Actualités, enquêtes à Lyon et dans la région

Le projet du « RER » de Lyon au cœur des élections régionales

Le « RER à la lyonnaise » est au menu des élections régionales. À la manœuvre, le président-candidat de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez (LR), tente de reprendre la main sur un dossier qui a peu avancé durant son mandat. Ses adversaires ne manquent pas de lui rappeler et plaident pour une augmentation massive du nombre de TER à Lyon. Retour sur l’enjeu mobilité n°1.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89Lyon, abonnez-vous.

La gare de Part-Dieu

« Le RER à la lyonnaise, c’est possible. »

Le titre sonnerait presque comme un slogan de campagne. Pour cause, il annonce un enjeu majeur des élections régionales à venir. Dimanche 8 mai, le président de la Région Auvergne Rhône-Alpes Laurent Wauquiez (LR) a annoncé dans les colonnes du Progrès son plan pour développer son réseau express régional.

Un enjeu de taille pour les habitants de la métropole de Lyon et des alentours. Dénommé aussi parfois réseau express métropolitain (REM), ce « RER à la lyonnaise » vise à augmenter considérablement la fréquence des trains sur la plupart des lignes du nœud ferroviaire lyonnais (rebaptisé Étoile ferroviaire).

L’idée : avoir un train pour Lyon toutes les quinze minutes en heure de pointe en partant d’Ambérieu, Saint-Étienne, Villefranche-sur-Saône, Sain Bel, Lozanne, etc. Il s’agit également de faire rouler des TER plus tôt le matin, et plus tard le soir. Bref, entrer dans une réelle logique de RER autour de Lyon. 

Dans les tuyaux depuis des dizaines d’années, le projet revient de façon centrale dans les débats à l’heure où la voiture est mise hors des villes et où la question écologique devient cruciale. Ainsi, la nécessité d’investir dans Étoile ferroviaire, largement congestionnée, apparaît indispensable. Chaque jour, 1200 trains transitent sur ces lignes du réseau lyonnais, dont 600 TER.

Laurent Wauquiez en a bien conscience. Depuis octobre 2020, il ménageait le suspense et avait déjà annoncé une étude pour un tram-train entre Brignais et Givors. Lors d’un entretien à BFMTV Lyon en décembre, le futur candidat à sa réélection avait annoncé un grand plan pour ce RER début 2021.

Finalement, l’annonce est tombé à un mois et demi des élections, trois jours avant son entrée officielle (et sans surprise) en campagne, étude à l’appui. Depuis, il mentionne régulièrement ce projet comme un axe fort de son futur mandat. Gage de sa foi dans le RER : il a intégré à sa liste lyonnaise Christophe Gourgeon (UDI). A Lyon, l’élu métropolitain est connu pour ses prises de position régulières sur ce sujet. 

Les principales lignes du réseau de l’Étoile ferroviaire lyonnaise. Crédit : SNCF

Pour l’opposition : le coup de com’ de Laurent Wauquiez sur les TER à Lyon 

Dans le rang de ses opposants lors de cette campagne des régionales, on se gausse. 

« Dommage que Laurent Wauquiez n’ait pas été élu président en 2015 », plaisante Fouziya Bouzerda (MoDem), sur la liste de Bruno Bonnell (LREM).

L’opposition socialiste prend la nouvelle avec moins d’humour. 

« Laurent Wauquiez est quand même très gonflé. Plus c’est gros, plus ça passe, lâche son opposant au conseil régional, Jean-François Debat (PS), engagé dans la campagne aux côtés de Najat Vallaud-Belkacem. Quand on lui parlait du RER, il nous parlait de l’A45. On a perdu cinq ans ! »

Jean-François Debat et Najat Vallaud-Belkacem lors du lancement de la liste « L’alternative » le 17 mai 2021 au Mob Hôtel à Lyon.Photo : PL/Rue89Lyon.

Particulièrement remonté, l’élu dénonce un « réveil » tardif du président d’Auvergne-Rhône-Alpes.

Même constat du côté des écologiste. Il faut dire que, côté Métropole de Lyon, Jean-Charles Kohlhaas (EELV), vice-président en charge des déplacements, des intermodalités et de la logistique urbaine n’a cessé de faire des appels du pied à la région. Dans Rue89Lyon, il s’est déjà prononcé plusieurs fois pour « aider » la Région dans ce projet de « RER à la lyonnaise ». Une « main tendue » refusée. Laurent Wauquiez a ainsi présenté son plan en solo malgré un travail entre la Région et la Métropole de Lyon, notamment sur les questions de tarification.

La ligne de TER Saint-Étienne/Lyon : la priorité et le point noir 

L’annonce montre en tout cas l’importance politique du projet. « Je suis élue depuis 2004, je n’ai jamais autant entendu parler des questions de mobilité que cette année », assure Cécile Cukierman (PCF), tête de liste Ensemble pour notre région. En premier lieu : la ligne Saint-Étienne/Lyon revient en premier dans la bouche des élus. 

« Sur cette ligne, nous n’avons vraiment plus le choix, marque Fabienne Grébert à Rue89Lyon, candidate tête de liste pour les écologistes. Nous aurons un vrai travail à faire dès juillet avec Bruno Bernard [président (EELV) de la Métropole de Lyon] sur ce sujet. » 

Fabienne Grébert, tête de liste des écologistes pour les régionales. Photo PL/Rue89Lyon.

Les récents intempéries ont mis en avant les fragilités de cette ligne utilisée quotidiennement par près de 20 000 personnes. « C’est tout de même aberrant de se dire qu’on est encore dépendant de la météo », lâche la communiste Cécile Cukierman. Sur ce point, les verts, socialistes ou proches de Cécile Cukierman auront beau jeu de rappeler que le président ne croyait pas en cette liaison et avait promis 145 millions d’euros sur le projet d’A45 maintenant enterré. 

Certes, aujourd’hui, cet argent devrait être consacré à des alternatives sur cette ligne TER. 200 millions, partagés par l’État et la Région sont prévus dans le cadre du plan de relance. Mais du temps a été perdu.

Des projets en commun à l’Est comme à l’Ouest lyonnais

Sur le projet, les candidats s’accordent sur plusieurs axes de développement. Dans l’Est lyonnais, la nécessité d’aller vers l’Isère est soulignée. De Laurent Wauquiez (LR) à Cécile Cukierman (PCF), tout le monde est d’accord pour intensifier la fréquence des trains et pour aller plus loin. Pour Fouziya Bouzerda, ancienne présidente du Syndicat mixte des transports en commun lyonnais (Sytral), il s’agit pour la région de faire la suite du T3 à Meyzieu.

Laurent Wauquiez envisage d’aller jusqu’à Crémieu. Oscillant entre Bus à haut niveau de service (BHNS) et tram, son choix est au final assez proche de ceux de ses concurrents. Les écologistes préférant toutefois l’option rail à l’option bus.

De même, un rallongement du tram-train à l’Ouest lyonnais fait consensus. « Il est possible de faire des travaux sur ce secteur dans les dix ans », estime Fouziya Bouzerda. Motif de l’urgence pour elle : le fait de ne pas avoir d’autres transports en commun sur le secteur. Sur le sujet, la plupart des acteurs souhaitaient prolonger l’actuelle ligne Lyon/Sain-Bel jusqu’à la Brevenne. Côté écologiste et PS, on évoque même Courzieu et la Giraudière, un brin plus loin. 

« Il devra également y avoir un cadencement en direction de Lozanne, Givors et Brignais », estime Bernard Chaverot (PRG), sur la liste de Najat Vallaud-Belkacem, dans le Rhône.

Là encore, sur ces lignes, l’attente est forte et tous les candidats semblent l’avoir compris. Et les retards pris par l’actuel exécutif régional sont, une fois de plus, soulignés.

Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne- Rhône-Alpes lors de ses vœux 2019. Le 28 janvier 2019 au musée des Tissus et des Arts Décoratifs.Photo : MG/Rue89Lyon

Le Lyon/Trévoux : l’éternelle arlésienne des régionales

Le gros point de friction reste le même depuis plusieurs dizaines d’années : le Lyon/Trévoux. « L’arlésienne des élections régionales », souffle la communiste Cécile Cukierman.

Au nord de Lyon, cette ligne doit permettre de desservir un bassin de population important de population. Pendant 30 ans, un projet de train a traîné en bord de Saône. Lors du dernier mandat de Jean-Jack Queyranne, des fonds avaient été prévus.

Laurent Wauquiez est revenu sur la question en proposant un projet plus réaliste, selon lui : un bus à haut niveau de service (BHNS). Sur une voie lui étant consacrée jusqu’à Caluire, celui-ci sera plus lent, certes. Mais il a le mérite d’être plus réalisable, selon l’exécutif.

Sauf que la solution ne satisfait toujours pas. La Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut) a fait savoir son désir du retour d’un projet de train, plus adapté à une grande part de voyageurs. À gauche, la liste PCF-LFI de Cécile Cukierman est résolument pour le retour du projet de train.

Plus rapide, capable de prendre plus d’usagers, le train a des avantages indéniables face au bus. Malheureusement, le trajet jusqu’à Part-Dieu devait se faire en deux temps : Trévoux/Sathonay puis Sathonay/Lyon. Une rupture de charge rendant le projet plus complexe. Dans ce cas, l’arrivée du métro pourrait en intéresser plus d’un. 

« Imaginez un peu qu’un métro aille jusqu’à Sathonay, nous glissait Jean-Charles Kohlhaas (EELV), vice-président à la Métropole de Lyon en charge des mobilités. Il serait vraiment dommage de ne pas avoir de trains pour amener les usagers jusque là ! »

Sans surprise, les écologistes sont donc favorables à un retour du projet « train » sur cette section. Côté PS, on soutient toujours le rail, avec prudence. L’équipe de Bruno Bonnell (LREM), elle, a accepté le BHNS, par défaut. Au final, la position « réaliste » du sortant Laurent Wauquiez semble la plus engagée avec un début des travaux annoncés pour 2022.

« En attendant, sur ce sujet aussi il ne s’est rien passé sous ce mandat », grince Jean-François Debat (PS). 

TER à Lyon : une entente nécessaire entre Métropole et Région

Logiquement, côté écologiste, on fait valoir qu’il serait plus simple d’avancer sur le sujet si Région et Métropole étaient de la même couleur politique.« Nous avons besoin de travailler en partenariat, ce qui n’est pas le cas pour l’instant », constate Fabienne Grébert.

« Sur le territoire du Sytral, on pourrait prendre l’exploitation des trains », rappelle Jean-Charles Kohlhaas (EELV). Une manière de favoriser, notamment, le retour des « petits Givors » ces trains qui ont été suspendus entre Perrache et Givors. Le vice-président en charge des transports de la Métropole réitère sa proposition : mettre plusieurs centaines de millions pour des travaux, là où la Région n’a pas les moyens de les mettre : « Le budget d’une collectivité connaît des limites. » Avec une règle : « C’est celui qui paye, qui commande. »

Au cours des négociations entre Région et Métropole, les négociations sur une tarification intégrée (lire par ailleurs) ont avancé. Le reste, un peu moins. Lors de la présentation de son projet de RER, Laurent Wauquiez a annoncé qu’il allait être possible de « rentrer en discussion » avec les différents partenaires (État et Métropole). Cependant, pas sûr qu’il soit prêt à « lâcher » des lignes et du pouvoir à d’autres institutions comme le Sytral, géré, en grande partie, par la Métropole de Lyon. Le président de Région s’est souvent agacé du fait que les mobilités soient gérées sur le territoire rhodanien par un syndicat mixte contrôlé par la Métropole et non par la Région, comme c’est le cas dans reste du pays. Pour renverser la balance, il cherche à peser davantage dans le Sytral en mettant la pression sur d’autres collectivités membres du comité syndical.

Fouziya Bouzerda, alors présidente du Sytral le 25 janvier 2019.Photo : MG/Rue89Lyon

Un projet qui interroge sur le rôle de chaque institution

Une direction que ne souhaite pas non plus Cécile Cukierman (PCF). Cette dernière plaide pour que la ligne de tram-train de l’ouest lyonnais (entre Lyon et Sain-Bel) ne soit pas désolidarisée du reste du réseau.

« Ce serait une erreur, estime-t-elle. Si l’on commence à mettre en concurrence des lignes de chemins de fer, cela va être compliqué de développer d’autres petites lignes. »

Pour elle, il est nécessaire de garder une unité afin que les lignes avec beaucoup de voyageurs financent les lignes avec une fréquentation moindre. À terme, elle craint aussi un retrait de l’État, sans contrepartie financière. 

Question organisation, Fouziya Bouzerda (MoDem) rappelle l’importance donnée à la Région par la loi d’organisation des mobilités. Pour elle, la Région est « désormais la grande cheffe d’orchestre des mobilités. » En ce sens, elle doit délivrer une vision globale sur le rail, les transports en commun, mais aussi sur la construction de parcs relais, etc.

« Avec la mise en place de la loi LOM, la Région a tout en main. Hors, il ne s’est rien passé. On n’a pas eu d’augmentation de l’offre », regrette-t-elle. 

Cécile Cukierman, sénatrice communiste de la Loire. Photo CC BY-SA 4.0 par PCF Auvergne-Rhône-Alpes via Wikicommons

Le « RER à la lyonnaise » : une vision du territoire 

Sur cette vision du territoire, l’ancienne présidente du Sytral rappelle quelque chose d’élémentaire : ce réseau doit sculpter la région lyonnaise.

« La Métropole de Lyon doit à son réseau de transports le développement qu’elle a connu. »

En ce sens, les choix des axes travaillés donneront un axe de développement économique au territoire. 

« Toute la question est ce que l’on entend par RER », rappelle à ce propos Cécile Cukierman (PCF).

« Si c’est pour reproduire le schéma connu en île de France avec toutes les lignes qui convergent vers Lyon, ce n’est pas la peine. On a besoin de plus de trains, mais tous n’ont pas besoin de passer par Lyon. » 

Dans son viseur, une ligne pour contourner la métropole dans l’Est lyonnais. Elle le rappelle : ce qui limite le développement du RER, c’est la faible capacité de la gare de la Part-Dieu. Or, malgré les investissements pour la création de nouvelles voies durant le dernier mandat, cette dernière devrait rester saturer. 

Selon les prévisions de la SNCF, la fréquentation de l’Étoile ferroviaire lyonnaise devrait augmenter de 25 % d’ici 2035, dont 15 % pour la gare de Lyon Part-Dieu. En cause : la concentration des emplois à Lyon.

Ce qui rejoint la question d’un développement économique plus équilibré du territoire. Une autre compétence de la Région.


#régionales 2021

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles

À lire ensuite


Photo : PL/Rue89Lyon

Partager
Plus d'options
Quitter la version mobile