que l’expression de la désillusion des habitants face aux hommes politiques et à leurs promesses illusoires. En plus, la Région fait des choses qui ne sont visibles que 4 ou 5 ans après l’élection. Les vaudais veulent remplir le frigo pour demain. »
Il conclut :
« On est la sixième ville la plus pauvre de France. Si les habitants ne votent pas, ce n’est pas parce que les gens d’ici ne pensent pas politiquement, c’est juste qu’ils ne se sentent pas écoutés et soutenus. »
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